Le général ukrainien Dmytro Martchenko a désigné d'«objectif numéro un» le pont de Crimée, par lequel la Russie ravitaille une grande partie de son armée en Ukraine. En 2018, le chef du Kremlin Vladimir Poutine avait inauguré cet ouvrage de près de 20 kilomètres de long qui, grâce à des rails et des voies de circulation, permet de franchir le détroit entre la Crimée – annexée en 2014 – et la Russie continentale.
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La destruction du pont n'aurait pas seulement une importance militaire pour l'Ukraine, elle aurait également une grande valeur symbolique et pourrait être à portée de main grâce aux armes occidentales. En Russie, la crainte d'une attaque semble croître. A la fin de la semaine dernière, des véhicules spéciaux de l'armée ont enveloppé le pont d'une épaisse fumée blanche, comme le montre cette vidéo:
In occupied Crimea, urgent training is being held to protect the Kerch bridge - traditionally, smoke is blown into the eyes.The next stage: training on emergency evacuation from Crimea, which will become a reality. pic.twitter.com/iOp9QXCLfw— Euromaidan PR (@EuromaidanPR) July 1, 2022
Comme l'a indiqué le site internet Gazeta.ru, proche du Kremlin, il s'agissait d'un exercice de l'armée visant à protéger le pont contre les attaques aériennes. Le sens de l'action est toutefois remis en question. L'expert militaire Chris Owen a commenté ces images:
Et l'expert de conclure: «Mais enfumer le pont est inutile, on ne peut pas cacher le plus long pont d'Europe». D'autant plus qu'un carambolage a apparemment eu lieu sur le pont pendant l'exercice, comme le montre cette vidéo:
⚡️ Video of the accident on the Crimean Bridge that happened because of a military exercise.The cause of the accident was the smokescreen. The military had trained in case of an air attack on the bridge. pic.twitter.com/T7dEB62zre— Flash (@Flash43191300) July 3, 2022
Le Kremlin ne veut pas seulement compter sur un écran de fumée: sur deux petites îles situées à quelques mètres à l'est du pont, deux navires russes transportant une étrange cargaison se sont amarrés en début de semaine. On peut reconnaître l'un des bateaux sur cette vidéo:
Противоракетную оборону Крымского моста усилили баржами с уголковыми отражателями в районе арокПирамидальные отражатели установлены в районе острова Тузла на расстоянии 50-100 метров праллельно автомобильной части Крымского моста pic.twitter.com/c7sCTcWXHB— IgorGirkin (@GirkinGirkin) July 4, 2022
Les objets à bord du navire sont des réflecteurs radar, comme le rapporte l'expert naval HI Sutton: «Ils servent normalement de cibles d'entraînement pour la flotte de la mer Noire, mais là, ils sont apparemment destinés à détourner des missiles ukrainiens de leur cible». Sur cette photo d'archive partagée sur Twitter, les réflecteurs sont bien visibles:
Project 436 large target barge like this one built by Sokolskaya Shipyard- https://t.co/LKEAH9jSQK- https://t.co/cSYoWu1SCw📷: https://t.co/nvYK618MzP pic.twitter.com/UKCy16znYp— Thanos Massias (@MassiasThanos) July 5, 2022
Les nombreux angles droits des objets métalliques créent de fortes réflexions radar, de sorte qu'ils agissent comme des «appâts» pour les missiles en approche et les détournent de leur objectif principal.
Le pont de Crimée est-il vraiment à portée des missiles de l'Ukraine? Le territoire ukrainien le plus proche se trouve à au moins 250 kilomètres à vol d'oiseau. Le missile anti-navire «Neptun» développé en Ukraine pourrait franchir cette distance, tout comme les missiles «Harpoon» récemment livrés par le Danemark. Les lance-missiles américains de type Himars, dont l'Ukraine dispose désormais, peuvent également parcourir 300 kilomètres, à condition toutefois d'être équipés des bonnes munitions. Par crainte d'une escalade avec la Russie, le gouvernement américain n'a fourni, jusqu'à présent, que des munitions Himars d'une portée de 80 kilomètres.
Même si l'armée ukrainienne tirait quelques-uns de ses rares missiles sur le pont, le succès serait douteux. «S'ils explosent sur la chaussée, il est probable qu'il n'en résultera qu'un trou qui pourra être rapidement réparé», fait remarquer l'expert militaire Chris Owen:
Il est également peu probable que les attaques par avions ou drones de combat soient couronnées de succès, compte tenu des puissantes défenses aériennes qui entourent l'ouvrage, selon Owen.
L'expert militaire Gustav Gressel voit une autre possibilité: les forces spéciales ukrainiennes pourraient faire sauter le pont, a-t-il récemment déclaré au Redaktionsnetzwerk Deutschland. Certes, les services secrets russes (FSB) surveillent probablement étroitement l'ouvrage. Mais: «La plus grande vulnérabilité de la Russie est la corruption. Peut-être serait-il possible de soudoyer les forces d'intervention sur place pour qu'elles effectuent l'opération». (t-online,mk)