Et si la victoire totale échappait à Emmanuel Macron? A quelques jours du premier tour des élections législatives, la Nupes, la coalition de gauche née d’un accord historique entre la France insoumise, le Parti socialiste et Europe Ecologie Les Verts, fait la course en tête, selon un sondage Ifop-Fiducial pour la chaîne LCI: 26% contre 25% pour Ensemble, l’étiquette sous laquelle se présentent les candidats de l’actuelle majorité présidentielle regroupant Renaissance (ex-La République en marche), le Modem de François Bayrou et Horizons de l’ancien premier ministre Edouard Philippe.
Ainsi, ce qui paraissait impossible au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, le 24 avril, ne l’est plus aujourd’hui: le chef de l’Etat pourrait ne pas disposer de la précieuse majorité absolue (289 sièges sur un total de 577) au soir du second tour des législatives, le 19 juin. Ce qui l’obligerait à composer avec d’autres éléments que ceux de son parti, voire à nommer un premier ministre de cohabitation, issu des rangs de l’opposition.
A ce propos, la dynamique est favorable à la Nupes (prononcé «nupe»), la Nouvelle union populaire écologique et sociale, emmenée par Jean-Luc Mélenchon, le patron de la France insoumise. Cette coalition à gauche toute, qui entend rompre avec le social-libéralisme au profit d’une vision dirigiste et redistributive de l’économie, apparaît comme le principal challenger de l’actuelle majorité présidentielle. Bien plus que le Rassemblement national de Marine Le Pen, pourtant deuxième à l’élection présidentielle, mais jouant battu aux législatives.
Tout le contraire de Jean-Luc Mélenchon, qui se voit en chef victorieux et fait campagne pour le poste de «premier ministre», ayant le toupet de ne même pas se présenter au suffrage des électeurs dans une circonscription, ce qui l'exposerait à une possible défaite. Adoptant une posture de «président bis», le leader de la France insoumise rompt ici avec les usages de la Ve République, donnant un avant-goût de son projet de VIe République, qui prévoit l'instauration d'un régime parlementaire.
En projection de sièges, Ensemble reste cependant devant. Selon le sondage Ifop-Fiducial, la majorité présidentielle en obtiendrait entre 250 et 290 (soit, dans le meilleur des cas, un de plus que la majorité absolue la plus ric-rac), la Nupes, elle, entre 195 et 230. La coalition de gauche n’aurait donc ni la majorité absolue, ni la majorité relative. Elle n'aurait pour autant pas démérité si d'aventure le chef de l'Etat ne pouvait pas s'appuyer sur une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Cela reste l'un des buts de la Nupes: ne pas donner les «pleins pouvoirs» à Emmanuel Macron, l'empêcher d'avoir les «coudées franches» pour gouverner.
«La campagne des législatives est marquée par une forte polarisation entre Ensemble et la Nupes. Chacun tape sur l’autre, cela profite aux deux, singulièrement, ces derniers jours, à la coalition de gauche», observe Bruno Cautrès, politologue au Cevipof (Centre d’études de la vie politique française).
Les scénarios les plus probables sont les suivants:
Imaginons à présent la surprise des surprises: une victoire de la Nupes, qui déboucherait sur un gouvernement de cohabitation. Mélenchon, l’homme fort de cette entente à gauche, deviendrait-il à coup sûr le premier ministre d’Emmanuel Macron? «On ne voit pas trop comment le président de la République pourrait ne pas nommer Jean-Luc Mélenchon chef du gouvernement, d’autant que l’accord passé par les partis formant la Nupes le stipule noir sur blanc: «Cette dernière, en cas de victoire, s’est accordée sur le nom de Mélenchon comme premier ministre», rappelle le politologue du Cevipof.
Cet accord serait-il menacé par le dernier rebondissement en date? On apprenait mercredi qu’un tribunal, saisi par quatre dissidents socialistes, a invalidé la veille le processus d’adhésion du Parti socialiste à la Nupes, au motif qu’il n’a pas été entériné par le Conseil national du PS, le parlement interne. Cette invalidation n’a cependant pas d’effet suspensif. L’accord reste donc valable. Dimanche 12 juin, au soir du premier tour déjà, on saura si Emmanuel Macron doit craindre pour sa majorité.