C'est une suite quasi logique du simulacre de référendums organisés à la hâte et qui se sont tenus la semaine dernière dans quatre grandes régions de l'est de l'Ukraine. Ce vendredi, Vladimir Poutine a officialisé le rattachement de Donetsk. Lougansk, Zaporijjia et Kherson à la Russie.
Avant la séance de signatures, qui restera probablement dans l'Histoire, Poutine s'est adressé à son peuple, mais surtout à la communauté internationale, qu'il accuse notamment de vouloir faire de la Russie une «colonie».
Il en a profité pour appeler Kiev à «un cessez-le-feu. D'arrêter tous les combats et la guerre commencée par l'Ukraine en 2014».
Coup de fil au politiste Bertrand Badie, éminent professeur à Sciences-po Paris et grand spécialiste français des relations internationales.
Monsieur Badie, qu'a fait Poutine ce vendredi?
Bertrand Badie: De la cosmétique. Comme s'il espérait cacher grossièrement les rides de ses défaites sous une tonne de maquillage! Son seul objectif se résume à transformer les graves revers subis en une victoire qui n'existe pas. Mais personne ne sera dupe: c'est de la rhétorique.
Se pense-t-il lui-même victorieux à votre avis?
Bien sûr que non. Vladimir Poutine est conscient qu'aujourd'hui, il doit faire croire à la communauté internationale et à son peuple que la Russie n'est pas dans un trou. Or, elle s'y trouve très profondément.
Certains observateurs parient sur le fait que Poutine en profitera pour sortir de cette guerre par le haut.
C’est effectivement une image qu'il essaie de donner mais, encore une fois, personne ne sera dupe. Poutine pense que les provinces annexées ne lui donnent plus aucune raison de continuer ses offensives militaires. Mais rappelons tout de même qu'en février dernier, au moment de justifier l'agression de l'Ukraine, l'objectif du président russe ne se résumait pas à annexer quatre régions.
Peut-il réellement se risquer à dresser la table des négociations, alors qu'aucun voyant n'est au vert chez ses ennemis?
Le président ukrainien n'a, plus aujourd'hui que jamais, aucune raison et surtout aucun intérêt à accepter des négociations avec Vladimir Poutine. Pour Volodymyr Zelensky, comme pour la communauté internationale, s'asseoir à la table des négociations serait reconnaître officiellement les annexions qui viennent d'être déclarées.
De manière générale, peut-on encore envisager, un jour, des négociations entre Poutine et Zelensky?
Depuis 1945, et même avant, aucune guerre n'a pris fin grâce ou avec de véritables négociations. On ne négocie plus aujourd'hui pour arrêter les guerres. Compter sur des négociations entre Poutine et Zelensky est totalement surréaliste.
Les annexions auront-elles un impact militaire?
Non, sur le plan militaire, cela ne changera pas grand-chose. Il y a beaucoup plus à attendre de l'hiver et de la raspoutitsa.
La dissuasion nucléaire de la part de Moscou pourrait seulement se faire plus pressante.
La guerre n'est donc pas encore terminée?
La guerre n'est pas finie, au contraire. De vieux dossiers sont même susceptibles de ressortir des tiroirs. Avant le mois de février, personne ne semblait vouloir remettre réellement sur la table l'annexion de la Crimée en 2014 et ça peut changer. Les derniers événements ont donc de bonnes chances de prolonger cette guerre.