La tête baissée, les trois hommes au crâne rasé sont assis derrière les barreaux d'une salle d'audience. Ils sont gardés par des miliciens de la «République populaire de Donetsk», non reconnue par la communauté internationale, dans l'est de l'Ukraine. Les images de Brahim Saadoun, un Marocain de 21 ans, et des deux Britanniques Aiden Aslin (28 ans) et Shaun Pinner (48 ans) ont fait le tour du monde.
Leur martyre lie ces trois hommes d'origines différentes: ils ont tous été condamnés à mort début juin dans le cadre d'une procédure judiciaire controversée pour de prétendues «activités de mercenaires» ainsi que pour «terrorisme», car ils ont combattu aux côtés des troupes ukrainiennes face à la Russie.
Denis Pouchiline, chef séparatiste de la «République populaire de Donetsk», a levé mardi par le biais d'un décret le moratoire sur la peine de mort afin de pouvoir exécuter les trois combattants étrangers. En Russie, les trois combattants ne pourraient, toutefois, pas être exécutés. Le pays avait introduit un moratoire en adhérant à la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit la peine de mort.
Mercredi, les trois prisonniers ont fait appel de leur jugement. Si le tribunal de la «République populaire de Donetsk» estime que la peine est légitime, la sentence sera alors exécutée. Selon Pouchiline, les deux Britanniques et le Marocain seraient alors exécutés à huis clos. Auparavant, l'avocate de l'un des hommes avait déjà fait état de l'appel de son client.
L'Ukraine, le Royaume-Uni et l'ONU ont vivement critiqué la condamnation à mort et ont parlé de prisonniers de guerre qui auraient droit à une protection et à un traitement conformément aux Conventions de Genève. Car ils faisaient partie des forces armées ukrainiennes officielles – et non des mercenaires. C'est pourtant comme ces derniers que les trois détenus sont traités, car les mercenaires n'ont pas droit à une protection selon le droit international.
We condemn recent imposition of #deathpenalty by so-called ‘supreme court’ of Russian-affiliated armed group in #Donetsk on 3 foreigners for their participation in hostilities against Russian armed forces & affiliated armed groups. 👉More https://t.co/rilDTQA9yY
— UNHumanRightsUkraine (@UNHumanRightsUA) June 11, 2022
La condamnation à mort constituerait donc un nouveau crime de guerre de la part des séparatistes russes si elle était confirmée. Saadoun, Aslin et Pinner ont été capturés ensemble par les séparatistes prorusses, à la mi-avril, dans la ville portuaire de Marioupol, au sud-est de l'Ukraine.
Le chef des séparatistes, Pouchiline, a également évoqué la préparation de procès contre plus d'une centaine de combattants ukrainiens qui défendaient, jusqu'à fin mai, Marioupol, désormais conquise par la Russie. Selon différents médias, d'autres étrangers sont également détenus par les séparatistes.
Ironie de l'histoire, les trois hommes sont tous enracinés en Ukraine. Brahim Saadoun, le plus jeune des trois condamnés, a émigré du Maroc vers l'Ukraine il y a un peu plus de deux ans pour étudier l'ingénierie à Kiev. Jusqu'à l'attaque russe, les étudiants marocains constituaient le deuxième groupe le plus important d'étudiants étrangers en Ukraine, après les Indiens.
Aiden Aslin, quant à lui, a la double nationalité ukrainienne et anglaise. Il est originaire de Newark, en Angleterre, où il était infirmier. Depuis 2018, il vit en Ukraine et a une fiancée ukrainienne. Tout comme Shaun Pinner, un Britannique de 48 ans qui a défendu Marioupol en tant que membre d'une division d'infanterie de marine ukrainienne avant d'être capturé. Il est marié à une Ukrainienne. (aargauerzeitung.ch)