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Les Ukrainiennes luttent contre Poutine grâce à leur smartphone

Cette photo porte la légende: «Rohan, région de Kharkiv, conséquences de l'occupation russe.»
Cette photo porte la légende: «Rohan, région de Kharkiv, conséquences de l'occupation russe.»image: dattalion

Qui sont ces Ukrainiennes qui luttent contre Poutine grâce à leur smartphone

Le groupe Dattalion, fondé par des femmes, est en première ligne en Ukraine. Des volontaires du monde entier le soutiennent. Son objectif: montrer la vraie nature de la guerre d'agression que mène la Russie.
25.04.2022, 19:21
Daniel Schurter
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Trois jours seulement après le début de l'invasion russe, un groupe de volontaires féminines a créé une unité chargée de documenter la guerre d'agression à l'aide de smartphones. Depuis, le travail de «Dattalion» fait sensation dans le monde entier.

«Notre arme, c’est la vérité, ce sont les vidéos et les photos de notre base de données qui montrent ce qui se passe réellement en Ukraine.»
Marya, fondatrice de Dattalion

Comment tout a commencé

Le 27 février, trois jours après le début de l'invasion russe, Marya*, Ukrainienne, a lancé avec des amis une unité spéciale comme il n'en existait pas encore dans le monde.

La troupe de volontaires s'appelle Dattalion, elle se compose surtout d'Ukrainiens et d'Ukrainiennes travaillant à l'étranger, et ses principales armes sont le smartphone et le web.

L'unité se décrit ainsi:

«DATTALION – le bataillon ukrainien de données – est un collectif dirigé par des femmes comptant environ 120 Ukrainiens (principalement des mères et des épouses) qui luttent dans la guerre contre la Russie en collectant et en diffusant des vidéos de témoins sur la ligne de front.»

Le nom est une combinaison des deux mots anglais "data" (données) et "batallion" (bataillon).

Une journaliste du magazine féminin français Marie Claire a pu interroger Marya. Celle-ci a confié que les initiatrices avaient d'abord organisé un brainstorming avec plusieurs journalistes étrangers.

«Nous leur avons demandé ce que nous pourrions faire pour que les médias étrangers montrent ce qui se passe vraiment en Ukraine.»
Une photo de la série «Children of War».
Une photo de la série «Children of War». image: dattailon

Comment la troupe «lutte» -t-elle?

Depuis l'invasion de leur pays, les bénévoles collectent des vidéos de témoins oculaires et des photos qui leur sont directement transmises ou qui sont postées sur les réseaux sociaux.

Ils examinent ensuite le matériel, le publient sur leurs propres canaux et dans la base de données gratuite (voir ci-dessous), et y ajoutent des noms de lieux, des données géographiques et des tags.

Leur objectif est de documenter les bombardements et les attaques contre la population civile ainsi que de dénoncer les crimes de guerre commis par les envahisseurs.

Les responsables demandent à l'Occident où se trouve la ligne rouge pour Poutine. «A combien de crimes de guerre devrons-nous encore assister? Nous sommes déjà témoins d'un génocide dans les rues de l ...
Les responsables demandent à l'Occident où se trouve la ligne rouge pour Poutine. «A combien de crimes de guerre devrons-nous encore assister? Nous sommes déjà témoins d'un génocide dans les rues de l’Europe.»screenshot: dattalion.com
  • Le principal point de contact est le site dattalion.com, qui fournit des informations sur le projet et le contexte.
  • Ensuite, il y a la base de données avec des vidéos de témoins oculaires et des photos qui montrent surtout des victimes civiles et des dégâts. Elle est disponible gratuitement pour les journalistes et toutes les personnes intéressées sur le service de stockage en ligne Google Drive.
  • Il y a aussi une page Instagram, un compte Twitter et une page LinkedIn.
Cette photo est datée du 15 avril. Dans la description, on peut lire: «Les occupants de la région de Donetsk tiennent toute la ville en otage et la transforment peu à peu en un vaste camp de travail.»
Cette photo est datée du 15 avril. Dans la description, on peut lire: «Les occupants de la région de Donetsk tiennent toute la ville en otage et la transforment peu à peu en un vaste camp de travail.»image: dattalion

La banque de données est surtout destinée aux reporters, aux politiciens, aux célébrités et aux documentalistes – en fait, à toute personne disposant d'une certaine influence.

La fondatrice de Dattalion a indiqué à Marie Claire que le groupe soutenait le gouvernement ukrainien du président Volodymyr Zelensky.

«Nous sommes indépendants, mais nous accordons au gouvernement ukrainien l'accès à nos données et à tous les fichiers, car ils les utilisent pour leurs communications. Cela peut également leur servir de preuves dans les procédures contre la Russie devant les tribunaux internationaux.»

