C'est un jour de joie pour l'Ukraine: lors de la réunion des 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE jeudi à Bruxelles, le statut de candidat à l'adhésion à l'UE a été accordé au pays. Dans la foulée, la République de Moldavie a également obtenu le statut de candidat.
Sur Twitter, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont célébré cette étape en la qualifiant «d'historique».
Sincerely commend EU leaders’ decision at #EUCO to grant 🇺🇦 a candidate status. It’s a unique and historical moment in 🇺🇦-🇪🇺 relations. Grateful to @CharlesMichel, @vonderleyen and EU leaders for support. Ukraine’s future is within the EU. #EmbraceUkraine https://t.co/o6dJVmTQrn
— Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) June 23, 2022
La réaction de von der Leyen:
Today is a good day for Europe.
— Ursula von der Leyen (@vonderleyen) June 23, 2022
Congratulations to President @ZelenskyyUA President @Sandumaiamd and Prime Minister @GharibashviliGe
Your countries are part of our European family.
And today’s historic decision by Leaders confirms that. pic.twitter.com/lAkv8Bq5fs
Mais cela n'est que le début d'un long processus et on ne sait pas quand les premiers chapitres des négociations d'adhésion pourront être ouverts. En effet, l'Ukraine doit d'abord mettre en place des réformes dans les domaines de l'Etat de droit et de la corruption. Ensuite, il faudra encore une décision unanime des chefs d'Etat et de gouvernement pour que les choses puissent vraiment commencer.
Deux exemples montrent combien de temps cela peut durer: cela fait 17 ans que la Macédoine du Nord est candidate à l'adhésion et attend le début des négociations. De son côté, l'Albanie patiente depuis huit ans. Ces deux pays se font sans cesse remettre à plus tard par les dirigeants européens.
Une des raisons pour cette lenteur est que le processus d'adhésion est volontiers instrumentalisé à des fins de politique intérieure: parfois, il n'est pas politiquement opportun de laisser les pays des Balkans occidentaux se rapprocher de la Communauté européenne, comme après le Brexit. Parfois, c'est la Grèce qui bloque à cause de la controverse sur le nom de la région natale d'Alexandre le Grand.
Et maintenant, c'est la Bulgarie qui se cabre et exige que les Macédoniens admettent que leur langue est un simple dialecte du bulgare.
Toutes les tentatives de parvenir à un compromis de dernière minute ont échoué. Le dernier échec a été la chute du gouvernement bulgare sous la direction du Premier ministre progressiste Kiril Petkov mercredi soir au Parlement de Sofia. Une des raisons de la déroute est l'intention exprimée auparavant de contribuer à une solution dans le litige sur la Macédoine du Nord.
Le Premier ministre albanais Edi Rama n'a pas mâché ses mots: «Quelle honte pour l'Europe», a-t-il déclaré en marge du sommet, avant d'ajouter, frustré:
Il faut se représenter la situation: la Bulgarie, un pays de l'Otan, tient en otage deux autres pays de l'Otan (l'Albanie et la Macédoine du Nord) et les 26 autres Etats de l'UE ne font rien, si ce n'est observer passivement avec leur «impuissance», a déclaré Rama. Après la pandémie, même la guerre sanglante en Ukraine n'a pas pu amener les Européens à s'unir.
Son homologue de la Macédoine du Nord, Dimitar Kovacevski, a exprimé le même point de vue, quoique de manière plus diplomatique: «Ce qui se passe ici est un problème grave et une grande atteinte à crédibilité de l'Union européenne».
Les dirigeants de l'UE doivent en effet se voir reprocher d'échouer dans leur deuxième chantier géopolitique dans les Balkans occidentaux. Et ce depuis des années. D'une part, ils ne parviennent pas à ouvrir les négociations d'adhésion tant attendues avec l'Albanie et la Macédoine du Nord. D'autre part, le Kosovo attend également la liberté de visa promise depuis longtemps. Et ceci malgré le fait que Pristina a depuis longtemps satisfait tous les critères nécessaires. De plus, la Bosnie-Herzégovine, qui face à des tentatives de déstabilisation de la part de la Russie, n'a même pas encore le statut de candidat d'adhésion.
Personne ne se risque à le dire publiquement de cette manière, mais le sentiment dans les Balkans d'être négligés par l'UE, alors que l'Ukraine bénéficie d'un traitement de faveur, est clairement perceptible. Edi Rama a par ailleurs mis en garde les Ukrainiens de «ne pas se faire trop d'illusions».
Il ne faut pourtant pas imaginer qu'il n'y a pas de problèmes dans les Balkans occidentaux qui entravent le processus d'adhésion. La Serbie, par exemple, qui négocie son adhésion avec Bruxelles depuis 2014, a considérablement reculé ces dernières années en matière d'Etat de droit et de liberté des médias sous la présidence d'Alexander Vucic. En outre, la diplomatie de va-et-vient de Vucic entre Moscou et l'UE et la non-application des sanctions à l'encontre de la Russie suscitent de nombreuses inquiétudes parmi les Etats membres de l'UE.
De son côté, Vucic ne se laisse pas vraiment impressionner par les critiques. Interrogé sur la lenteur du processus d'adhésion et la rapidité des progrès de l'Ukraine, il a simplement déclaré jeudi aux journalistes à Bruxelles: «Nous nous respectons plus que les autres».
Traduit de l'allemand par Léa Krejci