Les murs sont très tendance en ce moment. A l'image de Donald Trump, qui voulait se protéger du Mexique, plusieurs pays européens, notamment la Hongrie et la Pologne, tentent de se barricader face à l'immigration. Le thème s'invite désormais dans la campagne présidentielle française. Fin janvier, Valérie Pécresse a déclaré:
Son adversaire Eric Zemmour lui a emboîté le pas mercredi soir sur BFM TV, réclamant la construction d'un «mur» à «toutes les frontières» extérieures de l'Union européenne.
Tous ces politiciens qui veulent construire des murs autour d'eux, qu'est-ce que cela vous inspire?
Agnès Strack Perdrix, médiatrice: Tous ces gens luttent contre leur propre ennemi intérieur. Ils croient que l'adversaire est à l'extérieur et qu'en se séparant de lui grâce à un mur, on va retrouver l'harmonie et éloigner le danger. Au fond du fond:
L'être humain a tout intérêt à cesser de lutter contre ses émotions et à les accueillir, sans quoi il ne fait que renforcer la peur et la division.
Le mur, dans un conflit, qu'est-ce que cela représente?
C'est une manière illusoire de se défendre contre quelque chose, une illusion de protection. Le mur, c'est aussi la croyance qu'il n'y a qu'une seule manière de faire les choses qui est la bonne, la nôtre, et qu'il faut se mettre à l'abri de celle de l'autre. Le principe de base de la médiation est d'inviter les gens à revenir à eux-mêmes et à accueillir leurs émotions afin de réaliser que la vérité de l'autre est tout aussi légitime que la sienne.
Construire un mur pour résoudre un conflit, est-ce un aveu d'échec?
Je ne dirais pas que c'est un aveu d'échec, mais en tout cas, symboliquement, c'est la preuve qu'on n'a pas réussi à accueillir sa propre peur.
Le médiateur n'est pas là pour dire que le mur n'est pas la bonne solution, mais pour inviter les gens à se demander si ce mur est de nature à leur apporter la tranquillité et la liberté auxquelles ils aspirent.
Mais, dans un conflit de voisinage, se barricader, cela peut être une solution?
C'est une solution, oui. Toute la question est de savoir si elle répond à vos besoins sur le long terme. Si les deux protagonistes veulent mettre 300 mètres de barbelés entre eux, je peux me dire, en tant que médiatrice, que c'est réglé parce qu'ils sont d'accord. Mais mon éthique, c'est d'aller un pas plus loin et de les interroger sur la pertinence de ce choix.
Quels conseils est-ce que vous pouvez nous donner pour éviter d'en arriver là?
Il faut se laisser le droit de penser que l'autre n'est pas seulement un ennemi et qu'il est possible de trouver des solutions qui soient gagnant-gagnant. Vous devez aussi accepter d'accueillir les émotions qui vous traversent face à cette situation. Si je ne prends pas le temps de respirer un coup, je vais être polluée par la colère et la peur que je ressens. Ma réaction va être inadéquate et cela va contribuer à rajouter de la colère et de la peur dans le processus.