International
Lettre ouverte

Lettre ouverte à Malik Bentalha: n'oubliez pas l'islamisme

Lettre ouverte

Réponse à Malik Bentalha qui flingue Pascal Praud: n'oubliez pas l'islamisme

L'humoriste Malik Bentalha casse la baraque avec «L'heure de trop», une parodie de «L'heure des pros», vue des millions de fois. On a ri, mais pas à tout.
Malik Bentalha interprète le personnage de Pascal Praud et de l'imam Larsen Harbouni, alias l'imam Hassen Chalghoumi.image: capture d'écran
L'humoriste français Malik Bentalha casse la baraque avec «L'heure de trop», une parodie de «L'heure des pros», vue des millions de fois. On a ri, mais pas à tout. Lettre à l'auteur du sketch.
27.11.2023, 18:5428.11.2023, 15:51
Plus de «International»

Cher Malik Bentalha,

Dans une vidéo parodique postée le 23 novembre sur les réseaux sociaux, vous brocardez «L’Heure des pros», le rendez-vous de Pascal Praud et sa bande de chroniqueurs officiant sur CNews. On ne présente plus CNews: la chaîne identitaire, propriété du catholique breton Vincent Bolloré, pour qui l’islam pose un problème en France. Pour que ce soit clair, voici rapidement mon point de vue sur la place des religions dans une société laïque: la liberté de croire ou de ne pas croire est un droit fondamental; les religions sont des modalités de la foi; les lois votées par les parlements l’emportent sur les «lois de Dieu». Je pense énoncer ici l’avis de la majorité des citoyens des pays où la religion ne gouverne pas.

Vous en avez marre qu’on s’essuie les pieds sur l’islam. Qu’on stigmatise les musulmans. Qu’on les humilie. Il me semble que c’est là le message que vous faites passer dans votre parodie de «L’heure des pros», rebaptisée «L’heure de trop», qui sonne comme un ras-le-bol.

Un personnage ressort du lot, Larsen Harbouni, l'imam de Nancy, alias Hassen Chalghoumi, l'imam de Drancy: un accent blédard des années 1980, un parler français de «derrière les ragots», bref, un homme qui dit souvent tare pour barre. Harbouni-Chalghoumi, l’imam de ceux qui ont avantage à faire de cette «caricature» le représentant des musulmans en France. Harbouni-Chalghoumi ou l’Arabe docile, invité le dimanche à la table des colons. C'est un peu comme ça qu'on le voit à travers vos yeux, Malik Bentalha.

La vidéo

Chalghoumi, un accent qui ne passe pas

Comme vous peut-être, je pense que certaines émissions de télévision, ces vingt dernières années, ont abusé de la présence de l’imam Chalghoumi, reçu avec un brin de gêne et de condescendance. Ces chaînes n’ont pas réfléchi, ou cela leur était égal, à l’image renvoyée par cet homme d’apparence simple mais ne manquant pas de courage, aux descendants de l’immigration maghrébine en plein affranchissement du poids du parents. Le poids de l’accent n’étant pas le moindre. Combien ont eu honte du père ou de la mère qui ne s’exprimait pas «comme les Français», dans le contexte post-colonial que l’on sait. Les témoignages ne manquent pas à ce propos.

Si bien qu’il valait mieux être représenté par un parfait francophone plein de prestance comme Tariq Ramadan, fût-il animé d'une idéologie frériste, rigoriste en matière de mœurs, et porteur d’une feuille de route identitaire destinée à la jeunesse musulmane. C’est en tant que musulmans et musulmanes qu’il fallait s’intégrer en France. Quelle drôle d'injonction! D’où l’apparition de dilemmes, quelques-uns furent ravageurs. On peut deviner Tariq Ramadan sous les traits d’un autre personnage de «L’heure de trop», Abdelkader Ziani.

Est-ce que je me trompe, je n’ai pas perçu de charge ironique dans le jeu de ce dernier. Au contraire, il donne l’impression d’être la seule personne de sensée autour d’une table de dingos. Vous le faites apparaître comme le musulman légitime et posé, «professeur en science islamique de l’université de Harvard» (Tarik Ramadan l’était d’Oxford). Une figure supposément gratifiante pour le public musulman, réduite par le personnage Pascal Praud à son seul prénom, à la seule identité qui vaille, celle de l’«Arabe», comme on le conçoit chez les racistes.

