Le 8 octobre, le pont qui relie la péninsule annexée de Crimée au territoire russe a explosé. Les raisons exactes de la détonation, qui n'a pas encore été revendiquée, ne sont pas totalement claires. A l'instar de plusieurs experts, la Russie affirme qu'elle a été provoquée par un camion rempli d'explosif.
Avant d'exploser au beau milieu du pont, le camion a accompli un long voyage. C'est ce que soutient l'historien Chris Owen, qui a reconstitué l'itinéraire de l'engin piégé dans une publication Twitter.
La cargaison du camion aurait voyagé de l'Ukraine vers la Russie, en passant par la Moldavie, la Roumanie, la Bulgarie, la Géorgie et l'Arménie, avant d'être transbordée et transportée vers le pont de Crimée.
Le voyage commence début août 2022. Selon la Russie, la cargaison a été transportée dans le camion depuis Odessa en Ukraine jusqu'à la frontière bulgare en passant par la Roumanie et probablement la Moldavie. Le fret aurait été expédié à une société appelée Baltex Capital SA dans le cadre d'un contrat avec la société Translogistik UA, basée à Kiev.
La société Baltex Capital SA a chargé une entreprise arménienne du nom de Gu AR G Group d'acheminer les marchandises. Selon le journal bulgare Dnevnik, la cargaison a été acheminée vers le port de la ville bulgare de Bourgas, d'où elle a été transportée par ferry vers Poti en Géorgie. Elle y serait arrivée le 26 septembre.
WATCH: #BNNRussia Reports.
— Gurbaksh Singh Chahal (@gchahal) October 12, 2022
Russia's Federal Security Service (FSB) has published a video of the inspection of the truck that exploded on the Crimean bridge. #Crimea #War pic.twitter.com/nPuHD0Rl9m
En revanche, la Bulgarie a démenti mardi les informations et les déclarations de la Russie selon lesquelles le camion aurait traversé son territoire.
Selon les médias arméniens, la cargaison a été transportée de Poti vers l'Arménie, dans un camion immatriculé en Géorgie. Un citoyen arméno-géorgien aurait pris place derrière le volant. Le 27 septembre, il serait arrivé à 14h53 au poste-frontière arménien. Là, il a été inspecté et passé aux rayons X. Aucune irrégularité n'aurait été constatée.
Le camion aurait ensuite été conduit avec son chargement à l'Alliance Terminal, un entrepôt douanier situé à la périphérie de la capitale arménienne Erevan, où il serait arrivé le 27 septembre à 22h46. Il aurait été contrôlé à nouveau le 29 septembre.
La cargaison, marquée d'autocollants «made in China», a été photographiée et inspectée par les Arméniens. Selon la Russie, il s'agissait de 22 palettes de rouleaux de film plastique d'un poids total de 22 770 kilos, dans lesquelles un engin explosif a été dissimulé.
La raison exacte pour laquelle le camion a quitté la Géorgie, située au nord, pour se rendre d'abord au sud, en Arménie, avant de repartir vers le nord, en Russie, n'est pas très claire. Une théorie est que les contrôles douaniers à l'entrée de l'Arménie ont été effectués conformément aux règles de l'Union économique eurasienne (UEEA), dont la Russie fait également partie.
La Géorgie, en revanche, n'est pas membre de l'UEEA. Le contrôle en Arménie pourrait ainsi avoir offert une porte dérobée vers la Russie, car les contrôles à la frontière économique de l'UEEA ne doivent pas, en théorie, être effectués à nouveau à la frontière russe.
Selon les autorités arméniennes, le 30 septembre, le service des douanes d'Erevan a certifié qu'il s'agissait de «marchandises de l'UEEA» et a délivré une déclaration de transit. Cela pourrait avoir facilité l'importation en Russie. Selon des informations arméniennes, le camion aurait été surveillé par des caméras pendant toute la durée de son séjour à l'Alliance Terminal. Il n'a donc pas été chargé ni déchargé.
Le 1er octobre à 00h38, il a quitté l'Arménie pour la Géorgie. Il a subi une nouvelle radiographie au poste-frontière. Il serait ensuite entré en Russie le 5 octobre par le seul poste-frontière ouvert dans la région russe de l'Ossétie du Nord. On ne sait toutefois pas ce que le camion a fait pendant les quatre jours qui se sont écoulés.
Le camion serait ensuite arrivé le 6 octobre avec son chargement à Armavir, une ville à l'est de la Crimée. Là, la cargaison aurait été entreposée dans l'entrepôt d'une entreprise appelée Agro-Business. L'entreprise appartiendrait à un homme originaire de l'est de l'Ukraine et à son fils.
Le 6 octobre, une bourse de fret russe recherchait un chauffeur pour livrer le 7 octobre à Simferopol, en Crimée, la cargaison déclarée comme «conteneur et emballage». Un chauffeur de camion originaire d'Azerbaïdjan a accepté la mission et a chargé le fret sur un nouveau camion.
Le 7 octobre, le chauffeur serait arrivé tard dans la soirée dans un village situé à une centaine de kilomètres du pont de Crimée et aurait dormi dans son camion. Le lendemain matin, à 5h52, le camion a emprunté le pont de Crimée et à 6h03, une explosion s'y est produite.
Le service de renseignement intérieur russe (FSB) a arrêté mercredi huit suspects en lien avec l'explosion. Parmi eux, cinq seraient des citoyens de Russie, trois d'Ukraine et d'Arménie.
Les dirigeants ukrainiens rejettent l'enquête russe sur l'explosion du pont de Crimée. Toute l'activité du FSB, le service de renseignement intérieur russe, et de la commission d'enquête est un non-sens, a déclaré Andriy Youssov, porte-parole du service de renseignement militaire à Kiev, selon la chaîne ukrainienne Suspilne.
Le FSB et la commission d'enquête ne servent que le régime de Poutine, affirme Youssov en faisant référence au président russe Vladimir Poutine.
Selon le FSB, l'explosion sur le pont a été organisée par le principal service de renseignement du ministère ukrainien de la Défense. Des enquêtes indépendantes sur l'incident n'ont pas encore été menées, ce qui ne permet pas d'examiner la véracité de la version russe. (t-online, AFP, Reuters, csi)