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Pourquoi l'Australie ne veut brusquement plus de Novak Djokovic

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De privilégié à pestiféré, comment Djoko s'est retrouvé coincé en Australie

Le champion de tennis est toujours détenu par les services d'immigration australiens, d'où il sera refoulé dans la journée si son recours est rejeté. D'un traitement de faveur à une expulsion manu militari, que s'est-il vraiment passé? Explications.
06.01.2022, 10:0106.01.2022, 11:38
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Qui a accordé l'exemption médicale?

La décision émane de l'Etat du Victoria, fief de Melbourne et de l'Open d'Australie. Au terme «d'un examen approfondi» par «deux panels d'experts indépendants», selon le communiqué du tournoi, Novak Djokovic a reçu une autorisation d'entrer sur le territoire australien sans la vaccination obligatoire. Sa première demande avait été rejetée en raison d'éléments incomplets.

Pourquoi un tel tollé?

Certains avaient peut-être imaginé que l'Australie, nation historique du tennis, serait heureuse d'accueillir le meilleur joueur du monde, à tout le moins soulagée pour son tournoi, le plus grand événement de l'hémisphère Sud – mis à mal cette année par de nombreux forfaits et une baisse sensible de ses revenus.

Mais le régime d'exception accordé à Novak Djokovic a provoqué un sentiment d'injustice dans tout le pays, jusqu'à Melbourne même, la ville la plus confinée au monde avec un total de 262 jours.

«Nous vivons enfermés depuis deux ans. Même mon fils qui vit en Suisse avec sa mère n'est pas autorisé à venir me voir. Comment voulez-vous que nous comprenions la dérogation accordée à Djokovic? Nous sommes fous de rage»
Mario, 47 ans, habitant de Perth

Quelle erreur a commis Djokovic?

Il n'a pas rempli le bon formulaire. Plus précisément, le visa qu'il a sollicité n'admet pas les exemptions médicales, et requiert une vaccination complète.

Ceux qui ont déjà effectué des voyages professionnels en Australie le savent, les services de douane sont extrêmement pointilleux sur les questions de formulaire. En l'occurrence, ils ont mis un point d'honneur à affirmer leur autorité, dans une communication de type nord-coréenne:

«M. Djokovic n'a pas fourni les éléments appropriés. Les ressortissants étrangers qui ne disposent pas d'un visa valide ou dont le visa a été annulé seront placés en détention et expulsés d'Australie»

Que s'est-il passé en coulisses?

Selon la presse australienne, le gouvernement fédéral est intervenu en amont auprès de la police des douanes afin de s'assurer que M. Djokovic serait bien en règle, et qu'aucun traitement de faveur ne lui serait accordé.

Djokovic juste avant de décoller pour l'Australie, quand tout allait bien.
Djokovic juste avant de décoller pour l'Australie, quand tout allait bien.

Ce problème de visa ne pouvait pas mieux tomber. En désaccord profond avec la décision du Victoria, et chahuté par son opinion publique, le Premier ministre australien Scott Morrison y a vu une occasion de reprendre un dossier qui lui avait échappé, et d'influencer un verdict avec lequel il n'est pas à l'aise. D'où une nouvelle démonstration d'autorité:

«Il n'y aura aucun régime particulier pour Novak Djokovic. Pas le moindre. S'il n'est pas en règle, il sera expulsé par le premier avion»

Pourquoi de tels désaccords entre l'état du Victoria et le gouvernement?

Les deux parties poursuivent des buts très différents: le gouvernement a fait du contrôle aux frontières une antienne de son action politique. L'état du Victoria, lui, protège le rayonnement et la prospérité de son tournoi.

Cette collision d'intérêt avait déjà provoqué quelques frictions l'an dernier, au moment d'établir les conditions d'admission à l'Open d'Australie. Le tournoi s'en était sorti avec des quarantaines extrêmes, d'inspirations carcérales, où de nombreux étrangers n'avaient pas franchir le seuil de leur chambre d'hôtel pendant plus de quatorze jours, tandis que les couloirs étaient placés sous surveillance militaire.

Quels sont les dessous politiques de l'affaire?

L'Equipe de jeudi 6 janvier propose l'éclairage intéressant de Matthew Wrigley, avocat originaire de Melbourne et spécialiste des affaires intérieures. L'homme décrit les mécanismes alambiqués qui ont conduit à certaines décisions purement politiques.

Scott Morrison, Premier ministre australien.
Scott Morrison, Premier ministre australien.

«D'un côté, vous avez l'aile gauche, avec le gouvernement victorien qui a fourni l'exemption à Djokovic. Mais après le tollé que cela a provoqué dans l'opinion publique, l'aile droite, par la voix du Premier ministre Scott Morrison, a dit hors de question.»

«D'un côté, vous avez le gouvernement de Victoria qui soutient l'Open d'Australie et détermine avec Tennis Australia qui peut jouer le tournoi. De l'autre, le gouvernement fédéral qui décide qui entre ou non dans le pays, si un visa est valable ou non. Les deux semblent être en complète opposition sur le sujet.»

Et maintenant?

Novak Djokovic est «détenu» à la frontière par les services d’immigration, où il a déposé un recours contre la mesure d'expulsion dont il est toujours l'objet. De source judiciaire, un magistrat de Melbourne, Anthony Kelly, rendra sa décision lundi. Si le recours est rejeté, l'Australie promet d'expulser Djokovic par le premier avion.

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