Effets comiques, sous-entendus politiques

J’ai ri à vos effets comiques («Chanter la Marseillaise? On n’a pas le temps», «Un couscous, tous pour un», «double médaillé olympique d'islam», entre autres), moins à certains de vos sous-entendus politiques – Pascal Praud prononce «rrrrramas», à la manière gutturale des Israéliens, pour dire Hamas. Lorsque vous parlez de la djellaba, qu'il est question d'interdire dans la rue, chacun comprend que vous faites allusion à l’abaya, récemment prohibée dans les établissements scolaires de même que le qamis, tenus pour des signes religieux ostensibles et de ce fait tombant sous le coup de la loi 2004.

Opposé à l'interdiction de la djellaba dans la rue, le personnage Abdelkader Ziani cite l’avis émis, la date correspond, le 27 novembre 1989 par le Conseil d’Etat, valant, à l’époque, pour le foulard islamique en classe: la plus haute juridiction administrative française avait considéré que le port du foulard islamique par des élèves ne contrevenait pas à la laïcité, mais que cette liberté tombait dès lors que le foulard, ou tout autre signe manifestant une appartenance religieuse, constituerait – ce n'est qu'une partie des arguments – «un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande», ce que le gouvernement a estimé s’agissant de l’abaya.

Embêtant

Ce que je trouve embêtant dans votre parodie, c’est de passer sous silence l'idéologie islamiste. Vous n’avez pas voulu vous moquer des bigots, des Tartufe, pensant que cela ne ferait qu’ajouter à la stigmatisation des musulmans? Cela peut se comprendre dans un contexte d'hostilité à l'islam et de racisme anti-musulman toujours présents. Dans ce cas, fallait-il laisser accroire que tout propos critique de l’islam se résume au mépris de l’islam et des musulmans manifesté par l’ensemble des personnages réunis dans «L’heure de trop», à l’exception du professeur de science islamique Abdelkader Ziani, Harbouni-Chalghoumi étant quant à lui, si j'ai bien compris, un jouet dans la main des haineux?

Cher Malik Bentalha, on ne peut pas éternellement laisser à des «non musulmans» le sale boulot qu'est la critique de l’islamisme – qui n’est pas qu’une invention des «islamophobes». Au passage, il faut se rappeler que l’imam Chalghoumi, qui vit sous protection policière, était harcelé en 2010 par un certain Abdelhakim Sefrioui, le fondateur du collectif Cheikh Yassine, qui, suivant en cela une pratique islamiste éprouvée, entendait le virer de sa mosquée de Drancy au motif de ses liens avec Israël. Sefrioui, cité dix ans plus tard dans l’assassinat de Samuel Paty, mis en examen pour «complicité d’assassinat terroriste» – le procès des mineurs impliqués dans ce drame s’est ouvert lundi 27 novembre.

Ce que je me permets de vous demander

Je sais que cet assassinat, de même que les attentats de janvier 2015, sitôt après lesquels vous aviez tenu à annuler des représentations du spectacle que vous jouiez à l'époque, n'ayant pas le cœur à rire, vous font horreur, comme à moi, comme à n’importe qui, et je n'ai pas besoin que vous le disiez pour m'assurer du dégoût qu'ils suscitent en vous. Je ne suis pas de ceux qui attendent des musulmans qu'ils descendent dans la rue pour condamner le terrorisme. Ce que je me permets de vous demander, c’est, sur l’échelle des problèmes auxquels nous sommes confrontés, de convenir que l’islamisme reste pour l'heure une réalité plus grave que la gêne qu’on peut éprouver en entendant parler Hassen Chalghoumi.

La petite phrase de Mbappé qui enfonce un peu plus Gibraltar
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
5 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
5
Ukraine et alliés proposent un cessez-le-feu de 30 jours à la Russie
À l’issue d’une visite à Kiev de dirigeants européens et d’un échange avec Donald Trump, l’Ukraine et ses principaux soutiens occidentaux ont proposé à Moscou une trêve totale à partir de lundi.

L'Ukraine et ses principaux alliés européens, de concert avec les États-Unis, ont proposé samedi à la Russie un cessez-le-feu de 30 jours à partir de lundi, à l'issue d'une visite à Kiev d'Emmanuel Macron, Friedrich Merz, Keir Starmer et Donald Tusk.

L’article