Ces derniers jours, un rouge écarlate sature nos écrans: celui des températures qui font exploser les stats sur les plateformes météo. Certaines applications annonçaient jusqu'à 45°C à la mi-juillet. Des valeurs qui semblent donner à l'Europe centrale de furieuses allures de Vallée de la Mort. Le début de l'apocalypse climatique? Un tel scénario, digne du film Seul sur Mars, ne s'est pourtant pas réalisé.
Le baromètre s'emballe, certes, mais flirte-t-il avec l'extrême? Pas encore, grondent certains lecteurs, remontés face à l'alarmisme ambiant.
C'est le service météorologique américain GFS (Global Forecast System) qui a d'abord servi le pronostic brûlant le 2 juillet. Selon le site, une véritable bulle calorifique en provenance du désert devait s'abattre sur l'Europe à la mi-juillet. 50 degrés en Espagne, 45 degrés en Europe centrale, déchantaient les cartes météorologiques. Le problème, c'est que ces valeurs n'ont jamais existé sous nos latitudes.
Un expert en prévisions numériques de kachelmannwetter.com a émis les premiers doutes sur Twitter. Certainement devait-il y avoir une erreur de calcul, tempérait Janek Zimmer. Les jours suivants, - et comme pour lui donner raison -, la cuite prévue n'a pas sévi.
Interrogé par la Aargauerzeitung sur le fossé entre maps et réalité, le météorologue de la SRF Felix Blumer n'a pas eu d'autres réactions qu'un simple haussement d'épaules agacé. Avant de s'expliquer:
C'est que prédire l'avenir climatique est devenu une véritable manne financière, et de plus en plus de fournisseurs privés s'activent sur le marché du nuage. Ces nouveaux scruteurs du ciel souhaitent transférer de manière rentable leurs prévisions sur des milliards de smartphones. Par exemple, Accu Weather est l'une des applications les plus utilisées sur Android, avec plus de 50 millions de téléchargements.
Ce genre d'applications, qui catalysent les simulations météorologiques autour d'un lieu spécifique, n'ont rien à voir avec le véritable travail d'un météorologue, explique Felix Blumer. Dans les applications météo gratuites, ce sont les valeurs maximales d'un seul modèle de calcul qui sont toujours affichées, directement, et de façon non filtrée.
En général, selon le service météo, six à dix modèles de prévision météo sont disponibles, selon le nombre de sous-variantes. Les tendances météorologiques à long terme sont établies par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF) et le Service météorologique américain JRC.
Proposer un modèle de calcul unique, comme le font la majorité des applications gratuites, amène à des résultats maximalistes. C'est précisément ce qui aurait amené le service météorologique américain GFS à dessiner des scenarii apocalyptiques pour la mi-juillet.
Pour Felix Blumer, cette façon de faire n'est pas des plus pertinentes. «Comment peut-on faire un tel tapage alors que les modèles individuels affichent 45 degrés pour un événement sur 14 jours», fulmine le météorologue, qui ne comprend pas l'agitation médiatique.
Dans le cas de ces mystérieux 45 degrés estimés, le GFS aurait mal modélisé l'humidité du sol. Ils auraient tablé sur un zéro pour cent d'humidité du sol. Ce qui est complètement irréaliste, puisque les sols d'Europe centrale et de Suisse ne sont pas (encore) asséchés, dissèque Felix Blumer.
Une telle erreur de modélisation n'est pas rare, en particulier quand le facteur de l'humidité du sol est crucial à l'équation. Ces valeurs, ajoute-t-il , sont plus délicates à récolter que celles des valeurs atmosphériques.
De plus, la fenêtre temporelle compte. Une prévision comprise entre 8 et 16 jours sera plus nébuleuse. Quand il s'agit de probabilités sur un plus long terme, seuls le GFS et le modèle ECMWF sont généralement utilisés. «Pour le dire franchement, il y a un taux de réussite de 50%», soupire le météorologue de la SRF.
En plus des modèles principaux, les météorologues calculent également avec des ensembles. Le modèle est calculé plusieurs fois, et prend en compte des modifications marginales. Si les parcours individuels de l'ensemble diffèrent peu les uns des autres, le pronostic sera relativement fiable. Si les vignettes sont très différentes, le pronostic est moins fiable. CQFD.
Prenons l'exemple donné sur le site de MétéoSuisse:
Les différences entre les diverses vignettes permettent d'estimer la fiabilité des prévisions: plus les prévisions sont similaires, plus elles sont fiables.
«C'est dans la nature des choses; la fiabilité diminue dans le cas d'une prévision orientée sur un plus long terme», résume Felix Blumer.
Enfin, les conditions météorologiques peuvent amener les modèles à se contredire complètement les uns les autres après seulement quatre à cinq jours.
En résumé, si vous souhaitez savoir si votre soirée barbecue du mois d'août sera arrosée de succès et non de pluie, il est inutile de s'en remettre complètement à la sentence des cartes météo ou autres applications. En réalité, comme le soulignent les experts, les prévisions météorologiques classiques ne sont fiables que jusqu'à cinq jours. Les informations jusqu'à dix jours ne sont que des déclarations de tendance.
C'est pourquoi les prévisions sur trois mois comme celles d'AccuWeather sont absurdes. Et c'est pourquoi les applications d'institutions classiques telles que Meteo Schweiz et SRF Meteo n'affichent pas de prévisions à long terme, mais seulement pour les cinq prochains jours.
(traduit de l'allemand par jod/ aargauerzeitung.ch)