Les forces russes et ukrainiennes continuent de s'affronter avec acharnement autour de la ville de Bakhmout, théâtre de violents combats depuis le mois d'août. Chaque jour, les affrontements se comptent par dizaines, affirmaient récemment des porte-parole de l'armée de Kiev. Ses positions dans le secteur sont bombardées jusqu'à 160 fois par jour.
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Au cours des dernières semaines, plusieurs sources ont indiqué que Bakhmout était sur le point de tomber. Mais cela ne s'est pas encore produit, les Ukrainiens continuent de tenir. Et ça s'explique. «Cette bataille illustre parfaitement la problématique de l'attaque et de la défense d'une ville», déclare à ce propos Julien Grand, rédacteur en chef adjoint de la Revue Militaire Suisse:
Cela ne veut pas dire que la situation soit favorable pour les Ukrainiens, au contraire. Les forces de Kiev ont subi des pertes très importantes au cours de cette bataille, tout comme leurs adversaires. Les dirigeants ukrainiens, à partir du président Zelensky, ont plusieurs fois affirmé que la situation à Bakhmout était «critique».
Pour Julien Grand, les enjeux sont essentiellement doubles à ce stade. «D'un côté, il faudra voir si le groupe Wagner arrive à verrouiller la ville, empêchant ainsi tout afflux d'hommes et de matériel», explique-t-il. «C'est la seule manière de gagner cette bataille».
Cela ne semble pas être encore le cas. Les forces de Wagner seraient plutôt en train de mener des attaques localisées contre des localités rurales situées au nord de la ville, note le centre de réflexion «Institute for the Study of War» (ISW) dans son dernier rapport. La prise de ces villages, «petits et relativement faciles à capturer», a très peu de chances d'augmenter les chances de Wagner de s'emparer de Bakhmout elle-même, commente encore l'ISW.
Et même si les mercenaires parviennent à encercler Bakhmout, cela ne résout que la moitié du problème, poursuit Julien Grand: «Après avoir verrouillé une ville, il faut la nettoyer», explique-t-il.
Mais il se peut également, et c'est le deuxième scénario, que les défenseurs décident d'évacuer la ville avant qu'il soit trop tard. «Militairement parlant, ce serait la meilleure chose à faire, l'Ukraine n'est plus vraiment capable de tenir la ville et pourrait engager ses forces ailleurs», commente le rédacteur en chef adjoint de la Revue Militaire Suisse. «Mais il y a bien sûr une composante symbolique et morale qui joue un rôle, Kiev ne veut pas perdre la ville».
Ailleurs sur le front, la situation stagne également. Les actions militaires russes sont en train de diminuer de «manière significative», a affirmé mercredi un porte-parole de l'armée ukrainienne, le colonel Oleksiy Dmytrashkivskyi. En l'espace d'une semaine, on est passé d'une centaine d'assauts ennemis par jour à une vingtaine. «Dans un contexte de pertes importantes en hommes et en matériel, l'ennemi a quelque peu perdu son potentiel offensif», se réjouit-il.
Selon Julien Grand, cela montre surtout une chose: «L'offensive russe n'a pas encore vraiment commencé». La grande opération militaire que les autorités ukrainiennes avaient prédite ces derniers mois ne s'est pas concrétisée. «Sur le terrain, on ne voit pas encore les effets de la mobilisation partielle annoncée par Poutine en septembre dernier».
Autrement dit, ce sont essentiellement les mercenaires qui se battent du côté russe en ce moment. «Wagner assure l'initiative», confirme le spécialiste. Quant aux troupes conventionnelles, «elles sont probablement en train de remonter leur disponibilité opérationnelle».
A l'exception de Bakhmout, les choses ne bougent pas beaucoup. Et cela fait sens: «On est dans une période intermédiaire qui ne se prête pas aux combats de large envergure, à cause notamment des conditions météorologiques», explique Julien Grand. «En hiver, on évite généralement d'être offensif. Cette saison a toujours été l'occasion de panser ses blessures et reformer ses stocks». Le début du printemps présente également des inconvénients pratiques:
C'est ce que les Ukrainiens appellent «bezdorizhzhia», et les Russes «raspoutitsa»: les périodes de l'année durant lesquelles une grande partie des terrains plats se transforment en mers de boue sous l'action de l'eau. Cela se produit notamment en automne et au printemps.
Il va falloir attendre jusqu'à fin avril-début mai avant que les conditions redeviennent favorables pour une offensive, au moment où le terrain aura pompé l'eau accumulée pendant l'hiver, selon Julie Grand. Et après? «Les prochaines offensives s'annoncent comme de grandes batailles de matériel: qui en aura plus aura l'avantage».