Des images satellites montreraient la construction d'un système laser avancé permettant «d'aveugler» les satellites ennemis. Outre les images satellites publiques, des documents d'appel d'offres d'entreprises industrielles russes et des documents financiers permettent de conclure à la construction de l'arme laser, révèle la revue spécialisée en ligne The space review. Le rapport indique:
Le projet de nouvelle arme laser a été lancé en 2011, mais n'a longtemps progressé que lentement. L'arme antisatellite serait, désormais, construite dans le centre spatial Krona, près de Zelenchukskaya, à l'extrême sud-ouest de la Russie, où se trouve également le gigantesque radiotélescope Ratan-600.
Les images de Google Earth laissent penser que la construction de Kalina progresse bien, après des années de retard. Le bâtiment du télescope et le tunnel qui le relie au bâtiment du lidar (télédétection et télémétrie par infrarouge) sont désormais en place. Il est toutefois impossible de dire quelle est la part des équipements techniques déjà installés à l'intérieur. The space review précise:
L'appel d'offres portait sur la construction du bâtiment qui devait abriter le télescope.
Les Etats-Unis ont certes déjà réussi à éblouir temporairement un satellite à une altitude relativement basse il y a quelques années. Mais le nouveau système russe devrait permettre de détecter les satellites situés sur des orbites plus élevées et de les neutraliser durablement.
L'existence de Kalina peut être déduite d'une série de documents d'acquisition et de documents judiciaires en ligne qui ont, à leur tour, permis de trouver plusieurs publications techniques «très probablement liées au projet», explique The space review.
Dans les documents ainsi trouvés, Kalina est décrit comme un système laser pour la «guerre électro-optique», capable d'aveugler durablement les satellites ennemis en émettant des impulsions laser si lumineuses qu'elles pourraient endommager les capteurs optiques. Cela différencie fondamentalement Kalina des lasers précédents qui ne visaient qu'à éblouir temporairement les satellites.
On ne sait pas quand et si le système laser sera mis en service. The space review suppose que le développement a pris du retard en raison de la faillite d'un important fournisseur du dispositif optique en juillet 2021. L'arme laser pourrait également être affectée par les différentes sanctions économiques imposées à la Russie depuis 2014, notamment en ce qui concerne l'importation de composants électroniques.
Déjà dans les années 1980, des lasers soviétiques auraient, selon des informations américaines, ébloui à plusieurs reprises les capteurs optiques des satellites d'espionnage américains. Une délégation américaine autorisée à visiter le centre d'essai laser Terra-3, situé dans l'actuel Kazakhstan, après la fin de la guerre froide en 1989, a toutefois constaté que les lasers soviétiques n'avaient jamais été en mesure d'aveugler les satellites. Cela pourrait maintenant changer et devenir un problème pour les satellites commerciaux également.
Kalina – qui est fixe – est censée compléter un système d'aveuglement laser mobile appelé Pereswet, qui serait opérationnel depuis fin 2019.
Selon la Russie, Peresvet peut «aveugler» et «mettre hors service» des satellites de reconnaissance jusqu'à une altitude de 1500 kilomètres, en plus des drones, des avions et des missiles. Des experts militaires occidentaux ont toutefois exprimé des doutes quant à cette affirmation.
Les satellites américains sont attaqués «tous les jours», a déclaré l'année dernière au Washington post le général David D. Thompson, directeur adjoint de la division spatiale de la United States space force (USSF). Il existe aujourd'hui toute une série de possibilités de menacer les systèmes spatiaux. Le Washington post a donc écrit qu'il s'agissait d'une «guerre de l'ombre dans l'espace».
Il n'est pas clair si Kalina pourrait, par exemple, aussi devenir une menace pour le réseau de satellites Starlink d'Elon Musk. Musk a écrit en mai 2022 que la Russie avait «intensifié ses efforts» pour perturber et interrompre les signaux des satellites Internet Starlink de SpaceX. SpaceX avait précédemment envoyé de nombreux terminaux Starlink en Ukraine avec l'aide du gouvernement américain, afin de rétablir les réseaux de communication et de fournir des services Internet d'urgence.
La Russie mais aussi les Etats-Unis disposent depuis des décennies de missiles antisatellites conventionnels. Ces missiles (souvent appelés «missiles Asat») détruisent les satellites par leur seule énergie cinétique lors de la collision; ils n'ont pas nécessairement besoin d'une ogive. Ce sont, surtout, les satellites-espions en orbite basse autour de la Terre qui sont à la portée de tels systèmes.
En novembre 2021, un missile russe Nudol a détruit un satellite soviétique hors d'usage, créant un énorme nuage de débris spatiaux qui pourrait constituer une menace pour les satellites en orbite basse pendant des années. Les Etats-Unis ont accusé la Russie d'avoir mis en danger la sécurité des astronautes à bord de la Station spatiale internationale (ISS) en testant le missile antisatellite. En raison d'une possible collision avec des débris spatiaux, l'ISS avait été brièvement évacuée.
C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles la Russie et d'autres pays travaillent sur des armes laser contre les satellites. Ces méthodes de «soft kill», contrairement aux tirs, ne génèrent pas de risques de débris pour les satellites.
Les armes laser n'ont pas seulement une longue portée, elles sont également rapides, précises, discrètes et peu coûteuses à l'usage, puisqu'aucune munition n'est nécessaire pour tirer un faisceau, à l'exception d'une (importante) quantité d'énergie. Toutes les grandes puissances militaires devraient donc être impliquées dans des projets d'armes laser.
(oli/sas)