En Espagne, que ce soient des cuisiniers, des barmans ou des plongeurs, parmi les restaurants et les cafés de la ville, nombreux sont ceux qui peinent à recruter.
En temps normal, jamais Pablo Gonzalez n'aurait pensé baisser le rideau de sa brasserie en plein été. Mais cette année, le voilà résigné: faute de personnel, il fermera son restaurant un jour par semaine jusqu'à la fin de la saison:
Dans son établissement, qui assure au quotidien 120 couverts, deux serveurs manquent à l'appel sur un total de seize employés:
«L'été s'annonce très bon» en termes de fréquentation mais «le manque de saisonniers pose vraiment problème», résume Alex Fratini en observant le défilé des touristes sur la terrasse de son café, l'un des huit établissements qu'il possède à Benidorm:
Pour Diego Salinas, gérant de l'Association des bars, restaurants et cafétérias de Benidorm (Abreca) qui évalue à 1200 les postes non pourvus, «plusieurs facteurs» expliquent cette situation.
Parmi ces facteurs: les contraintes horaires du secteur touristique, le manque de formation et le contrecoup de la pandémie:
Une situation aggravée par la pression immobilière. Les logements libérés ont été convertis en appartements touristiques, avec des loyers plus élevés.
«Pour les salariés, il est devenu très compliqué de se loger», insiste le responsable de l'Abreca.
Des Baléares à la Costa Brava, l'ensemble de l'Espagne touristique est concerné par cette désaffection, qui touche plusieurs autres pays européens.
Selon les organisations patronales, 50 000 postes seraient ainsi vacants outre-Pyrénées. Un paradoxe au vu du taux de chômage du pays (13,65%), parmi les plus élevés de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Le problème est «généralisé» et ne pourra être résolu que via «des réformes importantes», estime Emilio Gallego, secrétaire général de l'organisation patronale Hosteleria de Espana, qui plaide pour «un plan d'urgence».
Conscient du problème, le gouvernement de gauche de Pedro Sanchez a annoncé début juin un assouplissement des règles d'accueil des travailleurs étrangers. Mais l'exécutif, par la voix de la ministre du Travail Yolanda Diaz, a aussi invité le secteur à plus d'efforts sur les salaires.
Un message qui agace certains restaurateurs à Benidorm, où une hausse de 4,5% vient d'être actée avec les syndicats.
«Quand il n'y a personne, il n'y a personne», abonde Angela Cabanas, qui raconte avoir proposé «jusqu'à 2000 euros par mois» (à peine plus en francs) afin de trouver un saisonnier pour la cuisine de son établissement.
De guerre lasse, cette restauratrice a décidé de n'ouvrir que le bar cet été. «C'est une décision drastique mais je n'ai pas le choix», lâche-t-elle, se disant «découragée». (ats/jch)