Ce dimanche, les Russes élisent leur président et Vladimir Poutine a toutes les chances d'être élu — de manière régulière ou non. Contrairement à la dernière élection, en 2018, les observateurs électoraux indépendants de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ne seront plus présents. Et les candidats réellement indépendants comme Boris Nadejdine et Ekaterina Dunzova n'ont pas été autorisés à se présenter, cette fois-ci.
Autant dire que le résultat est d'ores et déjà écrit. Pourtant, Poutine ne concourt pas seul et quatre candidats au scrutin se présentent. Si nombre d'observateurs étrangers n'hésitent pas à parler de «simulacre» d'élection, les trois rivaux de Poutine étant alignés sur ses positions pour la plupart, quelques différences légères persistent.
Leur point commun principal: ils ne sont pas opposés à la guerre en Ukraine et leurs noms se retrouvent sur diverses listes de sanctions. Mais qui sont ces hommes et que représentent-ils? Les voici.
Plus jeune des trois candidats face à Poutine, ce politicien de 40 ans est le vice-président du parti «Nouvelles personnes», considéré de droite libérale. Il est politiquement important en Russie puisqu'il est le vice-président de la Douma, la Chambre basse du parlement russe, depuis plus de deux ans.
Vladislav Davankov n'est pas opposé à la guerre en Ukraine, mais — nuance importante — il s'est prononcé en faveur de la paix et de négociations avec Kiev dans le cadre de sa campagne électorale. Depuis le début de la guerre, il a été placé sur plusieurs listes de sanctions en tant que haut membre du parlement russe.
Davankov s'est fait connaître en s'opposant à la vaccination obligatoire pour certaines personnes imposée par Poutine lors du Covid. Il a aussi tenté de faire diffuser les films Barbie et Oppenheimer en Russie — mais le Ministère de la culture russe lui a répondu que ceux-ci étaient incompatibles avec la culture russe.
L'homme a profilé sa campagne dans le sillage de celle de Boris Nadejdine, un autre politicien de centre-droit dont la candidature a été invalidée par la justice russe en février dernier à cause d'irrégularités prétextées dans les signatures des parrainages. Nadejdine, un politicien expérimenté de 60 ans, était proche de Boris Nemtsov, un opposant à Poutine assassiné en 2015, et soutenait la libération d'Alexeï Navalny.
Davankov a donc profité de la tendance créée par Nadejdine pour récupérer une partie des électeurs contestataires russes et des détracteurs de Poutine. Il n'empêche, son poids politique est moins élevé et les chances pour qu'il l'emporte sur Poutine sont infimes. Mais il a toutes les chances d'arriver en deuxième place.
Le deuxième candidat est un «vieux de la vieille». Nikolaï Kharitonov est le candidat le plus âgé à s'être jamais porté candidat à la présidence russe: ce communiste de 75 ans siège à la Douma depuis 1993. En 2004, il s'est présenté pour la première fois à la présidence russe, sans succès, mais est arrivé en deuxième position derrière Poutine.
Il est membre du Parti communiste de la fédération de Russie, le successeur de facto du Parti communiste de l'Union soviétique, fondé par Lénine et interdit après la chute de l'URSS. Les communistes sont la principale force d'opposition de Poutine à la Douma depuis près de 25 ans, même s'ils restent minoritaires: ils ont fait 19% aux élections législatives de 2021, contre 51% pour Russie Unie, le parti de Poutine.
A ce titre, le communiste fait figure d'opposant parfait pour Poutine: celui d'un parti qui ne le délogera pas et restera à sa place dans ses fonctions. Nikolaï Kharitonov a d'ailleurs ouvertement indiqué durant sa campagne qu'il ne critiquerait pas Vladimir Poutine durant celle-ci. Lui aussi soutient la guerre en Ukraine, il est également placé sur une liste de sanctions par le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Sloutski est le candidat le plus électrique de cette élection. Il est le successeur du sulfureux Vladimir Jirinovski à la tête du parti d'extrême-droite qui ne dit pas son nom Parti libéral-démocrate de Russie (LDPR), un parti panslave qui milite pour le rétablissement d'une «Grande Russie».
Le politicien de 56 ans a commencé sa carrière politique jeune, dans une Union soviétique alors en plein effondrement. Député à la Douma depuis le 19 décembre 1999 — douze jours avant l'accession au pouvoir de Poutine — il monte au sein du LDPR dans les années 2000.
Sa carrière a été marquée par plusieurs scandales. Différents documentaires ont été publiés sur lui par l'équipe d'Alexeï Navalny, dans lesquels il est accusé de corruption. Certains peuvent prêter à sourire, et pourtant: il aurait par exemple collecté plus de 800 amendes routières, jamais payées, qui s'élèveraient au prix de son salaire annuel. Sloutski a aussi été accusé de harcèlement sexuel à de multiples reprises.
Mais les scandales n'ont pas entamé la carrière de Sloutski: en 2022, il faisait partie de la délégation russe qui a tenté de négocier avec l'Ukraine après le début de l'invasion. Plus récemment, son ton a durci: l'homme a réclamé une «victoire complète des armées russes» en Ukraine. Le politicien figure déjà depuis 2014 sur la liste des sanctions de l'Union européenne pour avoir soutenu l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca et Alexandre Cudré)
Erratum: il a d'abord été indiqué que Vladislav Davankov avait milité contre la diffusion des films Barbie et Oppenheimer en Russie. C'est bien le contraire qui est vrai.