Cela fait déjà dix mois que la ville de Bakhmout, dans l'est de l'Ukraine, fait l'objet d'une lutte acharnée. L'importance stratégique de la ville est controversée, mais les Russes comme les Ukrainiens peuvent s'infliger l'un à l'autre de gros dégâts sur le terrain.
Dimanche 2 avril, le chef du groupe de mercenaires Wagner, Evgueni Prigojine, a annoncé que les Russes avaient pris Bakhmout. Pour le prouver, il a partagé une vidéo montrant le drapeau russe au-dessus des ruines de l'hôtel de ville. Bien que l'Ukraine ait démenti ces déclarations, elle ne peut pas nier que l'ennemi gagne du terrain. L'Institut d'études de la guerre (ISW) a d'ailleurs rapporté ce mardi que la Russie renforçait son contrôle sur les quartiers centraux de la ville.
La bataille de Bakhmout se déroule sur deux fronts distincts: dans la ville, et dans les champs et les villages alentour. Sur ces deux terrains, l'Ukraine a l'avantage d'être en position défensive, explique un commandant d'un bataillon ukrainien à un journaliste du New York times. «La guerre, c'est des mathématiques», raconte celui qu'on surnomme Bochka. Et d'ajouter:
L'unité, commandée par Bochka, se défend face à une avancée russe en direction d'une autoroute, au sud-ouest de Bakhmout. Selon le commandant, le rythme des attaques au sol a diminué.
L'Ukraine surveille en permanence les positions russes via des drones. Lorsque la batterie d'un appareil s'épuise, le suivant est envoyé.
Les attaques contre les drones ne se produisent que lorsque les Russes tentent d'avancer. La ligne de front s'étend sur des centaines de kilomètres et l'Ukraine n'a pas seulement moins d'armes que les Russes, elle souffre aussi d'un manque constant de munitions. Leurs cibles d'attaque sont donc choisies avec beaucoup de soins.
Les Russes suivent la même stratégie. Ils surveillent également les Ukrainiens et localisent leurs positions à l'aide de drones. Un journaliste de Sky a demandé à un groupe de soldats ukrainiens rassemblés dans un bunker ce qu'ils font quand ils se font repérer. «Nous prions», répond Anna, tout juste âgée de 23 ans, commandante de l'équipe de drones Kamikazi de la 93e brigade. «Nous acceptons tous les risques», dit un soldat debout à côté d'elle.
La fréquence des tirs d'artillerie russes illustre l'ampleur du danger: à Bakhmout et dans les régions environnantes, les Russes ont bombardé 238 fois les positions ukrainiennes au cours des dernières 24 heures, raconte Serhy Cherevaty, le porte-parole du commandement militaire ukrainien dans l'est.
Les troupes ukrainiennes qui mènent la guerre aérienne vivent dans des bunkers souterrains. C'est là qu'ils ont installé leur poste de contrôle avec des radios et des écrans. Cela contraste fortement avec le décor détruit qui s'offre à la surface de la terre.
Le New York times décrit la scène: des soldats rassemblés autour d'un écran qui, à première vue, ne montre qu'une grande plaine d'herbe sèche et d'arbres nus. Mais en regardant de plus près, on peut y voir de minuscules soldats russes.
«Peut-être sont-ils en train de poser des mines dans la zone tampon entre les tranchées», suggèrent les Ukrainiens. Quoi qu'il en soit, leur activité est interrompue peu de temps après par des obus de mortier. Ils doivent courir pour sauver leur vie.
L'obus explose, mais sans toucher les Russes. «Ils sont trop loin», dit l'un des soldats ukrainiens. Le drone reste tout de même sur place et l'équipe dans le bunker informe continuellement l'équipage du mortier par radio de l'itinéraire de fuite des Russes. Il ne faut pas longtemps pour que de la fumée apparaisse sur l'écran. Un cri de joie retentit dans la salle. La course-poursuite a duré seulement cinq minutes.
La jeune équipe d'Anna utilise des drones kamikazes. Ces drones transportent des matériaux explosifs qui sont largués sur l'ennemi. Comme l'explique l'un des soldats, l'assemblage de ces drones comporte également des risques:
C'est effrayant, il l'admet. Mais il connaît sa motivation et un jour, ce cauchemar sera derrière lui. (saw)