International
Russie

La guerre des drones se complique pour l'Ukraine

epa11155595 A Ukrainian serviceman from the 108th Brigade of Territorial Defence carries a Ukraine-made multi-purpose drone Leleka-100 on a field near a frontline in the direction of Zaporizhzhia, Ukr ...
Soldat ukrainien portant un drone. Ukraine, 15 février 2024.image: keystone

La guerre des drones se complique pour l'Ukraine

La Russie et l'Ukraine se battent avec des drones pour avoir la maîtrise de l'espace aérien. Voici pourquoi le Kremlin pourrait prendre l'avantage très bientôt.
19.03.2024, 05:5519.03.2024, 14:24
Simon Cleven / t-online
Plus de «International»
Un article de
t-online

Dans la nuit de mardi à mercredi, il y a eu beaucoup de mouvement dans le ciel russe. Des dizaines de drones ont volé depuis l'Ukraine en direction du pays voisin. Dès le matin, la Russie a annoncé avoir intercepté 58 de ces appareils. Mais certains ont tout de même atteint leur cible: à 200 kilomètres au sud-est de Moscou, au moins un drone s'est écrasé sur la raffinerie de pétrole de Riazan. L'installation a pris feu et plusieurs personnes ont été blessées.

Si les attaques de drones en territoire ennemi sont spectaculaires et très médiatisées, ces engins sont surtout utilisés directement sur le front. Ils y jouent désormais un rôle central. Kristen D. Thompson, experte de l'armée de l'air américaine, écrit pour le groupe de réflexion Council on Foreign Relations (CFR), décrypte:

«Ce conflit a montré les avantages des drones sur le champ de bataille, plus petits, plus meurtriers, plus faciles à utiliser et disponibles pour presque tout le monde»
Kristen D. Thompson, experte de l'armée de l'air américaine

Face à cela, l'Ukraine et la Russie sont engagées dans une course à l'armement. Pour les deux parties, ces armes sont devenues indispensables. Depuis longtemps, il ne s'agit plus seulement de développer de nouveaux types de drones, mais aussi de savoir comment neutraliser les drones ennemis. C'est ce qu'on appelle la guerre électronique. Et l'Ukraine risque d'être à la traîne dans ce domaine important.

Le vent tourne dans la guerre du ciel

Pendant longtemps, l'Ukraine a misé sur les drones pour compenser le manque de capacités de frappes aériennes ou le manque de munitions dans l'artillerie. Mais le vent est en train de tourner, rapporte le New York Times à propos de la guerre des drones:

«Les contre-mesures électroniques sont devenues l'une des armes les plus puissantes de l'armée russe, après des années de peaufinage de leurs capacités.»

Les drones sont devenus un élément incontournable de la guerre. Ils permettent aux troupes des deux camps d'effectuer des reconnaissances presque complètes du front; ils peuvent aider à déminer ou à acheminer des biens essentiels à la survie, comme des pansements ou des munitions, là où les combats sont particulièrement acharnés.

Mais les drones causent tout aussi souvent la mort sur le champ de bataille. Chargés d'explosifs, les pilotes peuvent les foncer sur leurs cibles. D'autres appareils sont conçus pour larguer des bombes et ne s'autodétruisent donc pas directement. Les systèmes les plus perfectionnés sont même capables de lancer de petits missiles sur leurs cibles. Des drones navals ukrainiens ont déjà infligé des coups sévères à la flotte russe de la mer Noire.

Les capacités de l'Ukraine atteignent leurs limites

L'Ukraine mise particulièrement sur les drones commerciaux qu'elle transforme pour servir ses objectifs. Ils sont généralement pilotés en vue subjective à l'aide de lunettes spéciales, on les appelle des drones FPV (First Person View, pour vue subjective, en anglais). Ces engins ont l'avantage d'être relativement disponibles et bon marché à l'achat.

Ils présentent toutefois un inconvénient majeur, comme l'écrit New York Times:

«Les drones FPV volent sur une fréquence analogique et, comme beaucoup d'entre eux sont achetés en magasin, ils sont déjà réglés sur la même fréquence à la livraison»
New York Times

Les soldats ukrainiens doivent donc s'y connaître en programmation pour changer la fréquence dans le logiciel du drone. Mais les brouilleurs russes leur donnent du fil à retordre.

La Russie s'est adaptée depuis longtemps aux essaims de drones ukrainiens. Les troupes du Kremlin parviennent de plus en plus souvent à «jammer», c'est-à-dire à perturber les appareils de l'Ukraine. Les pilotes perdent alors la liaison avec leurs drones et ne peuvent plus les piloter.

Selon le New York Times, ces capacités russes sont largement développées, mais encore inégalement réparties le long de la ligne de front. Les véhicules blindés, en particulier, sont encore vulnérables, car ils sont rarement équipés de brouilleurs.

L'industrie des drones en Ukraine serait principalement financée par le secteur privé, souvent grâce à des campagnes de crowdfunding.

«Chaque unité de drones sur le champ de bataille sert en quelque sorte de laboratoire d'essai pour les nouvelles technologies, l'acquisition et les missions de combat»
New York Times

La Russie a développé son industrie des drones principalement sous la supervision de l'armée. La flotte de drones du pays est devenue plus prévisible et moins diversifiée en termes de tactique et de type.

«Mais cela a également permis à l'armée russe de brouiller les drones ukrainiens sur le champ de bataille sans avoir à brouiller les siens, en coordonnant les itinéraires de vol avec les brouilleurs.»

Une «course permanente à l'armement»

Une telle coordination n'existe pas du côté ukrainien. Il manque à l'Ukraine une structure de commandement plus large pour coordonner les unités de drones sur l'ensemble du front - ce qui «entraîne souvent la confusion au sein des troupes ukrainiennes», selon le New York Times. «C'est une course permanente à l'armement», explique un soldat au journal.

Mais Kiev a reconnu le problème. Début février, le président Volodymyr Zelensky a annoncé son intention de créer une branche spécifique de l'armée ukrainienne, uniquement chargée de la guerre des drones.

«Ce n'est pas une question d'avenir, mais quelque chose qui devrait aboutir très prochainement à un résultat très concret, a expliqué le président ukrainien. Cette année devrait être décisive à bien des égards.»
Volodymyr Zelensky

L'ampleur de la guerre des drones est déjà vertigineuse. Selon Forbes, l'Ukraine a utilisé environ 8300 drones FPV contre les troupes russes depuis août. Durant la même période, la Russie aurait fait voler 6100 de ces systèmes sur des positions ukrainiennes. De nombreuses opérations de drones n'ont même pas été enregistrées, rapporte le magazine.

Un nombre encore jamais atteint à Avdiïvka

Les drones sont donc particulièrement utilisés dans la région d'Avdiivka. Mi-février, l'Ukraine a perdu cette ville du Donbass, disputée depuis 2014, au profit de la Russie après une bataille acharnée. Les Ukrainiens y manquaient surtout de munitions d'artillerie pour pouvoir contrer la supériorité de feu de la Russie. On a apparemment essayé de compenser cela avec des drones.

«Le nombre de drones utilisés par les forces armées ukrainiennes dans le secteur d'Avdiivka n'avait encore jamais été atteint»
Un blogueur militaire russe

L'observateur estimait que l'Ukraine y avait utilisé autant de drones que la Russie de soldats. Leur nombre se compterait en milliers.

L'Ukraine se procure actuellement environ 50 000 drones FPV par mois, estime Forbes. La Russie produirait même entre 100 000 et 300 000 de ces systèmes par mois. Le fait que la Russie ait massivement augmenté sa production de drones est bien connu. La question reste toutefois de savoir si les forces armées russes sont en mesure d'utiliser leurs systèmes aussi efficacement que l'Ukraine le fait actuellement.

Le «super char» de Poutine est définitivement un échec
Video: twitter
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
L'UE exhorte «toutes les parties à faire un pas en arrière» après les frappes américaines
Face à l'escalade des tensions au Moyen-Orient, l'Union européenne appelle au calme. Après les frappes américaines sur des sites nucléaires iraniens et l'intensification du conflit entre Israël et l'Iran, la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, exhorte les acteurs impliqués à renouer avec la voie diplomatique.

La cheffe de la diplomatie de l'Union européenne, Kaja Kallas, a appelé dimanche à une désescalade et à un retour aux négociations après les frappes américaines sur des sites nucléaires iraniens.

L’article