Cette lourde peine contre le chanteur de 55 ans a été prononcée par le tribunal fédéral de Brooklyn, là où son procès il y a neuf mois avait levé le voile sur les crimes sexuels au sein de la communauté noire aux Etats-Unis.
D'après des journalistes présents à l'audience, le chanteur mondialement connu pour son tube I believe I can fly n'a pas dit un mot à l'énoncé du verdict.
Dans leur dernier réquisitoire, les procureurs fédéraux réclamaient au moins 25 années de réclusion criminelle en raison du «danger» que représenterait R. Kelly, de son vrai nom Robert Kelly, pour ses victimes et pour l'opinion publique.
Le parquet américain a estimé qu'il était «un impudent, un manipulateur, dans le contrôle et la coercition, ne montrant aucun signe de remords ou de respect de la loi».
Durant les six semaines de procès en août et septembre derniers, le chanteur déchu avait été dépeint par l'accusation en «criminel, prédateur».
Neuf femmes et deux hommes l'avaient accusé d'avoir abusé d'eux sexuellement, décrivant des viols, des prises de drogues forcées, des situations d'emprisonnement ou encore des faits de pédopornographie.
L'homme, qui a raconté avoir été violé quand il avait huit ans, a été reconnu coupable fin septembre 2021 de tous les chefs d'inculpation: extorsion, exploitation sexuelle de mineur, enlèvement, trafic, corruption et travail forcé, sur une période allant de 1994 à 2018.
Tout au long de son procès, l'ex-étoile afro-américaine du R&B était restée mutique et n'avait pas manifesté d'émotion particulière à l'énoncé de sa culpabilité, se contentant de baisser la tête et de fermer les yeux.
Déjà en détention et dans l'attente d'un autre procès fédéral à Chicago en août, R. Kelly espérait via ses avocats une peine maximale à New York de 17 ans de réclusion.
Ce procès a été considéré comme une étape majeure du mouvement #MeToo: c'était la première fois que la majorité des plaignantes étaient des femmes noires et qu'elles accusaient un artiste noir.
Pour Kenyette Barnes, à l'origine du mot-dièse #MuteRKelly («Faites taire R. Kelly») en 2017 - année du mouvement mondial #MeToo déclenché par la chute du tout-puissant producteur de Hollywood Harvey Weinstein - la justice américaine a permis pour la première fois de donner écho «au sang, à la sueur et aux larmes des femmes noires» que la société américaine ne voulait jusqu'à présent pas voir.
Bien avant que les violences sexuelles ne soient un sujet pour les médias et les réseaux sociaux aux Etats-Unis, des femmes afro-américaines bataillaient pour alerter les autorités et l'opinion publique. Mais pour une partie de la société, «les femmes noires ne sont ni susceptibles d'être violées ni crédibles», dénonçait en septembre Barnes.
Le procès avait mis au jour le «système» de R. Kelly pour attirer de très jeunes femmes et les agresser sexuellement, avec la complicité de son entourage, comme dans une sorte d'entreprise mafieuse, selon l'accusation. Nombre de victimes avaient raconté leur rencontre avec leur idole lors de concerts après lesquels on leur glissait un petit papier avec les coordonnées du chanteur.
Il ferait quelque chose pour leur carrière musicale, leur promettait-on.
Au lieu de cela, elles se faisaient «endoctriner» dans le milieu «sordide» de R. Kelly, étaient forcées à des rapports sexuels et maintenues dans ce «système» par des «mesures coercitives», selon l'accusation.
Six femmes ont été les principales accusatrices, dont certaines ont affirmé avoir été droguées pour être violées, séquestrées, forcées d'avorter et contaminées par des maladies sexuellement transmissibles.
Pour l'avocate Gloria Allred, qui représente trois des six plaignantes, le verdict contre R. Kelly - au lendemain des 20 ans de prison prononcés par le tribunal de Manhattan contre l'ex-mondaine britannique Ghislaine Maxwell pour trafic sexuel de mineures - doit servir d'exemple pour les célébrités qui se servent de leur «notoriété pour faire de leurs fans des proies». (ats/afp/svp)