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Novak Djokovic, symbole d'une Serbie humiliée et triomphante

Portrait géant de Novak Djokovic. Belgrade, 6 janvier 2022.
Portrait géant de Novak Djokovic. Belgrade, 6 janvier 2022.image: keystone
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Novak Djokovic, symbole d'une Serbie humiliée et triomphante

Novak Djokovic porte sur ses épaules de superhéros serbe le poids d'un peuple s'estimant trahi et dépossédé. Il incarne par ailleurs la résistance au vaccin.
06.01.2022, 18:4711.01.2022, 09:03
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De l’humiliation, faisons un signe d’élection. Le traitement diplomatique infligé par l’Australie à Novak Djokovic, assigné à résidence à Melbourne dans un hôtel qualifié d’«infâme» par le président serbe Alexandar Vucic, nourrira en Serbie, n’en doutons pas, un sentiment de persécution, associé à un statut d’exception, celui, par exemple, de «peuple céleste», un mysticisme qu’on doit à l’Eglise orthodoxe serbe.

Martyrisée, malchanceuse, incomprise, trahie, ainsi se voit une partie du peuple serbe, dont le rêve de Grande Serbie s’est brisé sur les récifs de la géopolitique occidentale tout au long des guerres menées en ex-Yougoslavie au cours des années 1990. Malheureux sur terre, mais le Ciel est avec nous, en somme.

Le «gène serbe»

Le Ciel, à moins que ce ne soit la nature, qui gratifierait les Serbes d'un gène spécifique, le «gène serbe» les rendant plus résistants face au coronavirus. C'est ce qu'affirmait en novembre sur une chaîne de télévision le pneumologue et allergologue Branimir Nestorovic, un ami de Novak Djokovic.

La conviction d'être guidé par le Tout-Puissant habitait les premières déclarations publiques du champion, faites depuis son lieu de rétention australien et rapportées par son frère Djordje lors d'une manifestation ce jeudi à Belgrade: «Dieu voit tout. La morale et l’éthique, les plus grands idéaux, sont des étoiles qui brillent vers l’ascension spirituelle. Ma grâce est spirituelle et la leur (réd: celles des Australiens) est richesse matérielle.»

A Melbourne, Novak traverserait une épreuve pareille à une injustice. Dont il devrait sortir encore plus fort. La réaction pleine de grandiloquence du père du numéro un mondial de tennis, Srdjan Djokovic, cité par le site serbe Telegraf, atteste de ce penchant pour ce qu’on pourrait appeler un «triomphalisme victimaire»:

«Mon fils a montré que même un pays petit, mais héroïque comme la Serbie peut avoir le meilleur joueur de tennis et athlète de tous les temps et que la vérité ne peut plus être cachée»

Il a décrit sa progéniture comme «le symbole et le leader du monde libre, le monde des nations et des peuples pauvres et opprimés», l'associant à Spartacus, le chef du soulèvement des esclaves dans la Rome antique.

Super Novak contre Big Pharma

Antivax (d’où ses déboires australiens), adepte des médecines parallèles, le Serbe Novak Djokovic serait le héraut de la résistance des sans-grades, d’une part, à Big Pharma, cette grande fabrique du «mensonge», de l’autre, à la diplomatie américano-européenne qui a réduit son pays à une pièce de puzzle sans prise sur la mer, le dépossédant de ce que les Serbes considèrent comme leur berceau historique, le Kosovo. Cette province majoritairement albanophone, où résident encore des Serbes, est la terre d’origine de la famille Djokovic. C’est dire si Novak porte du lourd sur ses épaules de superhéros.

Sur Facebook, la page intitulée «Le Kosovo serbe» lui rend hommage: «Novak Djokovic vient d'être INTERDIT d'entrer en Australie et sera expulsé. Détenteur de tous tes titres en tennis, tu viens de remporter le meilleur jusqu'à présent. Tu viens de recevoir le titre "d'homme LIBRE". Après tout, c'était le SEUL moyen de t'empêcher de gagner à nouveau. NOUS T'AIMONS NOLE (réd: son surnom)!»

«A la frontière très fine entre patriote et nationaliste»

Mais où placer Novak Djokovic, qui fut porte-drapeau de la Serbie aux Jeux olympiques de Londres en 2012, dans ce concert de louanges, pareil à l'adoration des saints? «Il se situe à la frontière très fine entre patriote et nationaliste», note à son propos Loïc Trégoures, enseignant en sciences politiques à l’Institut catholique de Paris et auteur du livre Le football dans le chaos yougoslave (Editions Non Lieu, 2019).

«Novak Djokovic va passer des vacances en Croatie, il a des amis en Bosnie. Il n'est pas dans une logique d'hostilité à l'égard des autres ex-Yougoslaves. Mais pour autant, il fréquente ou fait la promotion d'hommes politiques, d'écrivains et d'historiens qui sont clairement dans le camp nationaliste serbe. Et quand il gagne au tennis, il fait le salut à trois doigts, un geste ambigu, perçu par les autres comme un symbole du nationalisme serbe en raison de son utilisation par les milices serbes pendant la guerre des années 1990.»
Loïc Trégoures, enseignant en sciences politiques à l’Institut catholique de Paris

Le «proscrit» Novak Djokovic sera fixé sur son sort lundi par les autorités australiennes. Les Serbes, qui fêteront demain vendredi 7 janvier le Noël orthodoxe, auront une pensée pour lui.

D'obèse morbide à star de la corde à sauter
Video: watson
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