Alors qu’à Bakou, au sommet sur le climat, on cherche désespérément des solutions contre le réchauffement climatique, le gouvernement suédois a brusquement freiné l'expansion de l'énergie éolienne verte. Il a décidé de suspendre 13 des 14 grands projets éoliens prévus en mer Baltique. La raison en est des préoccupations de sécurité: l'armée suédoise a fait remarquer que les installations éoliennes en mer pourraient perturber la surveillance radar et les capteurs sous-marins.
Cela mettrait en péril la sécurité de la mer Baltique, a expliqué le ministre de la Défense, Pal Jonson, car des missiles ainsi que des sous-marins seraient plus difficiles à détecter, et des systèmes de défense comme les missiles anti-aériens Patriot pourraient être moins efficaces.
Les projets éoliens, en particulier dans la partie orientale de la mer Baltique, pourraient donc avoir des «conséquences inacceptables» pour la défense du pays, en particulier compte tenu de la politique agressive du Kremlin et du fait que l'enclave russe fortement militarisée de Kaliningrad n'est qu'à 300 kilomètres de la côte suédoise.
L'armée a expliqué que les parcs éoliens pourraient entraver la surveillance radar au point qu’un missile de croisière lancé en direction de la Suède pourrait être détecté une minute plus tard que d’habitude. Le problème de l'interférence causée par les éoliennes concerne de vastes zones de la mer Baltique, ce qui rend impossible de simplement déplacer ces parcs ailleurs.
La décision du gouvernement de droite met non seulement en doute l'engagement climatique de la Suède, mais aussi sa sécurité énergétique: les installations prévues auraient pu produire plus de 140 térawattheures d’électricité verte, soit autant que la consommation annuelle de la Suède et l’équivalent de la production d’environ 20 réacteurs nucléaires.
Les critiques sont donc nombreuses, de la part des organisations environnementales, de l'industrie, mais aussi des experts militaires. La décision catégorique soulève des questions sur la manière dont la Suède va réussir le changement énergétique et rester compétitive, a expliqué l'association de l'industrie éolienne. En outre, des milliards d'investissements déjà réalisés seraient perdus. Plusieurs critiques ont fait remarquer que dans d'autres pays du Nord qui misent sans retenue sur l'énergie éolienne, l'armée ne voit aucun problème.
Il existe des solutions, a déclaré Anders Odell, expert à l'Institut de recherche de la défense suédoise. Le Royaume-Uni, le Danemark ou la Pologne ont résolu les problèmes en éloignant les parcs éoliens de la côte ou en installant des capteurs directement sur les turbines. Au Danemark et en Norvège, par exemple, les parcs éoliens en mer sont prioritaires, car ils n'affectent pas le paysage.
L'ancien ministre de la Défense Mikael Odenberg a également déclaré que les difficultés militaires pouvaient être résolues. Selon lui:
D'autres critiques ont souligné le paradoxe selon lequel c'est justement l'attaque de la Russie contre l'Ukraine qui a déclenché la crise énergétique et qu'il est urgent de développer l'énergie éolienne – ce que les pays voisins autour de la mer Baltique ont compris.
L'armée rejette les critiques: dans les projets prévus, il est impossible de trouver des solutions techniques pour améliorer les systèmes radars. Au contraire, a déclaré Mikael Oscarsson, responsable de la politique de sécurité du parti chrétien-démocrate au pouvoir, les éoliennes pourraient ainsi devenir une cible militaire.
Le premier ministre conservateur Ulf Kristersson a déclaré, légèrement contrarié, qu'il était «étonné, voire choqué par les réactions»: les aspects de sécurité en mer Baltique doivent, selon lui, être absolument prioritaires dans la situation actuelle avec la Russie.
Son gouvernement travaille parallèlement à l'extension de l'énergie nucléaire: au cours des 20 prochaines années, dix grands nouveaux réacteurs suédois devraient être mis en service pour garantir la transition énergétique avec de l’électricité d’origine nucléaire.
Traduit et adapté par Noëline Flippe