Une «grave crise pour l’Espagne et pour l’Europe». C’est ainsi que le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a qualifié l’arrivée de ces migrants à Ceuta, entre lundi 17 et mardi 18 mai.
Pour répondre à ces arrivées massives par la terre, mais aussi par la mer, le gouvernement espagnol a déployé l’armée, mardi, pour surveiller la frontière avec le royaume chérifien. Accusé d’avoir relâché son contrôle de la frontière, le Maroc a, lui aussi, renforcé son dispositif de surveillance.
Ceuta, est avec Melilla, située 400 kilomètres plus à l’est, l’une des deux dernières enclaves de l’Espagne en Afrique. Toutes deux ont le statut de «ville autonome» espagnole et leurs frontières avec le Maroc sont les seules frontières terrestres entre l’Afrique et l’Union européenne.
Les deux enclaves sont donc, de longue date, un point de passage des flux migratoires en provenance du Maroc mais aussi d’Afrique subsaharienne.
Des migrants essayent régulièrement, parfois au péril de leur vie, d’entrer à Ceuta, pour s’y installer ou pour tenter de rejoindre le continent européen. La situation des 48 dernières heures a, cependant, surpris les autorités espagnoles par son ampleur. Le chiffre de 8000 entrées en 24 heures est, en effet, supérieur aux moyennes annuelles enregistrées en 2017, en 2018 et en 2019 pour Ceuta et Melilla.
#MuyGrandes🎖️
— Guardia Civil 🇪🇸 (@guardiacivil) May 18, 2021
Guardias civiles del #GEAS y la #ARS salvan la vida de decenas de menores que llegaban a #Ceuta por mar junto a sus familias. pic.twitter.com/MyzOaB4hjR
L’origine de la récente montée des tensions diplomatiques entre Rabat et Madrid est à chercher du côté du Sahara occidental, le seul territoire du continent africain dont le statut postcolonial n’est pas définitif. Depuis 1976, ce territoire situé entre le Maroc et la Mauritanie, est l’objet d’un conflit entre Rabat, qui en contrôle 80%, et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario.
Avant 1976 le Sahara occidental était occupé par les Espagnols et était revendiqué à la fois par la Mauritanie et par le Maroc. Interviens alors le Front Polisario, créé en 1973, qui plaide pour un référendum d’autodétermination pouvant conduire à l’indépendance.
Avant de quitter le Sahara occidental, l’Espagne a signé des accords avec le Maroc et la Mauritanie pour partager le territoire disputé entre les deux pays. Le Front Polisario proclame alors son indépendance, et un conflit éclate entre le Maroc et les indépendantistes.
Le conflit a refait surface à la fin novembre 2020, lorsque le cessez-le-feu conclu entre Rabat et le Front Polisario en 1991 a été brisé. Un mois plus tard, Donald Trump reconnaissait la souveraineté marocaine sur la totalité de ce territoire. Depuis, le Maroc multiplie les pressions pour que des pays comme l’Espagne emboîtent le pas à Washington alors que les Etats de l’Union européenne refusent et préfèrent se tourner vers l'Onu.
Lorsque, à la fin du mois d’avril, le chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, Brahim Ghali, a été accueilli en Espagne pour y être soigné du Covid-19, la tension est donc montée d’un cran entre Madrid et Rabat.
Le Maroc ne s’est pas exprimé sur la crise de mardi, mais plusieurs migrants ont témoigné du fait que les forces de l’ordre marocaines n’avaient pas tenté, du moins pendant plusieurs heures, de les empêcher d’entrer à Ceuta.
L’Espagne a affirmé, dès mardi soir, avoir renvoyé au Maroc la moitié des 8000 personnes ayant franchi la frontière, reprend Atlanticó. Ces refoulements sans formalités ni délai, dits «refoulements à chaud», sont pratiqués depuis des années par l’Espagne dans ses deux enclaves sur le continent africain.
Très critiqués par les ONG de protection des migrants, ils ont été entérinés dans la loi espagnole en 2015 et ne sont autorisés qu’à Ceuta et Melilla. Pedro Sanchez a ainsi assuré que tous les migrants adultes entrés illégalement seraient expulsés, précise El Mundo. Les mineurs devraient, en revanche, être pris en charge par l’Espagne.