Personne ne l'avait vu venir. En à peine une dizaine de jours, la coalition rebelle menée par les islamistes radicaux de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) est parvenue à s'emparer des principales villes syriennes. Au cours de leur offensive fulgurante, lancée le 27 novembre dernier, les rebelles ont conquis Alep, Hama et Homs. Puis, dans la nuit du 7 au 8 décembre, ils sont entrés dans Damas, désormais «libérée». Le président Bachar al-Assad s'est enfui.
Pourtant, ce samedi encore, les forces armées syriennes avaient annoncé avoir «renforcé» les lignes de défense autour de la capitale. Mohammed al-Rahmoun, le ministre syrien de l'intérieur, avait évoqué un «cordon de sécurité très solide que personne ne pouvait le briser».
Les faits lui ont donné tort. Des unités de l'armée syrienne ont abandonné leurs positions à la périphérie de Damas dans la nuit de samedi à dimanche, fuyant l'avancée des rebelles. Un scénario qui s'était déjà produit quelques jours plus tôt, rappelle Libération, lorsque les forces loyalistes avaient abandonné Rastan, Talbiseh et Deir el-Zor sans se battre.
Comment expliquer cette débâcle? «L'armée syrienne n'a jamais été très efficace», résume auprès du Telegraph le spécialiste britannique Hamish de Bretton Gordon. Ces dernières années, elle a pu bénéficier de l'aide de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah libanais. Mais ces trois alliés sont actuellement occupés ailleurs - en Ukraine et dans la guerre contre Israël.
D'autres experts cités par le quotidien britannique décrivent une armée «de style soviétique» qui connaît d'énormes problèmes d'approvisionnement et de logistique.
Ces soldats, parfois sans expérience, se sont retrouvés face à un adversaire très bien préparé. Les rebelles qui se battent aujourd'hui sont très différents de ceux que le régime a combattus auparavant. Ils disposent d'officiers, de forces spéciales, d'unités de drones et de commandos de nuit, rappelle le Telegraph. Cela semble avoir mis l'armée syrienne en état de choc.
Autre problème: la corruption. «L'armée syrienne est gouvernée par la peur et la terreur», estime Hamish de Bretton Gordon.
Hafez al-Assad, le père de Bachar, avait fait la même chose, ce qui avait conduit à une situation où les alaouites étaient surreprésentés parmi les officiers. Cela a induit un manque de loyauté, retrace Libération, qui s’est traduit durant les premières années de la révolution par des défections massives, notamment de la part de soldats sunnites.
A cela s'ajoute un problème très concret: les soldats syriens sont extrêmement mal payés. Ils reçoivent des salaires d’une vingtaine de dollars par mois, rappelle la chercheuse Agnès Favier auprès de Libération.
Cette situation a eu un impact sur le moral des troupes. Dans les heures qui ont précédé la chute de Damas, les soldats paraissaient de plus en plus démoralisés, selon Libération. «Comment pourraient-ils être motivés pour défendre un régime qui les a affamés?», commente Agnès Favier.
Les autorités semblaient conscientes du problème. En effet, face à la débâcle de son armée, Bachar al-Assad avait annoncé cette semaine qu'il allait augmenter les salaires des soldats de 50%. Une réaction qui s'est révélée bien trop tardive. (asi)