Il n'a frappé que deux fois jusqu'à présent, mais le «justicier du parking» est tout de même devenu le sujet de discussion principal à Rome. La première fois, il a barbouillé – certains diraient «signé» – un SUV blanc que le propriétaire avait garé sur une place réservée aux personnes handicapées. La seconde cible de l'inconnu était également un SUV, de couleur bleue cette fois, garé au milieu de la rue.
A Roma imperversa Free Park, il "giustiziere" urbano della sosta selvaggia https://t.co/eNJQHTvxEU pic.twitter.com/uOXrxpA2Aw
— Roma Today (@romatoday) July 5, 2023
Les deux fois, «Batman», comme on surnomme désormais le sprayer, a tagué en grandes lettres noires l'inscription «Free Park» sur les portières latérales. Contrairement à la plupart des activistes, le justicier autoproclamé n'utilise pas de peinture lavable, mais une peinture de voiture hautement résistante. Les dégâts matériels sont donc considérables.
On pourrait considérer les expéditions punitives du vengeur comme des cas isolés. Elles sont, toutefois, l'expression claire du mécontentement des Romains face à la dégradation incessante des mœurs dans la circulation routière de leur ville. La vague de sympathie qui s'est emparée des réseaux sociaux à l'égard du tagueur montre à quel point l'âme du peuple est en ébullition.
«Respect suprême pour le Batman de notre quartier», peut-on lire sur certains forums, ou encore «Espérons que grâce au justicier, une certaine discipline reviendra dans nos rues». Au vu de la reconnaissance publique, ce n'est probablement qu'une question de temps avant que des imitateurs ne se lancent, eux aussi, dans la traque nocturne des contrevenants.
La bienveillance à l'égard du justicier n'est, toutefois, pas surprenante: dans cette ville de trois millions d'habitants, on compte 7 voitures pour 10 habitants (à Berlin et Zurich, ce chiffre est de 3,2). La recherche d'une place de parking peut donc s'avérer éprouvante. En effet, de nombreux automobilistes se parquent en deuxième ou troisième file, devant les poubelles, sur les passages piétons, sur les places réservées aux personnes handicapées ou au milieu de la rue.
Il n'y a pas que la circulation ou le stationnement qui mettent les nerfs des Romains à rude épreuve. Il faut aussi mentionner le problème des déchets, toujours pas résolu. La situation s'est certes sensiblement améliorée sous l'actuel maire Roberto Gualtieri, mais en ces jours de chaleur, une odeur de moisi flotte à nouveau dans les quartiers, car les ordures ne sont pas ramassées ou de manière irrégulière.
Le quotidien Il Foglio, journal de la haute bourgeoisie italienne, a énuméré d'autres éléments de la «deriva» romaine actuelle: les sangliers qui se régalent des ordures non ramassées, les «baby-gangs» qui deviennent de plus en plus violents et les habitants qui, en désespoir de cause, mettent le feu aux poubelles qui débordent.
A cela s'ajoutent de gros serpents aperçus dans des hangars vides, ainsi que le cadavre d'une femme en décomposition, trouvé récemment par hasard dans le quartier de Pigneto. Dans un environnement aussi précaire, la frontière entre le respect de la légalité et la tentation de faire régner l'ordre en se faisant justice soi-même est «étroite», écrit Il Foglio.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder