Il reste moins de cinq mois avant que le 15e sommet des BRICS ne se tienne dans la métropole sud-africaine de Durban. Cette association d'Etats réunit les puissances économiques émergentes qui abritent ensemble 40% de la population mondiale: le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud.
Il ne s'agit pas seulement d'économie, mais également de soutien politique. Sur la scène mondiale, cette association d'Etats est souvent considérée comme un contrepoids aux pays industrialisés riches.
Il n'y a pas encore eu d'annonce officielle du Kremlin ou de Pretoria, mais de nombreux spécialistes pensent que le président russe Vladimir Poutine participera au sommet.
C'est du moins ce qu'on imaginait. Car la semaine dernière, la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d'arrêt contre Poutine pour l'enlèvement présumé d'enfants d'Ukraine vers la Russie. C'est là que l'Afrique du Sud entre en jeu.
En tant que signataire du Statut de Rome, le pays est obligé d'arrêter un criminel de guerre recherché dès que celui-ci pose un pied sur son territoire.
Après l'élection de Nelson Mandela comme premier président noir du pays (1994), l'Afrique du Sud était considérée comme bastion des droits de l'homme. Le gouvernement a également défendu les droits fondamentaux au niveau international. Mais cette réputation s'effrite depuis quelques années.
Au lieu de condamner la guerre d'invasion russe, Pretoria a accueilli le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov en janvier dernier et a organisé des manœuvres militaires avec la Russie et la Chine un mois plus tard.
Certains politologues sont convaincus qu'en ne s'engageant ni avec l'Occident ni avec la Russie, les Etats du Sud disposeraient d'une plus grande marge de manœuvre. En tant que médiateurs, ils pourraient peut-être même obtenir une issue pacifique à la guerre. Mais pour les diplomates occidentaux, une telle politique fait grincer des dents.
En 2015, l'Afrique du Sud s'était retrouvée dans une position similaire. A l'époque, le dictateur soudanais Omar al-Bashir s'était rendu à Johannesburg pour un sommet de l'Union africaine (UA). Le Tribunal mondial de La Haye avait émis un mandat d'arrêt contre lui pour crimes de guerre dans la province soudanaise du Darfour.
Le gouvernement sud-africain de l'ancien président Jacob Zuma avait alors invoqué l'immunité diplomatique d'al-Bashir. Lorsque des activistes ont porté l'affaire devant le tribunal et que le juge a ordonné l'arrestation du dictateur, al-Bashir avait déjà fui le pays.
Comme certains Etats africains, l'Afrique du Sud avait annoncé vouloir se retirer du Statut de Rome. Elle reprochait notamment à la CPI de viser exclusivement les criminels africains, alors que les droits de l'homme sont aussi violés en Occident. Entre-temps, Pretoria aurait renoncé à ce projet.
Quant à l'hypothétique arrestation de Poutine, le porte-parole du président Vincent Magwenya a déclaré ce week-end:
En même temps, nous voulons «rester en contact avec les différents responsables» jusqu'au sommet.
En l'état actuel des choses et compte tenu de la position favorable de Pretoria à l'égard de la Russie, une arrestation de Poutine en Afrique du Sud est en tout cas peu probable.
Beaucoup de choses. Les défenseurs des droits de l'homme diront qu'il ne faut pas le chercher du côté des Union Buildings de Pretoria, ni au Parlement du Cap.
Les véritables héritiers de Mandela sont les représentants de la société civile sud-africaine. Des militants pour la paix aux retraités qui rebouchent les nids de poule à Johannesburg, en passant par les défenseurs des droits des femmes. Ils prennent en charge les tâches d'un gouvernement qui s'effrite. C'est un signe d'espoir, mais qui se transforme parfois en colère, avec plusieurs vagues de protestations.