Marianne Angarola se souvient encore très bien de son camarade de classe. «Bob» chantait bien et s'occupait déjà des gens dans l'école confessionnelle catholique qu'ils fréquentaient dans la région de Chicago (Illinois). Tous les prêtres et les religieuses de l'école savaient que c'était quelqu’un de très spécial.
Le nom complet de Bob est Robert Francis Prevost et depuis jeudi, il est pape. Et ce n'est pas seulement à Chicago, où Léon XIV est né en 1955, que de nombreux Américains se souviennent avec fierté du chef de l'Eglise. Angarola s'est entretenu avec le Chicago Tribune, le plus grand journal de la métropole. Le tabloïd Chicago Sun-Times était, lui aussi, rempli jeudi de témoignages d'amis d'enfance du nouveau pape. «Il est comme l'un des nôtres», a déclaré Noelle Neis. Léon 14 a jadis joué au baseball et encouragé l'équipe professionnelle locale des Chicago White Sox.
Bien que le nouveau pape soit un Américain de souche, il ne connaît que très peu l'Eglise catholique de son pays natal. Prevost a quitté les Etats-Unis dès le début des années 1980, après avoir étudié à la Villanova-University près de Philadelphie et à la Catholic Theological Union de Chicago.
Il s'est arrêté à Rome, où il a également été ordonné prêtre, avant de s'enraciner au Pérou en tant que missionnaire. Le cardinal est certes retourné régulièrement dans son ancienne patrie, mais aux yeux de l'historienne Susan Hanssen, il a manqué l'énorme changement que l'Eglise a connu aux Etats-Unis ces dernières années. Il n'a jamais été à la tête d'un diocèse américain.
Susan Hanssen, qui enseigne à l'université de Dallas, a déclaré jeudi sur la chaîne de télévision de droite Fox News:
Quand Susan Hanssen parle du changement qu'a connu l'Eglise aux Etats-Unis, elle fait allusion au «revival» catholique. C'est surtout les jeunes qui prennent goût aux rituels austères et traditions séculaires. Et ils exigent que la messe soit dite en latin. C'est aussi pour cette raison que l'Eglise s'est transformée ces dernières années, passant d'un lieu de rassemblement traditionnel des démocrates – John F. Kennedy et Joe Biden ont été les seuls présidents américains catholiques jusqu'à présent – à une Eglise dominée par les républicains.
L'exemple le plus marquant: le vice-président JD Vance. Né protestant, ce républicain n'a découvert le catholicisme que tardivement; il s'est fait baptiser en 2019, à l'âge de 35 ans. Tout comme nombre de ses pairs, le converti défend une doctrine traditionnelle de l'Eglise. Et ce n'est un secret pour personne que ces nouveaux jeunes catholiques ne sont pas d'accord avec l'orientation que prend le Vatican.
Le cardinal Prevost a exprimé ouvertement ses réserves à l’égard de la politique du gouvernement américain. En février, il a relayé un article d’une publication catholique réformiste intitulé «JD Vance a tort», qui interrogeait, sur le plan théologique, l’idée avancée par le vice-président selon laquelle certaines personnes mériteraient davantage d’amour que d’autres – une notion que l’auteur jugeait incompatible avec l’enseignement de Jésus.
Le jour de l'élection du nouveau pape a toutefois été marqué aux Etats-Unis par un élan fierté de nombreux catholiques (et autres croyants), voyant pour la première fois un citoyen américain élu à la tête de l'Eglise catholique romaine. Le président Donald Trump a félicité le nouveau pape sur son site Internet et a déclaré à la Maison-Blanche qu'il souhaitait le rencontrer prochainement. Et JD Vance a également réagi avec des propos élogieux sur X:
Mais cette fierté vis-à-vis du pape américain va bientôt s'estomper. Et Léon 14 n’échappera pas aux critiques que de nouveaux catholiques comme JD Vance ont déjà adressées à son prédécesseur François. Le célèbre commentateur Raymond Arroyo, qui a suivi l'élection du pape à Rome, a déclaré jeudi sur Fox News: «Si vous avez apprécié le pape François, vous allez adorer Léon XIV!» Ce qui n'était pas un compliment.
Traduit de l'allemand par Anne Castella