Forts de leur percée aux dernières élections municipales, l’emportant dans de grandes villes bourgeoises comme Lyon ou Bordeaux, les écologistes français créeront-ils la surprise l’an prochain à la présidentielle? Avec Eric Zemmour, ils sont ces jours-ci au centre de l’actualité; mobilisés par la primaire devant désigner celui ou celle qui représentera Europe Ecologie Les Verts (EELV), leur parti, dans la course à l’Elysée. Ils seront fixés le 28 septembre, au terme du deuxième tour de ce scrutin interne, ouvert cette année à toute personne ayant signé une charte des valeurs écologistes.
Le premier tour, où concouraient cinq candidats, dont deux femmes, a rendu son verdict le 19 septembre. Arrivé en tête avec 27,70% des voix, Yannick Jadot affrontera Sandrine Rousseau, créditée de 25,14% des suffrages. Une opposition de styles, de visions, de sexes. Jadot passe pour un universaliste bon teint. Rousseau ne cache pas son attrait pour la pensée woke prônant la «déconstruction des privilèges de races et de genres», dont jouiraient les hommes blancs hétérosexuels – «moi, par exemple, je vis avec un homme déconstruit et j'en suis très heureuse», a-t-elle déclaré mercredi soir dans un débat l'opposant à Yannick Jadot sur la chaîne LCI.
▶ #PrimaireEcoloLCI : sur les discriminations
— LCI (@LCI) September 22, 2021
🗣️@sandrousseau : "Pour moi, quelqu’un comme Emmanuel #Macron n'a pas déconstruit les discriminations et c'est un problème"
📺Sur #La26 > https://t.co/DdbCWGtLSi cc @Le_Figaro @Loopsidernews pic.twitter.com/bXnKNbxHsK
En observateur pas si lointain, le Neuchâtelois Fabien Fivaz, élu Vert au Conseil national, pose trivialement l’enjeu de la primaire EELV: «C’est simple, les votants ont le choix entre un candidat qui fera 15% au premier tour de la présidentielle et une candidate qui fera 3%».
Fabien Fivaz est un peu trop généreux. Les derniers sondages accordent 6% à Jadot et 2% à Rousseau. Une raclée pour l’un comme pour l’autre.
L’électorat écologiste français semble n’accorder que peu d’importance à ces considérations comptables, centrales pour la plupart des formations politiques. Il avait surpris le grand public en désignant l’incorruptible Eva Joly plutôt que le bankable Nicolas Hulot comme candidate à la présidentielle de 2012. Qui, avec 2,31% des voix au premier tour, avait réalisé un piètre résultat.
Le parti avait-il voulu se rattraper quatre ans plus tard? En 2016, la primaire, qui n’était accessible qu’aux militants, avait sorti de son chapeau le fringant Yannick Jadot, un faux air d’acteur américain. Las, il s’était retiré sans combattre de la course à la présidentielle de 2017, après avoir conclu un accord avec le candidat socialiste Benoît Hamon, 6,35% seulement au premier tour…
Perdu pour perdu (les mauvais sondages), les 122 000 participants à la primaire EELV seront peut-être tentés de voter Rousseau au second tour. Les réserves de voix de Jadot seraient faibles. L’homme avait pourtant cru en un destin national en arrivant troisième, avec 13,47% des voix (enfin un score à deux chiffres pour un écologiste) aux élections européennes de 2013.
Se définissant comme «écoféministe», Sandrine Rousseau a fait rire à ses dépens durant la campagne de cette primaire. A la mort de Jean-Paul Belmondo, elle (ou son community manager) a produit un tweet bizarrement troussé:
"Merci Jean-Pierre Belmondo" : après une double bourde, Sandrine Rousseau devient la risée de Twitterhttps://t.co/NzsHSLtY2v
— Midi Libre (@Midilibre) September 7, 2021
A la Fête de l’huma, à l’origine rencontre annuelle des communistes français, elle s’est affichée avec deux militants indigénistes bien connus, indignant la gauche universaliste:
À la Fête de l'huma, rencontre avec Assa Traoré et @T_Bouhafs, infatigables militants pour la vérité et la justice.
— Sandrine Rousseau 🌻🌊 (@sandrousseau) September 11, 2021
Tout mon soutien dans ces combats. @laveritepradama pic.twitter.com/Mg3IIpP81D
Sandrine Rousseau se sait clivante. Elle assume sa «radicalité», comme ce 20 septembre au micro de France Inter, estimant que le temps, celui qui passe et celui qu’il fait, ne souffre plus les demi-mesures:
.@sandrousseau : "75 % des jeunes sont extrêmement inquiets de l'avenir : aujourd'hui, l'éco-anxiété est majeure dans la société, et à juste titre parce que la situation est grave. La radicalité, c'est une manière de nous protéger nous et nos enfants." #le79inter pic.twitter.com/3USTbDKcqa
— France Inter (@franceinter) September 20, 2021
Le même jour, au micro de la même station, son adversaire Yannick Jadot, un ancien de Greenpeace qui traîne une réputation de social-démocrate, de mou donc, ne souhaitant pas apparaître en reste, a revendiqué à son tour sa radicalité: «J’ai arraché des organismes génétiquement modifiés (OGM)», a-t-il rappelé comme on témoigne d’un fait d’arme:
"La radicalité que je porte, c'est de gagner l'élection présidentielle" : finaliste de la primaire écologiste, Yannick Jadot (@yjadot) était dans #le79Inter pic.twitter.com/rdRuifzS7K
— France Inter (@franceinter) September 20, 2021
La primaire écologiste française divise les Verts romands, ou les laissent indifférents – «Je n’ai pas du tout suivi», confie une conseillère nationale. Si elle devait choisir, la conseillère nationale vaudoise Léonore Porchet donnerait sa voix à Sandrine Rousseau, convaincue par le profil écoféministe de la candidate à la primaire EELV.
Elu Vert au Grand-Conseil genevois depuis 2009, professeur et directeur de recherche en biologie appliquée à l'agronomie (en vue de remplacer les pesticides), François Lefort prend le contrepied de la conseillère nationale vaudoise:
Le vieux débat qui agitait l'écologie allemande entre réalos et fundis dans les années 80, est toujours d'actualité en France. «En Suisse», note Fabien Fivaz, le conseiller national vert neuchâtelois, «ce débat a été en quelque sorte tranché par la création des Verts'libéraux. Si bien que nous, les Verts, sommes débarrassés du dilemme entre croissance et décroissance. Notre camp est davantage celui de la décroissance. Nous sommes à gauche».