La décision émane de l'Etat du Victoria, fief de Melbourne et de l'Open d'Australie. Au terme «d'un examen approfondi» par «deux panels d'experts indépendants», selon le communiqué du tournoi, Novak Djokovic a reçu une autorisation d'entrer sur le territoire australien sans la vaccination obligatoire. Sa première demande avait été rejetée en raison d'éléments incomplets.
Certains avaient peut-être imaginé que l'Australie, nation historique du tennis, serait heureuse d'accueillir le meilleur joueur du monde, à tout le moins soulagée pour son tournoi, le plus grand événement de l'hémisphère Sud – mis à mal cette année par de nombreux forfaits et une baisse sensible de ses revenus.
Mais le régime d'exception accordé à Novak Djokovic a provoqué un sentiment d'injustice dans tout le pays, jusqu'à Melbourne même, la ville la plus confinée au monde avec un total de 262 jours.
Il n'a pas rempli le bon formulaire. Plus précisément, le visa qu'il a sollicité n'admet pas les exemptions médicales, et requiert une vaccination complète.
Ceux qui ont déjà effectué des voyages professionnels en Australie le savent, les services de douane sont extrêmement pointilleux sur les questions de formulaire. En l'occurrence, ils ont mis un point d'honneur à affirmer leur autorité, dans une communication de type nord-coréenne:
Nadal sur Djokovic : "Selon moi, le monde a trop souffert pour ne pas suivre les règles. S'il voulait, il aurait pu jouer ici sans problème. Chacun est libre de ses décisions, mais il y a des conséquences. D'un côté, je suis désolé pour lui. Mais il connaissait les conditions."
— Quentin Moynet (@QuentinMoynet) January 6, 2022
Selon la presse australienne, le gouvernement fédéral est intervenu en amont auprès de la police des douanes afin de s'assurer que M. Djokovic serait bien en règle, et qu'aucun traitement de faveur ne lui serait accordé.
Ce problème de visa ne pouvait pas mieux tomber. En désaccord profond avec la décision du Victoria, et chahuté par son opinion publique, le Premier ministre australien Scott Morrison y a vu une occasion de reprendre un dossier qui lui avait échappé, et d'influencer un verdict avec lequel il n'est pas à l'aise. D'où une nouvelle démonstration d'autorité:
Les deux parties poursuivent des buts très différents: le gouvernement a fait du contrôle aux frontières une antienne de son action politique. L'état du Victoria, lui, protège le rayonnement et la prospérité de son tournoi.
Cette collision d'intérêt avait déjà provoqué quelques frictions l'an dernier, au moment d'établir les conditions d'admission à l'Open d'Australie. Le tournoi s'en était sorti avec des quarantaines extrêmes, d'inspirations carcérales, où de nombreux étrangers n'avaient pas franchir le seuil de leur chambre d'hôtel pendant plus de quatorze jours, tandis que les couloirs étaient placés sous surveillance militaire.
🇦🇺 FLASH - Fortes tensions lors d’une manifestation contre le confinement en #Australie. Des affrontements ont eu lieu entre manifestants et forces de l’ordre. Une policière a été piétinée dans le chaos. (The Age) #Richmond #COVID19pic.twitter.com/gq6d5bfoHp
— Mediavenir (@Mediavenir) September 18, 2021
L'Equipe de jeudi 6 janvier propose l'éclairage intéressant de Matthew Wrigley, avocat originaire de Melbourne et spécialiste des affaires intérieures. L'homme décrit les mécanismes alambiqués qui ont conduit à certaines décisions purement politiques.
«D'un côté, vous avez l'aile gauche, avec le gouvernement victorien qui a fourni l'exemption à Djokovic. Mais après le tollé que cela a provoqué dans l'opinion publique, l'aile droite, par la voix du Premier ministre Scott Morrison, a dit hors de question.»
«D'un côté, vous avez le gouvernement de Victoria qui soutient l'Open d'Australie et détermine avec Tennis Australia qui peut jouer le tournoi. De l'autre, le gouvernement fédéral qui décide qui entre ou non dans le pays, si un visa est valable ou non. Les deux semblent être en complète opposition sur le sujet.»
Novak Djokovic est «détenu» à la frontière par les services d’immigration, où il a déposé un recours contre la mesure d'expulsion dont il est toujours l'objet. De source judiciaire, un magistrat de Melbourne, Anthony Kelly, rendra sa décision lundi. Si le recours est rejeté, l'Australie promet d'expulser Djokovic par le premier avion.