Le procureur général du Liban a décidé de poursuivre le juge Tarek Bitar pour «rébellion contre la justice», et «usurpation de pouvoir» – un fait rare –, ripostant à sa propre mise en accusation sur fond d'un bras de fer judiciaire qui menace d'occulter l'enquête.
Le juge est en outre frappé d'une interdiction de quitter le territoire libanais, a ajouté le procureur général près la Cour de cassation. Tark Bitar est appelé à comparaître jeudi 26 janvier au matin. Selon un responsable judiciaire ayant requis l'anonymat, il refuse de comparaître.
Les autorités libanaises sont accusées par des ONG et les familles des victimes de faire obstruction à l'enquête locale et refusent une enquête internationale.
Pour rappel, Tarek Bitar avait décidé lundi 23 janvier, à la surprise générale, de reprendre son enquête suspendue pendant 13 mois en raison de pressions de la part d'une grande partie de la classe politique, dont le puissant Hezbollah pro-iranien.
Il avait inculpé plusieurs personnalités de haut rang, notamment le procureur général Ghassan Oueidate et deux hauts responsables de la sécurité, une première dans l'histoire du Liban.
L'avocat Nizar Saghié, directeur de l'ONG juridique libanaise Legal Agenda, a affirmé:
Et d'ajouter: «C'est un coup d'Etat mafieux contre ce qu'il reste de la légalité».
L'explosion a été imputée par une grande partie de la population à la corruption et la négligence de la classe dirigeante. Le procureur a également ordonné la libération des 17 personnes détenues sans jugement depuis, parmi lesquelles un ressortissant détenant la double nationalité américaine et libanaise, ainsi que les directeurs des douanes Badri Daher et du port Hassan Koraytem.
Ces trois personnes ne figuraient pas parmi les cinq détenus dont Tarek Bitar avait ordonné la libération lundi, lorsqu'il avait décidé de reprendre l'enquête.
La libération des détenus a provoqué la colère des familles des victimes.
«La décision du juge Ghassan Oueidate de libérer l'ensemble des détenus et les autres initiatives menées par le régime signifient que le Liban est devenu un Etat totalement failli», a estimé de son côté Paul Naggear, qui a perdu sa fille de trois ans, Alexandra, dans l'explosion. (ats)