Au début de cette histoire, on retrouve un héros de l'Union soviétique, qui s'avère aussi être une légende russe de la guerre d'Afghanistan.
Yaroslav Goroshko a servi dans plusieurs unités spéciales des années 80, a obtenu les honneurs militaires et est devenu commandant adjoint de brigade à l'état-major général de l'URSS. Il a été plusieurs fois grièvement blessé.
En 1991, après avoir été diplômé de l'académie militaire, le vétéran s'est vu proposer un poste à responsabilité à Moscou, avec une perspective de carrière. Mais Goroshko avait d'autres projets, comme il l'a révélé aux fonctionnaires du Kremlin:
C'était juste avant la chute de l'Union soviétique.
En décembre de la même année, l'Ukraine obtient son indépendance. Goroshko porte alors l'uniforme de son pays d'origine et assume un nouveau poste de direction. Deux ans plus tard, il se voit confier la tâche de réorganiser la formation des forces spéciales ukrainiennes (SOF).
C'est ainsi que ce combattant décoré d'Afghanistan est devenu le fondateur de cette mystérieuse unité d'élite qui passe inaperçue dans le conflit actuel contre la Russie.
Cette semaine, ce que les experts militaires soupçonnaient depuis longtemps a été confirmé pour la première fois. Des soldats d'élite ukrainiens mènent des opérations secrètes sur le territoire russe.
Deux hommes impliqués dans de telles opérations ainsi qu'un officiers des services secrets ont donné des informations à un journaliste du Times. Dimanche dernier, son rapport exclusif a été publié (voir sources en fin d'article).
watson propose un résumé des principales conclusions et présente cette unité d'élite peu connue, dont les membres agissent dans la discrétion absolue.
Selon le rapport du Times, c'est la première fois que des membres d'une unité spéciale ukrainienne ont confirmé publiquement «amener le combat sur le territoire russe».
Actuellement, l'armée russe attaque des cibles en Ukraine avec des missiles envoyés depuis le sol russe. Et des attaques ont également eu lieu depuis la Biélorussie, pays affilié à Poutine.
Les informations viennent de deux soldats d'élite ukrainiens, appelés «Handsome» et «Twenty Two» dans l'article du Times.
Ils ont tous deux 25 ans et combattent depuis l'invasion de l'Ukraine en 2014 contre les forces russes du président Poutine. Ils semblent «intelligents, éloquents et en excellente condition physique». Ils ont été choisis pour faire partie des forces spéciales après avoir combattu pendant des années dans des unités régulières.
L'auteur de l'article est le journaliste Maxim Tucker, ancien correspondant à Kiev du quotidien britannique. Il a également pu s'entretenir avec un officier supérieur des services secrets ukrainiens au sujet de cette unité spéciale d'élite.
Il s'agit d'une unité militaire spéciale d'élite qui dépend directement du service de renseignement du ministère ukrainien de la Défense (GRU MO).
C’est plus précisément la branche d'attaque et de reconnaissance du service de renseignement militaire, comme l'écrit le Times. L'unité n'accepte que les personnes qui «réussissent les tests d’endurance et de capacité de survie les plus éreintants». Les Ukrainiens (à l'origine uniquement les officiers) qui ont fait leurs preuves dans des unités régulières et lors de missions de combat peuvent déposer leur candidature.
Elle est connue sous le nom du «10e Détachement». Elle rappelle l'unité d'élite discrète de l'armée suisse appelée AAD10 (l'abréviation signifie Détachement de reconnaissance de l'armée).
Les membres sont spécialisés dans l'infiltration sur terre, en mer et dans les airs. Ils sont nageurs de combat, maîtrisent le parachutisme et l'alpinisme. En raison de leurs capacités presque surnaturelles, ils sont également appelés le «bataillon des chamans».
Une vidéo Youtube datant de 2009 montre des membres des forces spéciales ukrainiennes dans un exercice qui rappelle les capacités des Navy Seals aux Etats-Unis.
Elle est la seule unité ukrainienne pouvant être immédiatement déployée à l'étranger – ce qu'elle fait depuis de nombreuses années. Avant l'invasion, elle remplissait «un large éventail de missions» pour protéger les intérêts ukrainiens à l'étranger et assurer la sécurité de ses citoyens dans le monde entier.
Les membres du 10e détachement ont combattu aux côtés des forces d'opérations spéciales britanniques et américaines en Afghanistan et ont ainsi acquis la réputation de «la crème de la crème» dans les rangs ukrainiens, comme l'écrit le Times. «Nous les envoyons dans les missions les plus difficiles parce qu'ils sont les meilleurs et les plus courageux», déclare un officier supérieur des services secrets ukrainiens.
L'unité combattait déjà des groupes de sabotage et de reconnaissance ennemis avant le raid du 24 février. Elle a également mené des opérations spéciales dans le dos de l'ennemi.
Bien que le «10e détachement» ait été mieux préparé à l'invasion que d'autres unités des forces armées ukrainiennes, cela a tout de même été un choc, raconte l'un de ses membres:
Les hommes ont été immédiatement jetés au combat contre les forces spéciales russes (Spetsnaz). Près de l'aéroport Antonov d'Hostomel, des parachutistes ont tenté de sécuriser une route d'approvisionnement aérien vers des colonnes blindées qui avançaient en direction de la capitale ukrainienne.
