A Kiev, Antony Blinken n'a pas seulement évoqué de la livraison d'armes à l'Ukraine attaquée par la Russie. Le secrétaire d'Etat américain a également fait preuve d'un talent musical, qu'il n'a jamais caché, en se transformant en rock star. Mardi soir, l'homme de 62 ans est monté sur scène dans un bar de la capitale.
Le groupe a ensuite commencé à jouer Rockin' in the Free World de Neil Young. Et c'est bien le diplomate proche de Biden qui a empoigné la guitare pour interpréter ce tube sorti en 1989. Sans oublier de donner de la voix, au moment du refrain.
La passion de Blinken pour le rock'n'roll n'est plus un secret pour personne. Il n'est pas rare que le secrétaire d'Etat américain prenne sa guitare et chauffe son public avec un bon coup de rock ou de blues. Même lors d'événements officiels, comme la «Global Music Diplomacy Initiative» au Département d'Etat américain, où il a interprété, accompagné d'un groupe, Hoochie Coochie Man de Muddy Waters en septembre 2023. Une performance remarquée par le leader des Foo-Fighters et batteur de Nirvana, Dave Grohl, qui était également présent.
Ladies and Gentlemen: Cleanse the GOP Debate from your timeline with Secretary Anthony Blinken playing AND SINGING "Hoochie Coochie Man."
— BrooklynDad_Defiant!☮️ (@mmpadellan) September 28, 2023
Who knew the guy ROCKS? 🤯pic.twitter.com/qkqd0LISRu
Blinken ne se mesure donc pas exactement aux pires dans le business de la musique. Tout comme ce diplomate de haut niveau se confronte de par sa profession aux plus grands dirigeants de la politique mondiale - ou du moins à ceux qui se considèrent comme tels. Le fait que cet homme de 62 ans possède une grande sensibilité à la guitare et une voix de baryton n'est pas forcément un désavantage, dans ses nombreuses missions de paix dans le monde. Comme il l'a démontré à Kiev, mardi.
Blinken y est arrivé cette semaine pour une visite surprise, a parlé entre autres avec le général ukrainien et le président Zelensky de la situation actuelle dans le pays et a assuré le soutien des Etats-Unis. Le médiateur en chef du président Biden a également annoncé des mesures sévères à l'encontre de la Russie, le régime de Poutine devant notamment payer pour les destructions causées en Ukraine par deux années de guerre. Ce que le Poutine a «détruit, la Russie devrait - doit - le payer pour le reconstruire», a déclaré Blinken dans un discours prononcé lors de sa visite mardi.
Quand il utilise la musique pour faire passer un message, on est clairement dans le soft power. Et les morceaux qu'il interprète ne sont jamais choisis au hasard: le tube de Neil Young est né en 1989, dans le contexte de la guerre froide.
Lorsque Young a appris, en février de cette année-là, qu'une tournée de concerts prévue dans ce qui était alors l'Union soviétique n'aurait pas lieu, son guitariste Frank Sampedro a commenté sèchement: «Alors, nous devons continuer à faire du rock dans le monde libre» («we'll have to keep on rockin' in the free world»).
Young a profité de la citation de son guitariste pour écrire la chanson dans laquelle il critique non seulement le gouvernement américain de l'époque, sous George H. Bush, mais le régime iranien des ayatollahs. Des thèmes qui ne pourraient pas être plus actuels.
Ce n'est donc pas un hasard si Blinken interprète justement cette chanson à Kiev. Le secrétaire d'Etat américain représente un multilatéralisme guidé par des valeurs. Il incarne ainsi le contre-modèle de la politique étrangère isolationniste menée par l'ex-président Donald Trump et sa stratégie «America First». Les observateurs le décrivent comme un négociateur dur à voix douce. Pourtant, la politique n'est pas sa première passion, comme il l'a admis par le passé dans une interview avec le magazine Rolling Stone.
La musique est «le fil conducteur de ma vie». Lorsqu'il a entendu un jour ses parents jouer A Hard Day's Night des Beatles à la maison, il a été contaminé par le virus de la musique. Pendant ses études universitaires, il s'est fait critique musical, a commenté entre autres les œuvres d'un certain M. Zimmerman, alias Bob Dylan, et a lui-même appris à jouer de la guitare («Je suis certes gaucher, mais je ne suis pas non plus Jimi Hendrix»). Les plus grands guitaristes sont devenus ses idoles. Il a ainsi assisté 75 fois à des concerts d'Eric Clapton.
Blinken a également raconté à Rolling Stone qu'il avait assisté une fois, jeune homme, à un concert de la légende du blues B.B. King. Au premier rang. Et comme il pouvait chanter toutes les paroles, King est venu le voir après le concert et lui a offert son médiator. Un secrétaire d'Etat américain qui, pendant son temps libre, se fait passer pour une groupie rock'n'roll, ça reste tout de même assez inhabituel.
Entre 2018 et 2020, alors que l'administration Trump définissait la politique étrangère américaine, Blinken n'avait pas de fonction gouvernementale, et donc probablement plus de temps libre que d'habitude. Il en a donc profité pour enregistrer des chansons rock, qu'il avait lui-même composées, avant de les publier sur Spotify. On peut encore les trouver aujourd'hui et certaines d'entre elles ont été écoutées plusieurs centaines de milliers de fois.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)