Notre homme est imposant. Sa carrure, bien sûr. Sa dégaine, aussi. Sorte de hippie de la tech, chemise ouverte, baskets qu'on refuse en boîte de nuit et tignasse de prophète fécondé à Coachella. Depuis dix ans, Oussama Ammar incarne pourtant ce Steve Jobs béret-baguette que la France n'attendait plus.
Il y a sa faconde, surtout. Celle qui l'a rendu riche et célèbre. Oussama Ammar, 35 ans, est un beau parleur franco-libanais typique de la nouvelle génération. Le bagou du vendeur de tapis, mais sans camelote à fourguer si ce n'est ses succès et formules précuites.
Vous voyez Mike Horn? C'est kif-kif. Certes, sans engelure au bout des doigts, mais avec ce magnétisme qui permet de dégorger (à prix d'or) des anecdotes à coucher dehors. Cocasse pour un type qui s'est toujours couché avec son MacBook et se réveille avant le soleil.
L'homme raconte avoir créé sa première boîte à 13 ans. Une société de développement de sites internet, enregistrée en Uruguay, «un pays où la législation autorisait un mineur à avoir une entreprise». Il faut dire qu'Oussama a tout fait comme ceux dont on découvre soudain le tableau de chasse fastueux dans des documentaires. Passage par San Francisco, des idées qui ne décollent pas, quelques magouilles inoffensives, un premier million levé avec le petit doigt, premier gros plantage de boîte en 2010 avec «de nombreuses dépenses à caractère personnel effectuées par le président fondateur».
Mais, toujours, avec ce talent pour s'attirer la confiance:
Avec The Family, un incubateur de start-up qu'il a cofondé avec deux potes en 2013, ce nounours visionnaire s'est très vite mué en gourou XXL et ses triomphes sont devenus paroles d'évangile. Car c'est un fait: des dizaines de proto-Musk parisiens ont pu fièrement bomber le torse grâce à son pognon et à ses talents de Cupidon de l'économie numérique.
Forcément, quand on lève des fonds aussi facilement que Schwarzie de la fonte, un jour, il y a consécration. En 2015, Emmanuel Macron, petit président en gestation et VRP de la «start-up nation», s'est empressé de s'afficher avec cette poule pondeuse de talents made in France.
Oh, ne faites pas genre. Bien sûr que vous connaissez Oussama Ammar. Peut-être pas son nom ou les mille et un épisodes de sa sinueuse carrière de golden geek. Mais tout le monde s'est au moins une fois cassé le nez sur l'une de ses vidéos. Cette manière bien à lui de se vautrer sur un canapé, pour postillonner dans un micro des astuces de self-made man, a grandement participé à son succès. En gros, lève-toi et marche, aime-toi toi-même, pense out the box et gobe des graines au p'tit-déj. Tant qu'il y a du wifi, namasté.
THREAD DES PLUS GROS MENSONGES ET PERLES DE SAGESSES DÉLIVRÉS PAR OUSSAMA AMMAR!
— Ashitaka (@snxxgmada15iv) February 13, 2023
1- Le boulanger Milliardaire 🥖 pic.twitter.com/uuFSDOYUgR
A l'écouter, sa vie ne ressemble à aucune autre. Quand la plupart d'entre nous matent un navet sur Netflix ou emmènent le petit dernier à la gym, Oussama gagne au poker contre le boss des Yakuzas ou se fait piquer son passeport par «les Colombiens». La vérité si je mens, frère!
Depuis quelques jours, ses nombreux récits personnels refont surface, mais en buvant la tasse. Dix ans après avoir réussi à trimballer les secrets de la Silicon Valley jusqu'au pied de la tour Eiffel, ce gamin de Beyrouth, sans diplôme ni fausse modestie, est moqué sur les réseaux sociaux. On le dit mythomane, manipulateur, affabulateur, attention whore. Et les parodies pleuvent. Bad buzz ou énième notoriété, question de point de vue.
Oussama Amar le vars qui a rencontré XDL au Japon dans une grotte. pic.twitter.com/6wCdr00PgK
— Nowhere (@pither_yoann) February 26, 2023
En vrai, ce n'est pas le plus important. Le business angel est récemment tombé violemment de son nuage pour se recycler à Dubaï et dans les cryptomonnaies. Il dit avoir quitté «la famille», ses anciens associés affirment l'avoir limogé. L'affaire est multiple, complexe, profonde. Surtout quand une formidable histoire d'amitié se termine en combat judiciaire à plusieurs millions. Ce n'est pas la première fois qu'il se retrouve dans la mouise, mais la dernière bourde évoquait cinq mille euros. Une paille.
Depuis deux ans, Alice Zagury et Nicolas Colin, ses deux ex-associés, sont intarissables sur les agissements d'Oussama et comptent bien lui faire bouffer du gravier. Cette fois, c'est du sérieux: une poignée de tribunaux se penchent actuellement sur son cas, de Londres à Paris, en passant par les Îles Caïman. On lui reproche notamment d'avoir piqué 4,5 millions d'euros aux investisseurs de la société The Family. Les deux associés parlent d'un détournement qui aurait servi à payer les rénovations d'une jolie bicoque en Normandie, digne de Robin des Bois.
S'il n'a certainement pas volé aux riches pour donner aux pauvres, l'avenir (enfin, surtout la justice) dira ce qu'il a véritablement fomenté et s'il «finira en prison», comme il l'exprimait il y a quelques mois à Vanity Fair.
Aujourd'hui encore, dans l'attente d'être entendu, le bonhomme facture 300 euros la demi-heure son lot d'anecdotes et de conseils personnalisés en entreprise. Et puis, mardi dernier, il a commencé à publier des vidéos parodiant les parodies dont il est l'objet. Bon joueur ou éternel beau parleur?