L'un des soldats d'élite a décrit au Times la première heure de guerre comme un pur «chaos». Les militaires ukrainiens ont peiné à coordonner leur défense. A l’aéroport, ils ont finalement empêché la Russie de trop avancer vers Kiev.
Ils auraient ensuite été transférés par hélicoptère vers le village de Moshchun, situé au nord-ouest de Kiev, afin d'empêcher l'ennemi de traverser la rivière Irpin (affluent du Dniepr).
Selon leurs récits, trois équipes ont évacué le village et se sont ensuite enfoncées dans une forêt au bord de la rivière, où elles ont attendu l'attaque des Russes. Les soldats d’élite ukrainiens auraient alors attaqué les Russes, les auraient engagés dans des combats rapprochés et auraient frappé depuis les deux flancs.
Après avoir mis en déroute les troupes russes et détruit plusieurs véhicules blindés avec des missiles antichars NLAW fournis par la Grande-Bretagne, les soldats d'élite ukrainiens se sont retirés.
Le bataillon de chamans aurait participé à chaque grand combat de la bataille de Kiev et aurait «continué à harceler» la force d'invasion russe lorsqu'elle a fui à travers la zone d'exclusion de Tchernobyl en passant la frontière biélorusse.
Leur mission serait de «détruire les infrastructures vitales pour l'effort de guerre du Kremlin». Ils cherchent à empêcher le ravitaillement, si important dans la guerre d'artillerie et de position actuelle.
Les soldats d'élite ukrainiens sont aussi un élément important de la guerre d’un point de vue psychologique. Par leurs attaques menées de nuit, ils déstabilisent l'ennemi et tentent de créer un climat de confusion totale.
Les détails des opérations, tout comme les cibles exactes des attaques, sont secrets, comme l'écrit le Times. Mais les incursions à travers la frontière «aident à expliquer comment les raffineries de pétrole russes, les dépôts de munitions et les réseaux de communication ont été mystérieusement sabotés».
L'un des soldats d'élite ukrainiens, sous le pseudonyme de «Twenty Two», a déclaré:
L’unité spéciale s’occupe aussi de missions de reconnaissance derrière les lignes ennemies et dans les zones occupées. En petites équipes, ils espionnent les positions ennemies, marquent au laser les cibles pour les tirs d'artillerie à longue portée et transmettent les alertes d’artillerie aux bataillons ukrainiens.
Selon le Times, les unités spéciales comme le 10e détachement constituent l’épine dorsale de la défense de l'Ukraine. Outre leurs opérations secrètes et leurs missions de combat, les soldats d'élite aident à préparer et à organiser les «troupes souvent fraîchement mobilisées», qui sont souvent très motivées, mais insuffisamment formées et mal équipées.
Les soldats d’élite ordonnent aux unités régulières de prendre les meilleures positions défensives pour repousser une attaque ennemie, avant de mener eux-mêmes une attaque.
Le soldat «Twenty Two» dit:
L'infanterie inexpérimentée doit être renforcée par des soldats expérimentés pour tenir la ligne lors d’un bombardement violent.
La confiance dans les forces spéciales a toutefois coûté cher aux unités elles-mêmes. La moitié de leurs camarades ont été tués au cours des dernières semaines, alors que la lutte pour la région du Donbass se poursuivait et que la Russie concentrait ses attaques sur certains secteurs.
L'officier de renseignement, dont le nom n'a pas été révélé, a abondé dans ce sens. Le taux de victimes de l'Ukraine, qui était bien inférieur à celui de la Russie dans les premières semaines de la guerre, s'est rapproché du taux de victimes russes.
Selon le rapport du Times, les soldats d'élite, appelés «Operators» en anglais, sont extrêmement reconnaissants pour les livraisons d'armes occidentales. Ils pourraient ainsi notamment remplacer leurs kalachnikovs par des fusils d'assaut modernes de type FN SCAR-L.
Les soldats d'élite ukrainiens ont également souligné que l'intensité de leurs opérations leur coûtait plus d'équipement qu'ils n'en recevaient par le biais du ravitaillement. Ils souhaitent que l'aide militaire internationale soit encore plus rapide, notamment en ce qui concerne les véhicules blindés, les missiles antichars NLAW (de conception suédoise) et les armes lourdes.
Lors d'une attaque derrière les lignes ennemies, ils auraient dû abandonner deux véhicules à cause de pneus crevés, parce qu'ils n'avaient pas le temps de les changer.
«Les gens utilisent tout ce qui a des roues, même leurs propres voitures», a déclaré le soldat d’élite «Twenty Two». Il a dû mettre son appareil de vision nocturne devant ses yeux, parce que la fixation de son casque s'est cassée et qu'il n'en trouvait pas de remplacement.
Avant l'invasion, le soldat d'élite «Twenty Two» avait commencé à construire une chaîne de salles de sport. Son collègue voulait aller dans l'industrie informatique florissante de l'Ukraine, construire une maison et fonder une famille. Aujourd'hui, ils sont au combat pour défendre leur patrie.
Il aura bientôt 26 ans, du moins il l'espère.
Que pensez-vous des frappes de représailles ukrainiennes sur le sol russe? Les soldats d'élite doivent-ils uniquement interrompre le ravitaillement par des actions de sabotage ou faut-il également procéder à des assassinats ciblés de militaires de haut rang russes? Est-il judicieux qu'une unité spéciale donne de tels aperçus? Donnez-vous votre réponse en commentaire.
Traduit de l'allemand par Charlotte Donzallaz