C'est devenu une habitude. Depuis plusieurs mois maintenant, certains manifestants anti-mesures Covid n'hésitent plus à comparer les contraintes sanitaires au troisième Reich. Dernier exemple en date? Samedi passé, des opposants au certificat se sont déguisés en déportés juifs lors d'un défilé à Novare, en Italie.
Ce n'est qu'un cas parmi d'autres. Etoiles jaunes en France, appels à «pendre les médecins comme à Nuremberg» à Londres, comparaisons entre vaccination et persécution des Juifs aux Etats-Unis: depuis quelques mois, les références au national-socialisme se multiplient. Et la Suisse n'y échappe pas. Le 18 septembre, lors d'un rassemblement à Winterthour, une pancarte montrant un photomontage d'Alain Berset en Adolf Hitler a été aperçue.
A la fois ponctuels et globaux, ces cas peuvent choquer, mais pas surprendre, selon l'historien Dominique Dirlewanger. «Dans une discussion polarisée, très rapidement on va traiter l'autre de nazi. C'est le fameux point Godwin.»
Mobiliser ces symboles revient donc à «mettre fin à la discussion et à jeter le discrédit sur l'autre», complète l'historien. Ce qui en dit beaucoup sur la contestation anti-mesures Covid actuelle. «Ces mouvements sont en train de se radicaliser, tout comme leurs arguments», analyse Sandro Cattacin, sociologue et professeur à l'Université de Genève. «Nés pour exprimer un mal-être, ils se transforment en une idéologie, c'est-à-dire quelque chose qui empêche le dialogue».
Il s'agit d'un important un défi pour notre système démocratique, estime le sociologue. Et d'ajouter: «Ces mouvements devraient être intégrés dans le processus de prise de décision concernant les mesures sanitaires. Mais au lieu de cela, ils sont marginalisés et, par ce fait, ils se radicalisent».
Pour Dominique Dirlewanger, ces références nazies posent problème. «Comparer les mesures sanitaires et le Troisième Reich est faux et anachronique, car ces deux réalités n'ont rien en commun». Il poursuit:
Et, surtout, ce type de propos peut heurter. «Il y a une forme d'antisémitisme dans cette démarche», confirme Dominique Dirlewanger. «Elle s'exprime par la banalisation de ces symboles, qui, à l'origine, faisaient référence à la volonté d'exterminer un peuple».
Pourtant, tout ne serait pas forcément négatif. «D'un certain point de vue, ces références témoignent du succès de notre système éducatif: visiblement, tout le monde sait toujours que la Deuxième Guerre mondiale était une période sombre», nuance Sandro Cattacin.
Il y a un point à ne pas négliger: l'impact que ces comportements ont sur l'opinion publique et, par conséquent, leur effet marketing. De par leur côté choquant, les rapprochements avec le troisième Reich permettent aux manifestants de faire parler d'eux.
Le sociologue souligne, par ailleurs, que le buzz généré transforme de petites manifestations locales en événements internationaux. Avec malice, il ajoute: «La preuve, c'est que watson en parle».