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Exécutées pour «prostitution»: le nouveau pouvoir syrien embarrassé

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Exécutées pour «prostitution»: le nouveau pouvoir syrien face à son passé

Deux vidéos datant de 2015 montre un homme, qui serait l'actuel ministre syrien de la Justice, énoncer les sentences de mort de deux femmes pour «prostitution». La découverte de ces exactions tombe mal, alors que le nouveau régime islamiste souhaite rassurer l'Occident.
05.01.2025, 15:2606.01.2025, 17:08
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Deux vidéos apparues samedi sur les réseaux sociaux, notamment sur X, montrent les exécutions, dans la rue, d’une balle dans la nuque, de deux femmes accusées de «corruption et de prostitution». Les faits se sont produits en 2015 dans la province d’Idlib, alors tenue par le Front Al-Nosra, alias Al-Qaïda en Syrie, qui allait devenir l’année suivante HTS, Hayat Tahrir al-Sham, l’actuel nom des islamistes radicaux qui ont renversé le régime de Bachar Al-Assad.

Ces images choquantes pourraient compliquer les affaires du pouvoir de transition en Syrie, dont le ministre de la Justice, Shadi Al-Waisi, n’est autre, apparemment, que celui qui énonce les sentences de mort des deux femmes.

Confirmation par un site de fact-checking

Le site de fact-checking Verify-sy.com confirme sur son compte X que la personne se tenant à côté des deux femmes au moment de leur exécution est bien Shadi Al-Waisi, réputé pour son interprétation rigoriste de la charia.

Une information également confirmée par le journaliste de la chaîne France 24 et spécialiste du djihadisme Wassim Nasr, qui a rencontré le 17 décembre à Damas avec d'autres journalistes étrangers le nouvel homme fort de la Syrie, Ahmed Al-Chareh, connu jusque-là sous son nom de guerre Abou Mohamed Al-Joulani:

Les images, où les personnes mises à mort ne sont même pas des combattants ennemis, mais des femmes coupables du «péché de chair», ont quelque chose d’accablant pour le nouveau pouvoir.

«Conformément aux lois en vigueur à l'époque»

Aussi ce dernier tient-il à contextualiser ces exécutions, qui remontent à neuf ans. Contacté par le site Verify-sy, un membre «haut placé» de la nouvelle administration a fait cette déclaration sous couvert d’anonymat. Nous la reproduisons intégralement:

«Le contenu de la vidéo qui nous a été présentée documente l'application de la loi à un moment et dans un lieu précis, où les procédures ont été menées conformément aux lois en vigueur à l'époque et dans le cadre d'un accord de procédure. Toutefois, nous tenons à souligner que ce processus reflète une étape que nous avons dépassée, à la lumière des transformations juridiques et procédurales actuelles, ce qui rend inappropriée sa généralisation ou son utilisation pour décrire l'étape actuelle, compte tenu des circonstances et des références différentes.»
«Nous réaffirmons notre ferme attachement, sur le plan juridique et procédural, aux nouvelles règles et aux principes convenus par les Syriens, qui garantissent la justice et l'État de droit. Dans le contexte d'une rupture avec cette étape, et avec notre engagement en faveur de la transparence et de la crédibilité, nous annonçons que toutes les actions juridiques entreprises au cours de cette période feront l'objet d'un examen approfondi afin de garantir la validité des jugements et leur conformité avec les normes de justice et d'équité.»
«Nous sommes tout à fait prêts à assumer l'entière responsabilité d'une manière qui assure l'établissement de la justice, renforce le climat d'équité et garantit l'État de droit en tant que pierre angulaire fondamentale d'un État moderne qui répond aux aspirations de tous les Syriens.»

En résumé, ce membre important du nouveau pouvoir assure que ce qui était juridiquement en vigueur il y a neuf ans dans un contexte particulier ne l'est plus aujourd'hui. Il n'exclut pas que certains jugements rendus alors fassent l'objet d'un examen critique.

«Les Syriens veulent un pouvoir fort»

La divulgation des images de ces exécutions de femmes suit de quelques heures, celles, tout à fait publiques, où l'on voit le nouveau dirigeant de la Syrie, Ahmed Al-Chareh, refuser de serrer la main de la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, en déplacement vendredi à Damas avec son homologue français Jean-Noël Barrot – les islamistes ne serrent pas la main des femmes.

Explications d'un spécialiste de la Syrie souhaitant garder l’anonymat:

«Ces images choquent en Occident, mais, en Syrie, la population n’aspire qu’à une chose: la paix et la stabilité. Cela veut dire un pouvoir avec une main de fer. Les gens ne veulent pas revivre le chaos, la guerre civile, les pillages. Pour la majorité d’entre eux, mieux vaut avoir Ahmed Al-Chareh pour chef qu’un démocrate à l’occidental qui ne parviendrait pas à tenir le pays.»
Un spécialiste de la Syrie

Un discours pour la Syrie, un autre pour l'Occident

Selon ce spécialiste, Ahmed Al-Chareh «serait conseillé par un cabinet de communication anglais». «Il y a un discours destiné à l’intérieur du pays et un autre destiné à rassurer les Occidentaux sur les intentions du nouveau régime issu des rangs islamistes. Les ministres des affaires étrangères français et allemand le savent bien, qui doivent composer avec leur opinion publique.»

A ce propos, la ministre allemande Annalena Baerbock déclarait après sa rencontre avec Ahmed Al-Chareh:

«En tant qu'Européens, nous ne voulons pas être les bailleurs de fonds d'une islamisation»
Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères

Le «problème», pour la réputation à l'international du nouveau pouvoir syrien, c’est que d’autres vidéos, semblables à celles des exécutions des deux femmes en 2015 dans la province d’Idlib, risquent de remonter à la surface, à l'initiative de pays ou groupes ayant intérêt à mettre HTS en difficulté.

Notre source, spécialiste de la Syrie, l'affirme:

«Ce ne sont pas les exactions commises par le Front Al-Nosra dans la région d’Idlib, puis par HTS, au moins jusqu’en 2018, qui manquent»

La politique ayant horreur du vide, le renversement de la dictature de Bachar Al-Assad s’accompagne d’une prise en main idéologique de la Syrie. Les livres scolaires sont actuellement retouchés pour les rendre conformes à la vision islamiste. Le passé pré-islamique de la Syrie n'est ainsi plus mentionné.

Chrétiens et juifs, les «égarés»

Le site de TV5 Monde rapporte qu’une modification en particulier fait l’objet de vives critiques. Il s’agit du verset du Coran traitant dans les manuels d'histoire religieuse de «ceux qui ont provoqué la colère de Dieu». Ce verset a subi une réinterprétation, pointant du doigt la responsabilité des communautés juives et chrétiennes, protégées en terre islamique mais inférieures aux musulmans dans l'ordre hiérarchique. Ces communautés sont à présent jugées comme «égarées», car n'ayant pas fait leur le message de Mahomet. Cette modification, qui rend compte, là encore, d'un point de vue islamiste, sera-t-elle maintenue?

- Le sauvetage de Noë Dussenne devant Ilyas Chouaref
Video: extern / rest
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