Dattalion utilise également les réseaux sociaux pour diffuser des nouvelles positives dans la guerre de l'information. Qu'il s'agisse de récits de concitoyennes courageuses, de photos d'animaux domestiques sauvés ou d'actions de solidarité remarquables, comme celle d’un boulanger polonais qui, après avoir entendu parler des atrocités russes, s'est rendu dans la ville de Boutcha, près de Kiev, pour cuire du pain pour les soldats et les civils ukrainiens.

Image
screenshot: twitter

Que contient la base de données?

watson a parcouru les dossiers, vidéos et images pour se faire sa propre idée. Avertissement: on y trouve non seulement des images de bâtiments détruits, comme des écoles ou des immeubles d'habitation, mais aussi de cadavres et de victimes de présumés crimes de guerre.

Piège explosif fixé à un arbre: la description de la photo indique que «les occupants se sont retirés de la région de Kiev, mais ont laissé derrière eux de nombreuses et terribles surprises (...)».
Piège explosif fixé à un arbre: la description de la photo indique que «les occupants se sont retirés de la région de Kiev, mais ont laissé derrière eux de nombreuses et terribles surprises (...)».image: dattalion

Les responsables de Dattalion, qui souhaitent rester anonymes, avancent sur leur site des chiffres impressionnants*.

  • Plus de 1800 vidéos disponibles.
  • En prime, plus de 3400 photos.
  • Et la banque de données aurait déjà enregistré plus de 25 000 téléchargements.

* Situation au 21 avril 2022, source: dattalion.com

Cette photo est également tirée de la série «Children of the War».
Cette photo est également tirée de la série «Children of the War».image: dattalion

Qui se cache derrière tout cela?

Les fondatrices n'apparaissent que sous un pseudonyme et se cachent le visage devant la caméra, car elles risquent des représailles.

Le groupe compte aujourd’hui plus de 120 volontaires. Il est surtout composé de femmes, ukrainiennes pour la plupart. Parmi elles, il y aurait de nombreuses personnalités du monde politique et économique. Des artistes et des sportives en feraient également partie.

Environ la moitié des membres de Dattalion se trouvent en Ukraine et l'autre moitié en dehors du pays. Il y a également des volontaires étrangers dans le monde entier.

Dans la vidéo suivante, publiée sur Twitter, on entend une entrepreneuse en informatique ukrainienne qui se fait appeler Martina. Elle explique qu'elle ne sait pas utiliser les armes traditionnelles, c'est pourquoi elle a décidé d'aider de cette manière.

«Je connais les possibilités du numériques. C'est comme ça que je peux avoir le plus d'impact»
Marya, membre de Dattalion

Beaucoup seraient des épouses et des mères qui, après avoir mis leurs enfants à l'abri dans l'ouest du pays, sont retournées dans les zones de guerre. Là-bas, elles tentent de filmer les atrocités avec leur téléphone portable.

Qu'en est-il des falsifications et de la désinformation?

Selon les estimations d'experts indépendants, mais aussi des responsables de Dattalion eux-mêmes, il existe une grande réserve concernant le matériel publié: les bénévoles qui mettent à disposition les vidéos et les photos ne sont pas des journalistes formés, et de nombreux contenus sont soumis de manière anonyme.

Certes, ils assurent que l'authenticité des photos et des vidéos est vérifiée sur la base d'indications de temps et de lieu. Mais ils ne donnent pas plus de précisions à ce sujet. Sur Google Drive, le matériel est classé dans des dossiers selon les critères «Trusted» (digne de confiance) et «Not Verified» (non vérifié).

Dattalion est-il consulté en Russie?

On en doute.

Comme on le sait, une censure rigoureuse règne en Russie. Le régime de Poutine tente d'isoler le pays et d'influencer la population par le biais de la propagande.

Les responsables de Dattalion disent qu'ils ont mis leur base de données à la disposition de tous les médias russes indépendants et qu'elle est désormais librement accessible.

Et la fondatrice de Dattalion, Marya, ajoute:

«Je pense que beaucoup de Russes ont subi un lavage de cerveau. Nous ne nous concentrons pas sur eux pour le moment.»

* Marya (nom d’emprunt) a déclaré à Marie Claire vouloir rester anonyme, non pas à cause d’un danger physique, car elle se trouve désormais dans l'UE et se sent en sécurité. Il s'agit plutôt de cybermenaces. En effet, une attaque contre elle ou tout autre membre de l'équipe Dattalion pourrait permettre à des pirates d'accéder à la base de données et de la détruire.

Sources

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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Video: watson
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