Il est le nouveau patron de l’offensive russe et remplace Sergueï Sourovikine. Celui que l'on surnommait le «Général Armageddon» a ainsi été rétrogradé en tant qu'adjoint de Valeri Guerassimov. La valse des généraux de Poutine continue.
Le chef de l'état-major général des forces armées russes depuis 2012 a typiquement la tronche de celui à qui on éviterait de demander son chemin. Il y a quelques mois, son nom avait fait irruption dans les médias du monde entier pour avoir failli perdre la vie dans la ville d'Izium, sous contrôle russe. Blessé puis rapatrié d'urgence, il avait risqué le voyage jusqu'au front pour, dit-on, motiver des troupes dont le moral et la motivation tutoieraient à peine leurs élastiques de jambes. Dans cette frappe ciblée de l'armée ukrainienne, il était prévu qu'il meure. En même temps que deux cents soldats de l'école de recrue n°12.
Depuis le début de la guerre, on ne s'est pas souvent penché sur son profil. Il a même failli céder son siège à la tête de l'Etat-major général des forces armées au «boucher de Syrie», Alexander Dvornikov. D'autant que Guerassimov, 67 ans, est non seulement le grand patron des troupes russes, mais aussi l'un des détonateurs principaux de l'agression de l'Ukraine intimée par Poutine. C'est à lui, entre autres, que le maître du Kremlin ordonna de décapsuler officiellement l'assaut, le 24 février dernier.
La mission de celui qu'on surnomme la «brute rugueuse» pouvait paraître simple sur le papier: mener à bien la guerre en Ukraine. Efficacement. Et surtout, rapidement. La résistance inattendue de l'adversaire ukrainien pourrait bien être l'une des causes de sa présence sous les bombes. Il faut dire que des rumeurs circulaient déjà à la mi-mars: Valeri Guerassimov, manifestement incapable de chauffer ses hommes à blanc, aurait été rangé dans un placard par Poutine lui-même. Le 10 avril dernier, Alexander Dvornikov, le «boucher de Syrie» et potentiel successeur de Guerassimov, héritait du commandement de toutes les armées présentes en Ukraine pour espérer remporter le Donbass le plus vite possible. A défaut d'être parvenu à sauver sa réputation, la «brute» aura donc, pour l'instant, simplement réussi à sauver sa peau.
Pourtant, cet homme n'est pas le dernier des pions. Le ministre de la Défense Sergueï Choïgou le décrit lui-même comme un «militaire jusqu'à la racine des cheveux». Un affamé de la guerre et un stratège taiseux qui a dédié sa carrière à enchaîner diplômes, missions et médailles. Le petit Guerassimov passe sa scolarité en treillis et, à 22 ans, en tout jeune et fringuant fantassin, sort fièrement de l’école supérieure des troupes blindées de Kazan, l'actuelle capitale de la république du Tatarstan et (accessoirement) sa ville natale. Il a ensuite, dans l'ordre s'il vous plait, commandé les régions militaires d’Extrême-Orient, du Caucase du Nord, de Leningrad, puis celle de Moscou.
Parmi ses hauts faits personnels, citons par exemple l'arrestation archi-médiatisée, au début des années 2000, du symbole des terribles exactions perpétrées par les soldats russes dans la république du Caucase: Iouri Boudanov. Ce colonel russe, coupable d'avoir violé (puis assassiné) une jeune Tchétchène, sera abattu de quatre balles dans le crâne en 2011. Par un inconnu qui a pris la fuite et par une journée étrangement ensoleillée. A peine un an plus tard, Guerassimov atteindra la fonction suprême (pour un militaire, s'entend) en se hissant enfin au rang de chef d'état-major des forces armées de la Fédération de Russie.
Décrit comme étant un monsieur froid, mais plutôt déterminé, Valeri Guerassimov a dirigé plusieurs escapades militaires importantes pour le compte de papa Poutine. Il a par exemple été l’un des commandants durant la seconde guerre de Tchétchénie en 1999.
Et avant d'empoigner la guerre en Ukraine, d'une main manifestement moite, c’est lui qui a mené les opérations en Syrie en 2015, mais aussi au moment de l'annexion de la Crimée en 2014.
S'il a bien été l'un théoricien de la fameuse «guerre hybride», évoquée notamment par Zelensky au moment de jauger son assaillant au début du conflit, il n'est pas, comme on l'a longtemps sous-entendu, l'auteur de la «doctrine Guerassimov», ce document fantôme censé décrire avec précision la naissance de la tactique. Une guerre hybride? Pour faire court, c'est déstabiliser l'ennemi sans dégainer les armes. Et ça peut aller d'une importante cyberattaque, à une série de simples tweets publiés par des milliers de robots.
Valeri Guerassimov, chef d'orchestre reconnu de la musique impitoyable de Vladimir Poutine, a résolument fait ses preuves pendant plusieurs décennies.
Et dire qu'en mars dernier, on soupçonnait la disparition (ou la mort) de la «brute rugueuse». Dernièrement, il a été rendu responsable par différents blogueurs de l'action parfois chaotique de l'armée russe. Aujourd'hui, même si son uniforme ne suffit plus à accueillir toutes les médailles, Valeri Guerassimov est au coeur des attentes militaires de Poutine pour cette nouvelle année de guerre.
Jusqu'à quand?