Cinq mois après l'invasion de l'Ukraine, l'historien américain Timothy Snyder voit des signes clairs d'un déclin du pouvoir au Kremlin. «Le pouvoir de Poutine s'affaiblit», écrit l'expert en histoire de l'Europe de l'Est dans un long post sur Twitter.
C'est ainsi que Timothy Snyder interprète les récentes déclarations de politiciens de haut rang, comme l'ancien président Dmitri Medvedev par exemple, ou le leader tchétchène Ramzan Kydyrov. Il voit ici le début d'une lutte de pouvoir pour l'après-Poutine.
Dmitri Medvedev a été le premier ministre de Vladimir Poutine de 2005 à 2008, puis président de la Russie de 2008 à 2012. En réalité, Poutine a probablement conservé le pouvoir pendant ces années, mais la constitution russe ne prévoyait alors que deux mandats pour un président. De 2012 à 2020, Medvedev est redevenu premier ministre et chef du parti du Kremlin «Russie unie».
Ces dernières semaines, l'homme de 57 ans a exprimé sur son canal Telegram des menaces de plus en plus radicales contre l'Ukraine et l'Occident. Selon Timothy Snyder:
Il explique que ceux qui s'expriment maintenant de manière particulièrement radicale ne se feront pas reprocher d'avoir abandonné trop tôt après une défaite.
Selon l'historien, les déclarations drastiques de l'homme politique indiquent «que des Russes qui ont du pouvoir pensent que la Russie est en train de perdre la guerre».
Timothy Snyder reconnaît également de tels indices dans le comportement du chef tchétchène Ramzan Kadyrov. Les combattants de ce dernier, les Kadyrovites (qui portent son nom), auraient en effet réussi à maintenir à un faible niveau leurs pertes en Ukraine.
Selon l''historien, c'est également le calcul qui se cache derrière la dernière demande du chef tchétchène concernant des systèmes de défense aérienne pour la république:
We now regularly hear now from people aside from Putin (for example former prime minister and president Dmitri Medvedev) about the meaning of the war, the catastrophic consequences that await Ukraine and the West, and so forth. This is a sign that Putin is losing control. 1/
— Timothy Snyder (@TimothyDSnyder) July 23, 2022
Mais le plus grand danger pour le pouvoir de Poutine résiderait dans la faiblesse de son armée.
En Ukraine, l'armée subirait toutefois des pertes humaines et matérielles si importantes qu'elle ne pourrait plus remplir ses autres missions et serait menacée en tant qu'institution. L'historien ajoute:
En termes de mobilisation en Russie, le Kremlin peine à rassembler des troupes sur le plan physique. Pourquoi? Parce que s'il appelle à une mobilisation générale, il a peur pour sa popularité et il craint que cela ne fasse tomber le régime. Et donc? Les républiques de la Fédération de Russie doivent désormais recruter des «volontaires» grassement payés qui, après un bref entraînement, sont envoyés en Ukraine.
En résumé: la rhétorique agressive des politiques russes ne serait donc pas l'expression d'une unité nationale sur la guerre, mais cacherait plutôt l'absence de cette même unité. L'historien ajoute: «Tant que tout le monde dit des choses nationalistes, un certain équilibre est préservé. Mais en ce faisant, tout le monde bluffe tout le monde».
En réalité, Poutine se trouverait depuis longtemps pris au piège par ses rivaux, l'opinion publique et l'armée.
Selon l'expert, Poutine ne peut échapper à ce piège qu'en annonçant une victoire. «Comme toujours, le chef du Kremlin fait le pari que les sanctions feront plus de mal à l'Occident qu'à lui. Par le passé, il s'est révélé être un joueur habile. Mais un bon joueur sait aussi quand il est temps de sortir du jeu.»