«Papy» Lavrov a réussi son coup. Grâce à lui, les commandes de la marque SelSovet ont été multipliées par 48 en moins de temps qu'il n'en faut à un Soukhoï pour survoler l'immense Russie. Souvenez-vous. Le 15 août, à sa descente de l’Iliouchine présidentiel sur la base militaire Elmendorf-Richardson en Alaska, à l’occasion du sommet Trump-Poutine, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s'est présenté vêtu d'un sweat blanc portant l’inscription «CCCP», URSS en français, le nom de l’ancienne Union soviétique.
Effet kiss cool garanti. Une provoc, vu la réputation de l’ex-URSS, foyer du communisme et de ses malheurs, mais un buzz du tonnerre. A vrai dire, la ligne de vêtements SelSovet, un nom qui fait référence aux divisions administratives de l’Union soviétique d’autrefois, est pas mal du tout. Du sportwear hommes-femmes, du chic décontracté, confortable comme la peau d’ours du canapé de la datcha ou du chalet à Verbier.
C’est donc Lavrov et non pas un rappeur à la mode qui s’est fondu dans la peau de l’influenceur. Le label, situé à Tcheliabinsk, en Sibérie occidentale, connaît depuis un succès foudroyant. «En l'espace de vingt-quatre heures, nous sommes passés à une cadence de travail de 24 heures sur 24 et de sept jours sur sept», affirme la fondatrice de la marque, citée par la chaîne française LCI, qui s'est intéressée à ce phénomène marketing. Rendez-vous compte: un pull à 110 euros atteint 2600 euros sur des sites de reventes. Il faut compter près de deux mois d’attente avant de l'avoir sur le dos.
Comment expliquer un tel succès, pour un sigle, CCCP, rappelant les heures noires communistes? Justement, ce n’est pas cela que voient ou veulent voir les Russes qui se précipitent sur les vêtements SelSovet. Comme en ex-Allemagne de l’Est, il y a en Russie une «Ostalgie» d’un temps associé à une identité perdue, à une grandeur qui aurait disparu du jour au lendemain à l'Est de l'Europe, en 1991 à la chute de l’URSS.
Interrogée par LCI, la médecin psychiatre Anne Sénéquier, chercheuse à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), renvoie à l’époque «où l’URSS était une puissance internationale crainte et respectée, avant d’être rétrogradée en puissance régionale». L’engouement pour la marque traduirait «le regret de la perte des provinces soviétiques, dont l’Ukraine faisait partie», assure-t-elle.
On l’avait bien compris ainsi de la part de Sergueï Lavrov, venu parlementer au sujet de l’Ukraine agressée avec un vêtement disant tout de ses intentions. Une provocation, vous croyez? Dans la chaleur réconfortante d’une modeste cabane en Alaska, le chef de la diplomatie russe s'est défendu d'avoir de mauvaises pensées:
La diaspora russe en Europe et aux Etats-Unis serait fortement demandeuse de t-shirts et survêts SelSovet. A chacun son doudou.