Officiellement, les mercenaires n'existent pas. Pourtant, ces soldats combattent pour de l'argent et opèrent au service de la Russie. L’Ukraine a annoncé il y a quelques jours qu'une base de mercenaires du groupe russe Wagner avait été entièrement détruite. Il n'y aurait qu'un seul survivant. C'est du moins ce qu'écrit le chef de l'administration militaire locale à Lougansk, Serhiy Hayday, sur Twitter.
La base était un stade de football dans la ville de Kadiïvka, contrôlée par les rebelles prorusses dans l'est de l'Ukraine. Lors de l'intervention, il a été entièrement détruit, comme on peut le voir sur la vidéo de Serhiy Hayday.
#Wagner base in occupied #Luhansk region was destroyed, only one racist survived. The enemy base is located at the local stadium in #Kadiivka, which the russians brazenly occupied in 2014 #UkraineRussiaWar pic.twitter.com/cWsIHIzXXd
— Serhiy Hayday (@serhey_hayday) June 10, 2022
Il est impossible de vérifier combien de membres du groupe Wagner ont été tués. Les données publiées par les médias ukrainiens et étrangers varient entre 22 et 300.
Le groupe Wagner est surtout associé à la torture, aux viols et aux meurtres. Il est considéré comme impitoyable, brutal et meurtrier. Il a déjà été actif dans des pays comme la Syrie, la Libye, la République centrafricaine et le Soudan.
Il est considéré comme l'«armée de l'ombre» du président russe Vladimir Poutine. Le groupe Wagner est né en 2014 en tant que groupe de mercenaires soutenus par le Kremlin. Il avait également soutenu la première incursion de Poutine dans l'est de l'Ukraine la même année. Plus tard, le groupe Wagner a été envoyé en Syrie.
Le groupe Wagner est une entreprise militaire et de sécurité privée russe. Les unités de mercenaires opèrent sous couverture. Le néonazi Dmitri Outkine, dont le nom de guerre est «Wagner», est considéré comme le fondateur. Outkine a choisi ce nom en référence au compositeur allemand du XIXe siècle Richard Wagner. Il était considéré comme le compositeur préféré d'Adolf Hitler. Rien de plus n’est connu sur le parcours du commandant.
Toutefois, c'est l'entrepreneur russe et proche de Poutine Evgueni Prigoschin qui est considéré comme le propriétaire et le financier de l'organisation. Il est également connu sous le nom du «cuisinier de Poutine», car il gère le seul restaurant privé dans le bâtiment du Parlement russe à Moscou. Les observateurs lui reprochent d'être impliqué dans des activités de propagande occultes du gouvernement russe. Son succès économique est attribué à la protection de Poutine.
Outre les liens entre Evgueni Prigoschin et le président russe, il existe des preuves que Poutine a décerné une médaille de bravoure au fondateur de Wagner, Dmitri Outkine. En plus, ce dernier aurait participé à une réception au Kremlin.
Marat Gabidulin, un ancien mercenaire du groupe Wagner, a même confirmé dans un documentaire de la ZDF que l'organisation n'était pas une entreprise militaire privée, mais fait bel et bien partie du ministère russe de la Défense.
Malgré cela, le Kremlin nie tout lien avec le groupe Wagner. Ulf Laessing, représentant de la fondation Konrad Adenauer au Mali pour la région africaine du Sahel, explique: «Moscou nie le lien pour garder toutes les options ouvertes». Il ajoute:
En outre, le groupe est régulièrement accusé de violations des droits de l'homme. La Russie ne veut rien avoir à faire avec cela officiellement, estime l'expert.
Selon les services secrets britanniques, au moins 1000 combattants du groupe Wagner sont actifs dans la guerre en Ukraine.
Des mercenaires de l'organisation sont également actifs dans la guerre civile en Syrie et ont également combattu aux côtés du général Khalifa Haftar dans la guerre civile libyenne. Des «missions de formation» sont en outre menées en République centrafricaine.
