Marina Ovsyannikova vit un moment pour le moins paradoxal. En mars dernier, peu après le début de l'invasion russe de l'Ukraine, elle avait défrayé la chronique avec une action inédite. La journaliste avait fait irruption sur le plateau du journal télévisé d'une chaîne pro-Poutine avec une pancarte où il était inscrit: «Non à la guerre. Ne croyez pas la propagande. Ils vous mentent ici».
Ce geste, punissable avec une peine allant jusqu'à 15 ans de prison, lui a valu un statut d'héroïne de la liberté d'expression en Occident. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky l'avait personnellement remerciée et elle avait été embauchée par le grand quotidien allemand Die Welt.
Mais la lune de miel n'a pas duré. Les choses ont mal tourné pour Marina Ovsyannikova, qui est désormais attaquée de toute part. La preuve en quatre points.
En Russie d'abord, et c'est logique. La vidéo de son action aurait été supprimée des archives en ligne du diffuseur.
La journaliste est désormais considérée comme une dissidente. Le directeur de la chaîne où elle travaillait l'a même accusée d'être une espionne au solde des Anglais.
Plus surprenant, les choses ne sont pas meilleures en Ukraine, rapporte le Corriere della Sera, où son passé est particulièrement critiqué. Les Ukrainiens la considèrent comme une traîtresse en quête de rédemption, qui cherche à se refaire une réputation après avoir contribué à propager les mensonges de Poutine. Le fait qu'elle soit née à Odessa n'arrange pas les choses.
La journaliste a récemment fait l'expérience de cette hostilité. Elle était censée tenir une conférence à Kiev sur le sujet de la propagande russe. Dès que la rumeur s'est répandue, des centaines de commentaires négatifs ont envahi les pages de l'organisateur de l'événement. Dans l'heure qui a suivi, la conférence a été annulée.
Les autorités ukrainiennes voudraient également bloquer son entrée dans le pays, a-t-elle écrit sur Twitter.
Et ce n'est pas tout. Le 14 avril, des militants ukrainiens ont exigé qu'elle soit licenciée de Die Welt.
Une semaine plus tard, elle s'est vu refuser le «Prix allemand de la liberté» en raison d'autres protestations.
Cerise sur le gâteau, elle est également critiquée au sein de la famille. Ses enfants l'ont accusée de «détruire leur famille», et son ex-mari, journaliste pour le média d'Etat RussiaToday, l'a attaquée en justice pour lui retirer le droit de les voir. «Ma vie est détruite, je n'ai plus rien», a regretté Marina Ovsyannikova aux micros de la télévision italienne. (asi)