La Confédération doit se serrer la ceinture. Le gouvernement a donc ficelé un «train de mesures d'allègement», grâce auquel il entend plafonner les dépenses à 3,6 milliards à partir de 2027. Il veut en parallèle générer des recettes supplémentaires - notamment en imposant davantage les retraits de capitaux des 2e et 3e piliers. Car il estime que la fiscalité actuelle avantage les personnes qui perçoivent un capital plutôt qu'une rente.
L'annonce a provoqué un tollé, mais le Conseil fédéral est resté ferme. Quitte à se mettre à dos la majeure partie de la population active. Car selon les chiffres de la faîtière des assureurs, 60% des nouveaux retraités perçoivent «entièrement» ou «partiellement» leur prestation de vieillesse sous forme de capital.
Et ce pour des raisons très diverses: pour financer des biens immobiliers ou amortir des hypothèques, par manque d'héritiers ou en vue d'un retour au pays d'origine. Certaines personnes misent par ailleurs sur une espérance de vie raccourcie. D'autres, incitées par leurs conseillers bancaires et de prévoyance, s'imaginent des avantages fiscaux ou financiers.
Le Conseil fédéral s'attend à ce que la mesure engendre 160 millions de recettes par an. Une hypothèse dont l'Association Suisse d'Assurances doute fortement. C'est ce qui ressort de sa réponse à la consultation, dont CH Media, éditeur de watson, a obtenu copie. L'organisme se demande au contraire si, «à moyen terme», les collectivités publiques, et notamment les communes et les cantons, ne seraient pas davantage mises à contribution.
Voici ses arguments: si épargner individuellement devient moins attrayant sur le plan de la fiscalité, la population consommera davantage et ne cherchera plus à économiser. Cela entraînera alors une charge plus importante pour les filets de sécurité de l'Etat. Surtout que la prévoyance individuelle couvre également des risques tels que l'invalidité ou l'incapacité de travail.
Mais la réforme fiscale pourrait avoir de toutes autres conséquences, ajoute l'association:
En effet, la menace d'une augmentation d'impôts devrait notamment inciter les personnes avec un capital important à prendre leur retraite avant le changement de système, et donc quelques années plus tôt.
Dans sa réponse à la consultation, la faîtière constate ainsi que la collectivité aurait doublement à y perdre. Premièrement, les «impôts volontairement plus élevés pour le capital-vieillesse» seraient supprimés et, deuxièmement, ceux sur le revenu des personnes qui prennent une retraite anticipée disparaîtraient également.
Au vu de l'évolution démographique, une vague de départs anticipés ne tomberait pas vraiment à pic. Elle pourrait aggraver la pénurie de main-d'œuvre qualifiée dont on parle tant. Celle-ci devrait de toute façon s'accentuer avec les baby-boomers qui quittent peu à peu le marché du travail. Le plus dur reste à venir: la classe d'âge la plus nombreuse en Suisse, celle de 1964, ne prendra sa retraite en bonne et due forme qu'en 2029. «C'est un grand défi pour l'économie locale», déclarait Boris Zürcher, ancien cadre à la Confédération, dans une interview accordée à CH Media il y a environ deux ans. Il ajoutait:
La consultation sur ces mesures d'allègement et cette réforme des 2e et 3e piliers se termine lundi. L'Association Suisse d'Assurances ne devrait pas être la seule à émettre des réserves.
Adaptation française par Valentine Zenker