Ne cherchez plus, l'hostilité la plus féroce à Jean-Luc Mélenchon, c’est à gauche qu’on la trouve. Paradoxal? Du tout. C’est même un grand classique. A sept semaines du premier tour des élections législatives, les prétentions du leader de La France insoumise (LFI) à incarner la seule opposition possible au président Macron réélu, rencontrent de fermes oppositions au sein de la famille progressiste.
Retour au 10 avril, date clé pour comprendre. Ce jour-là, Jean-Luc Mélenchon arrive troisième du premier tour de la présidentielle avec près de 22% des voix. Un excellent score, qui aurait en partie bénéficié de la stratégie du vote utile. De fait, les autres candidats à gauche obtiennent des résultats plus bas que ceux que leur promettaient les sondages. Depuis, «Monsieur 22%» se sent pousser des ailes… de chef du gouvernement.
Toujours au top de la provoc, la France insoumise a concocté une affiche portant la mention «Mélenchon Premier Ministre». Sur fond de foule agitant des drapeaux tricolores, on y voit le chef de la FI en petit père des peuples souriant, le regard pointé vers un avenir meilleur, le cheveu en brosse à la manière des notables communistes d'autrefois.
Tout le monde parle de ce portrait qu’on dirait conçu pour une campagne présidentielle. Certains s’en indignent et accusent le patron de la FI de fouler la Constitution au pied: en France, c’est le président de la République qui choisit son premier ministre, sachez-le, Monsieur Mélenchon!
Dans cet intervalle qui sépare la présidentielle des législatives, jamais l’humeur n'avait paru aussi orageuse, avec ce procès en illégitimité fait à Emmanuel Macron par ses opposants les plus déterminés, et il s’en trouve de nombreux à la FI.
Les forces de gauche, selon l’expression consacrée, avaient pu sembler unies avant le premier tour, de manière à donner le plus de voies possibles à Jean-Luc Mélenchon. Mais le second tour passé, le danger Marine Le Pen écarté, un «tout sauf Mélenchon» réapparaît chez la partie modérée de la gauche, la «bourgeoise», comme la fustige l'aile radicale avec le plus grand mépris.
Yannick Jadot, le candidat d'Europe Ecologie Les Verts à la présidentielle, se rétracte. Bien qu’il ne semble guère l’apprécier, il donnait l’impression de faire cause commune avec Jean-Luc Mélenchon appelant, il y a quinze jours encore, à la mobilisation en vue des législatives de juin, qu’il qualifiait de «troisième tour de la présidentielle». Une expression qu’à présent il condamne, la jugeant contraire à l’esprit des institutions de la Ve République. Plus simplement, Jadot ne veut pas se mettre sous les ordres de Mélenchon.
Yannick Jadot rejette la formule de «3e tour de la présidentielle» utilisée par Jean-Luc Mélenchon, mais cette expression apparaît dans un de ses tweets, posté le soir du premier tour. @CheckNewsFr https://t.co/vlw82N8wvQ
— Libération (@libe) April 27, 2022
A l'inverse, le premier secrétaire de ce qu’il reste du Parti socialiste, Olivier Faure, ne dit pas «non» à Jean-Luc Mélenchon. Sans doute dans l’espoir de sauver ce qui peut l’être encore de sa formation. Son choix fait bondir dans la famille social-démocrate, représentative de cette gauche modérée, qui ne lui pardonne pas de «se soumettre» à la France insoumise. Pourtant, en 2019, Faure condamnait sans réserve le personnage Mélenchon, le jugeant responsable d'une «dérive insupportable» pouvant conduire à «la fusion des rouges et de bruns». Certains le lui rappellent aujourd’hui:
Mélenchon est "totalement condamnable" dans sa "dérive insupportable rouge-brun", estime Faure, une ancienne grande marque d’électroménager. https://t.co/AHaXa5tiOX
— Hugues Serraf (@Hugues_Serraf) April 28, 2022
Les derniers jours de la campagne présidentielle avaient pu créer l’illusion d’une réconciliation des «deux gauches», la sociale-démocrate laïque et la radicale prête à lâcher du lest sur la laïcité. L’après-24 avril montre qu’il n’en est rien.
La chose est connue, une bonne partie de la social-démocratie a migré chez Emmanuel Macron en 2017 déjà. Elle accuse Mélenchon de se compromettre avec le «wokisme», l’«islamisme» et l’«indigénisme» (un courant décolonial issu du tiers-mondisme). Une passe d’armes vient d'avoir lieu entre le président du Printemps républicain, un mouvement «laïque» issu de la gauche socialiste, présidé par l’Avignonnais Amine El Khatmi, et David Guiraud, le porte-parole Jeunesse de Jean-Luc Mélenchon.
El Khatmi reproche à la France insoumise de vouloir investir pour les législatives deux protégés de Guiraud, un «raciste» et une «homophobe», soit Taha Bouhafs, condamné par la justice pour avoir traité une syndicaliste policière d’«Arabe de service», et Shéhérazade Bentorki, qui avait dû quitter le Parti socialiste en 2013 après s’être déclarée opposée au projet de loi instituant le «mariage pour tous».
Après le candidat raciste à Vénissieux, l’Union Populaire propose la suppléante homophobe à Roubaix. Ça aussi vous ne le saviez pas @GuiraudInd @AQuatennens ? https://t.co/Ug7zxPsny6
— Amine El-Khatmi (@Aminelkhatmi) April 27, 2022
David Guiraud a annoncé vouloir porter plainte contre Amine El Khatmi pour diffamation.
L'humeur à gauche est à l'orage. Elle est même parfois détestable. Comme ce jeudi matin à l'antenne de la radio France Inter, lorsque le député LFI François Ruffin a décrit Emmanuel Macron en «bâtard» de l'ex-président de la République François Hollande.
Ainsi donc, selon @Francois_Ruffin, @EmmanuelMacron est un « batard ».
— Jérôme Godefroy (@jeromegodefroy) April 28, 2022
Ruffin, toujours pas remis d’avoir été snobé dans la cour de récré du collège jésuite “La Providence” d’Amiens par l’actuel président réélu. pic.twitter.com/YTJgOvpVcr