En novembre 2023, après une dizaine d'années, les constructeurs de parcs éoliens ont pu sabrer le champagne. Après un long parcours à travers les instances juridiques, le Tribunal fédéral a rejeté les recours concernant le parc éolien de Tramelan (BE).
Le groupe BKW s'est mis au travail pour construire son parc éolien dans le Jura bernois. Les six éoliennes doivent fournir environ 27 gigawattheures d'électricité par an, de quoi alimenter 6000 ménages.
Mais d'un point de vue purement technique, les éoliennes pourraient fournir davantage d'électricité. Problème: BKW n'a pas le droit d'installer les turbines les plus modernes. Elle doit s'en tenir au modèle qu'elle a inscrit dans la demande de permis de construire il y a dix ans. Si le groupe électrique souhaite changer d'éolienne, il doit déposer une nouvelle demande de permis de construire et recommencer à zéro.
BKW doit donc construire ses éoliennes avec une technologie dépassée. «C'est un peu absurde», observe le patron de BKW Robert Itschner dans un entretien avec la Schweiz am Wochenende. Mais il veut quand même aller de l'avant:
Même sans turbines dernier cri, le nouveau dispositif apportera une contribution significative à la production d'électricité.
Le cas de Tramelan est emblématique de la lutte contre les éoliennes, qui est particulièrement âpre dans notre pays. A peine les investisseurs réfléchissent-ils à haute voix aux sites possibles que les opposants sont déjà sur place. Résultat: les entreprises électriques suisses partent à l'étranger, et le vent emporte leurs millions de francs.
A ce jour, BKW a installé environ un gigawatt de puissance éolienne au total: un peu dans le Jura bernois, mais nettement plus en Italie, en Allemagne, en France, en Norvège et en Suède. Ensemble, les éoliennes produisent plus de 2,2 térawattheures par an. Cela correspond à près d'un quart de la production annuelle totale d'électricité de BKW, qui s'élève à 9,5 térawattheures.
Les 42 parcs éoliens de l'entreprise sont surveillés depuis une seule salle de contrôle à Troia, une petite ville des Pouilles. De là, les collaborateurs d'Arowya, la filiale de services de BKW, peuvent accéder aux données de chaque éolienne et intervenir si nécessaire.
Si le problème ne peut pas être résolu depuis l'ordinateur, les superviseurs appellent les techniciens sur place, qu'il s'agisse d'une turbine défectueuse dans le parc éolien de Bippen en Basse-Saxe (nord de l'Allemagne), dans le Jura bernois ou à Castellaneta, «seulement» à quelque 200 kilomètres au sud de la salle de contrôle.
Aujourd'hui, BKW possède au total onze parcs éoliens dans le sud de l'Italie, répartis sur les terres agricoles des provinces des Pouilles et de Basilicate. Un douzième devrait bientôt s'y ajouter à Cerignola, dans les Pouilles.
Le groupe électrique suisse s'aventure ainsi en terre inconnue. Pour la première fois, il n'a pas repris un parc éolien déjà achevé à l'étranger, mais «seulement» un projet, muni de toutes les autorisations. La construction débute en novembre et les 29 éoliennes devraient être raccordées au réseau dans un an. BKW rejoint ainsi le groupe des dix plus grands producteurs d'énergie éolienne en Italie.
BKW investit environ 250 millions de francs dans le parc éolien de Cerignola. De l'argent que le producteur d'électricité aurait également voulu investir en Suisse. Robert Itschner explique:
Cerignola n'est qu'une étape supplémentaire dans la stratégie de croissance visée par BKW. Il est prévu d'investir en Suisse, mais aussi et surtout en France, en Allemagne et en Italie. Il n'est pas encore clair quelle est la prochaine étape de BKW. Rien n'est encore fixé, explique Robert Itschner. «Mais nous avons une longue liste de projets possibles», et l'évaluation prend du temps.
BKW n'est pas la seule à se lancer dans l'expansion de l'éolien. «L'expansion est énorme dans le monde entier», affirme Robert Itschner. L'année dernière, la barre des 1000 gigawatts de puissance éolienne installée a été franchie à l'échelle mondiale – soit mille fois plus que ce que produit BKW. La Chine est en tête de liste pour l'énergie éolienne, suivie par les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Inde et l'Espagne.
L'expert justifie également cette croissance «par les énormes progrès techniques» réalisés dans le domaine des éoliennes. La conclusion:
L'énergie éolienne est en plein essor, mais dans notre pays, les politiques préfèrent tourner le regard vers l'énergie solaire – la Suisse ne serait pas un pays éolien. «Ce n'est pas vrai, cette affirmation est dépassée», affirme le patron de BKW. Selon lui, les éoliennes sont aujourd'hui nettement moins chères et surtout nettement plus performantes qu'il y a quelques années. Ou en d'autres termes:
Les experts ont, eux aussi, longtemps sous-estimé le potentiel de l'énergie éolienne en Suisse, ajoute le chef de BKW. Aujourd'hui, selon une étude réalisée à la demande de l'Office fédéral de l'énergie, il est chiffré à environ 30 térawattheures. Cela correspond à trois fois la production annuelle de la centrale nucléaire de Leibstadt.
«La Suisse est un pays de vent», observe Robert Itschner. Et, selon lui, la Suisse a besoin de l'énergie éolienne. «Le consensus est pourtant le suivant: nous voulons produire plus d'électricité pour renforcer notre sécurité d'approvisionnement et ne pas augmenter notre dépendance vis-à-vis de l'étranger. Et nous devrions l'organiser de manière à empiéter le moins possible sur le paysage».
La Suisse n'exploitera jamais pleinement son potentiel éolien, car le pays est trop densément peuplé et de nombreuses couches de la population sont trop réticentes. Pourtant, selon Robert Itschner, l'ensemble du secteur de l'énergie éolienne en Suisse pourrait tout à fait fournir un à deux térawattheures d'électricité en hiver.
La Suisse est loin d'atteindre cette vision. Aujourd'hui, le pays compte 47 éoliennes pour une puissance totale d'environ 100 mégawatts, réparties sur treize parcs. Avec ses seize turbines et une puissance installée de 37 mégawatts, Juvent, le parc éolien de BKW dans le Jura bernois, est de loin le plus grand de Suisse. Il fournit de l'électricité à 15 500 ménages par an. BKW souhaiterait agrandir ce parc de trois éoliennes et a lancé la procédure d'autorisation correspondante.
Et elle souhaiterait bientôt commencer la construction du parc de Tramelan, approuvé par décision fédérale, afin qu'il puisse être mis en service au premier trimestre 2026. Mais une nouvelle difficulté attend la BKW: une colonie d'une espèce rare de chauve-souris, l'oreillard brun, désignée «Animal de l'année» en 2012 par l'organisation de protection de l'environnement Pro Natura.
Pour les protéger, un habitant a déposé une demande de révision d'un jugement de novembre 2023 auprès du Tribunal fédéral – et a obtenu une suspension provisoire. Les juristes veulent examiner si ces chauves-souris constituent un fait nouveau permettant un réexamen de l'affaire. Les rouages juridiques tournent, les éoliennes restent à l'arrêt.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci