Les autorités ukrainiennes s'inquiétaient lundi d'une aggravation de la situation dans le port assiégé de Marioupol, où au moins 5000 personnes auraient déjà péri. De nouveaux pourparlers entre négociateurs russes et ukrainiens devaient se dérouler mardi à Istanbul:
Plus d'un mois après le début de l'invasion russe, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait dénoncé dimanche un blocus total de ce port stratégique sur la mer d'Azov, dont l'armée russe tente de s'emparer depuis fin février. Environ 160 000 personnes sont toujours coincées, selon son maire Vadim Boïtchenko.
Et avec l'annonce vendredi par Moscou d'«une concentration de ses efforts sur la libération» du Donbass, un conseiller de la présidence ukrainienne a indiqué redouter une «aggravation» de la situation.
Des médias russes ont affirmé lundi que le dirigeant tchétchène, Ramzan Kadyrov, un proche de Vladimir Poutine, s'était rendu à Marioupol pour galvaniser ses troupes qui participent à l'assaut.
En outre, l'Ukraine a annoncé avoir des «preuves» de l'utilisation, par les forces russes, de bombes à sous-munitions, des armes interdites par les conventions internationales, dans deux régions du sud de son territoire, celles d'Odessa et de Kherson.
«Ce qui se passe en Ukraine est la répétition de ce qu'on a pu voir en Syrie», a déclaré à l'AFP, la secrétaire générale d'Amnesty international, Agnès Callamard, lors de la présentation mardi à Johannesburg de son rapport 2021-2022.
«Nous sommes dans des attaques intentionnelles d'infrastructures civiles, d'habitations», des bombardements d'écoles, a-t-elle fustigé, accusant la Russie de permettre des couloirs humanitaires pour les transformer en un «piège mortel».
L'Ukraine a annoncé qu'Irpin, théâtre de féroces combats dans la banlieue de Kiev, a été «libérée» des forces russes:
D'autres combats se déroulaient par ailleurs dans plusieurs localités autour de la capitale. «L'ennemi tente d'effectuer une percée autour de Kiev et de bloquer les routes», a affirmé Ganna Malyar, vice-ministre de la Défense, à la télévision ukrainienne, soulignant que «la défense de Kiev» se poursuivait.
Des combats acharnés se déroulaient aussi dans l'est du pays. A la périphérie nord-est de Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine proche de la frontière russe, Saltivka, quartier de hautes barres d'immeubles et pilonné par l'armée russe, n'est plus qu'une cité fantôme balayée où ne survivent, terrés dans les caves, qu'une poignée de vieillards, selon des journalistes de l'AFP.
Dans l'Est du pays sont aussi déployés des mercenaires russes du groupe Wagner, a indiqué lundi le ministère britannique de la Défense qui estime que plus de 1000 combattants de la sulfureuse société paramilitaire pourraient être amenés à combattre dans le pays.
Les soldats ukrainiens ont repris le contrôle de Mala Rogan, un petit village à environ quatre kilomètres à l'est de Kharkiv, a constaté l'AFP, qui a vu deux corps de soldats russes gisant dans une allée et plusieurs blindés russes détruits.
Dans le sud, l'étau russe semblait aussi se desserrer autour de certaines villes, comme Mykolaïv, une ville-verrou sur la route d'Odessa, le plus grand port d'Ukraine. Ses habitants semblaient retrouver un peu d'espoir, après des semaines terribles pendant lesquelles l'armée russe a tenté en vain de prendre leur cité.
Le front a même sensiblement reculé, avec une contre-offensive ukrainienne sur Kherson, à quelques 80 km au sud-est, seule ville d'importance dont l'armée russe ait revendiqué la prise totale depuis le 24 février.
La défenseure ukrainienne des droits, Lyudmyla Denysova, a appelé, sur Facebook dans la nuit de lundi à mardi, la communauté internationale à prendre «toutes les mesures possibles» pour faire partir les troupes russes des alentours de la centrale nucléaire désaffectée de Tchernobyl:
A Washington, le président américain, Joe Biden, a affirmé lundi qu'il ne retirait pas ses propos controversés suggérant qu'il souhaitait le départ de son homologue russe, Vladimir Poutine, du pouvoir, car ils exprimaient son «indignation» personnelle et pas une «politique» en faveur d'un changement de régime.
La Maison Blanche a peu de temps après précisé qu'il n'avait pas appelé à un «changement de régime» en Russie. Le Kremlin a dénoncé lundi les commentaires «alarmants» de Biden.
Une précédente séance de négociations avait déjà eu lieu le 10 mars en Turquie, à Antalya, au niveau des ministres des Affaires étrangères. Elle n'avait débouché sur aucune avancée concrète.
Les discussions s'étaient ensuite poursuivies en visioconférence pour tenter d'arrêter ce conflit qui a déjà contraint près de 3,9 millions d'Ukrainiens à fuir leur pays selon l'ONU et causé plus de 500 milliards d'euros de pertes économiques à l'Ukraine, selon une estimation de Kiev.
Un des points importants des négociations porte sur «les garanties de sécurité et la neutralité, le statut dénucléarisé de notre Etat», a déclaré dimanche le président Zelensky à des médias russes. Ce point «est étudié en profondeur», mais il nécessitera un référendum et des garanties de sécurité, a-t-il prévenu.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a cependant tempéré les attentes lundi, affirmant que les négociations jusqu'ici n'avaient pas produit d'«avancées significatives».
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a jugé qu'une rencontre entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, que ce dernier appelle de ses voeux, serait pour l'heure «contre-productive». Il l'a fait dépendre de la satisfaction des exigences de Moscou dans les négociations, dont la «démilitarisation» et la «dénazification» de l'Ukraine.
Londres a mis en garde lundi contre des négociations avec la Russie revenant à «brader» l'Ukraine. L'ONU va elle chercher à mettre en place un «cessez-le-feu humanitaire» entre la Russie et l'Ukraine.
A la veille des nouveaux pourparlers prévus en Turquie, l'oligarque russe, Roman Abramovitch, qui tente de jouer les médiateurs entre Moscou et Kiev pour faire cesser la guerre en Ukraine, ainsi que deux négociateurs ukrainiens ont souffert de symptômes qui font penser à un possible «empoisonnement», a dit à l'AFP une source proche du dossier, confirmant des informations du Wall Street Journal.
En Russie, le journal indépendant Novaïa Gazeta, dont le rédacteur en chef, Dmitri Mouratov, a reçu en 2021 le Nobel de la Paix, est le dernier en date à avoir annoncé, lundi, suspendre ses publications en ligne et au format papier jusqu'à la fin de l'opération militaire en Ukraine.
De son côté, Lavrov a annoncé qu'un décret était en préparation pour limiter l'accès au territoire russe aux ressortissants de pays auteurs d'actes «inamicaux» à l'égard de la Russie, visée par une multitude de sanctions depuis le déclenchement de son offensive. (ats/jch)