«La Russie utilise l'entreprise Wagner pour se développer géopolitiquement, surtout en Afrique, et pour avoir accès aux matières premières», explique Laessing. La Russie veut, par le biais du groupe Wagner, prendre pied partout en Afrique où l'Occident est critiqué. Au Mali ou en République centrafricaine, par exemple, il existe un fort sentiment critique contre la France.
Les autres pays d'intervention du groupe Wagner sont l'Arménie, le Mali, le Mozambique, le Venezuela, la Biélorussie et le Soudan. Il existe aussi des indices d'opérations dans d'autres pays africains.
La plupart de ces pays sont surtout connus pour les guerres civiles qui y sévissent depuis de nombreuses années. Mais le Soudan est aussi associé aux métaux précieux comme l'or et l'uranium.
Le groupe Wagner est plus qu'une simple machine de guerre envoyée dans les régions d'Afrique en proie à la guerre civile. Le Soudan est le troisième plus grand producteur d'or du continent. L'organisation a obtenu des permis d'exploitation minière lucratifs au Soudan. Cela leur permet d'exploiter l'or dans ce pays.
Les experts craignent que cette augmentation du stock d'or russe ne serve désormais indirectement à financer la guerre en Ukraine. Cela permettrait aussi d'atténuer les effets des sanctions économiques en Russie.
L'expert Ulf Laessing voit dans le groupe Wagner un «instrument non officiel de la Russie» pour s'étendre en Afrique. Il compare cette démarche à celle de la Chine. La République populaire construit des routes ou des écoles en Afrique et est payée pour cela avec des matières premières ou des droits commerciaux.
L'expert n'est toutefois pas d'avis que la production d'or ou de diamants au Soudan ou en République centrafricaine paie la guerre en Ukraine. Il ajoute:
Laessing soupçonne souvent d'anciens soldats russes parmi les mercenaires de Wagner. Il y a aussi des ex-soldats d'autres pays ainsi que de nombreuses professions civiles, comme les géologues. Ces derniers sont surtout importants pour l'exploitation de mines d'or, par exemple au Soudan.
Dans le documentaire de ZDFinfo, un membre de Wagner divise les personnes de l'organisation en trois groupes.
Dans la première catégorie, il y a les hommes qui ne peuvent pas s’imaginer une autre vie. «Ce sont des mercenaires nés. Ce travail est la seule façon dont ils veulent vivre et gagner leur vie», dit-il dans le documentaire.
Le deuxième groupe est celui des personnes qui n'ont plus d'espoir. «Ils ne savent pas comment vivre autrement. Ils viennent parce qu'ils n'ont pas d'autre choix.»
Dans la troisième catégorie, ce sont les romantiques. «Des rêveurs à la recherche d'une poussée d'adrénaline, qui veulent en outre servir leur patrie.»
Dans un rapport récemment publié par l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch, le groupe Wagner est accusé de graves violations des droits de l'homme en République centrafricaine. Parmi celles-ci, assassinat de civils et torture.
Le service de renseignement extérieur allemand confirme lui aussi des violations des droits de l'homme sous forme de torture et d'exécutions après avoir visionné des enregistrements vidéo en provenance de Syrie et écouté des conversations radio.
Depuis 2017, le groupe Wagner figure sur la liste des sanctions des Etats-Unis contre les entreprises et les personnes russes. L'UE l'a également placé sur une liste de sanctions en décembre 2021 en raison de «graves violations des droits de l'homme».
Concrètement, cela signifie que les avoirs présents dans l'UE sont gelés et qu'une interdiction de se rendre dans l'UE et d'y faire des affaires a été prononcée.
Selon Ulf Laessing, les sanctions rendent certes les affaires du groupe Wagner un peu plus difficiles. Mais en raison de son expansion dans des pays africains comme la Libye ou le Soudan, leur effet est tout de même limité.
Traduit de l'allemand par Charlotte Donzallaz