Le talent de vendeur, il l'a, le président américain. Donald Trump n'a donc pas hésité à qualifier ce texte monumental, censé tenir toutes ses promesses électorales, de «big» et «beautiful» (grand et magnifique), comme si un projet de loi parlementaire de près de 900 pages pouvait dégager la moindre once d'esthétique.
La manœuvre a porté ses fruits. Tout Washington parle en ce moment du «One Big Beautiful Bill Act», surnom officieux donné au projet de loi sur les dépenses et les impôts porté par le président. Un exemple réussi de marketing politique habile.
Mais très peu d'Américains savent réellement ce que contient ce texte, qui pourrait bientôt atterrir sur le bureau toujours bien rangé de Trump. Cela tient en partie au fait qu'il faut être un expert pour parvenir à déchiffrer les projets de loi du Congrès.
Mais la raison principale est tout autre: ni les républicains au pouvoir, ni les démocrates dans l'opposition ne souhaitent dire la vérité aux électeurs sur le contenu de ce texte.
Commençons par les républicains. Trump affirme que cette loi est avant tout un plan de relance, grâce à des taux d'imposition bas et à des investissements massifs dans les forces armées et la protection des frontières. C'est ainsi, selon lui, que la plus grande économie mondiale serait la mieux stimulée. Cela peut être vrai, même si l'on peut légitimement débattre de la nécessité pour les Etats-Unis d'un tel coup de pouce économique.
En revanche, la Maison-Blanche ne souhaite pas aborder le revers de la médaille. Ce plan de relance est en grande partie financé par la dette, le déficit public américain continuera donc de s'aggraver, d'autant plus que le budget fédéral est en déséquilibre depuis plusieurs années.
Deuxièmement, le texte prévoit d'importantes coupes dans les dépenses sociales. Cela affectera directement ou indirectement des millions de personnes bénéficiant de Medicaid, l'assurance santé publique destinée aux plus démunis, ainsi qu'à ceux qui doivent se faire soigner dans des hôpitaux ruraux, loin des grands centres urbains du pays.
Les chiffres varient, mais les estimations indiquent que des dizaines de millions d'Américains pourraient être concernés par ces coupes, dans un pays de quelque 342 millions d'habitants.
Les républicains ne contestent pas ce constat, mais estiment que le système en place était trop laxiste. Selon eux, ces économies ne toucheront donc que ceux qui cherchaient à en profiter indûment.
Etant donné l'immensité du territoire américain, il existe sans doute des cas d'abus et de fraude. Mais l'image que beaucoup de partisans du président dressent de l'Américain moyen est loin de la réalité. L'argent du système d'assurance maladie subventionné par l'Etat n'est pas gaspillé à cause de fraudes de patients, mais plutôt en raison de la bureaucratie et d'abus commis par certains médecins.
Pour changer cela, un effort conjoint des deux grands partis serait nécessaire. Mais les républicains manquent de volonté à cet égard, et ils préfèrent alerter contre une dérive socialiste des Etats-Unis plutôt que d'améliorer concrètement la vie des Américains.
Quant aux démocrates, ils manquent de courage. De nombreux élus de gauche craignent encore aujourd'hui de compromettre l'héritage du président Barack Obama. Ce dernier avait réussi en 2010 à instaurer enfin une assurance maladie obligatoire à l'échelle nationale. Ce fut un accomplissement majeur, c'est indéniable. Mais aucun Américain raisonnable ne peut sérieusement prétendre que le système actuel est sans défaut.
Les démocrates doivent faire face à une accusation similaire en matière de politique fiscale. Il est clair qu'ils s'opposent au maintien des taux d'imposition réduits instaurés en 2017 pour les hauts revenus et les grandes entreprises. En revanche, reste floue leur stratégie concernant la taxation des citoyens ordinaires et des petites entreprises.
Dans le débat actuel, aucun des deux grands partis ne sort grandi. Les républicains, parce qu'ils font une confiance aveugle à Trump. Les démocrates, parce qu'ils ne proposent aucune alternative crédible aux électeurs.
Traduit et adapté par Noëline Flippe