International
ukraine

Boutcha: la complosphère crie à la mise en scène ukrainienne

Un cadavre, les mains liées dans le dos. Boutcha, le 3 avril 2022.
Un cadavre, les mains liées dans le dos. Boutcha, le 3 avril 2022.image: keystone, montage saïnath bovay

Cadavres de Boutcha: la complosphère crie à la mise en scène ukrainienne

A peine les images des cadavres jonchant le sol de Boutcha, en Ukraine, étaient-elles diffusées, que la machine à insinuations complotistes s'est mise à tourner à plein régime.
04.04.2022, 17:0912.05.2023, 17:13
Plus de «International»

Un cadavre qui «bouge la main», un autre «qui se relève»… Depuis dimanche, la vigilance des fact-chekers en chambre est à son maximum. C’est hier que d’horribles images en provenance de Boutcha ont été partout diffusées, évoquant fortement un massacre perpétré sur des civils. Environ 300 corps, certains avec les mains attachées dans le dos, auraient été comptés dans cette localité de la périphérie de Kiev depuis le départ de l’armée russe, le 30 mars. Une partie des cadavres jonche le sol des rues, d’autres ont été retrouvés dans des fosses communes. Les premiers témoignages parlent d’exécutions sommaires et mettent en cause les Russes.

Des ONG, l'Union européenne et probablement l'ONU aussi se rendront sur place pour tenter d'établir les faits. La Russie, qui fait figure ici d'accusée et dont les représentants disent beaucoup de contre-vérités lorsqu'ils sont interrogés par les médias occidentaux, a demandé la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies pour faire la lumière sur le drame de Boutcha, peut-être pour de ne pas laisser accroire que le pouvoir russe ait pu ordonner de tels actes.

Sur Twitter, la bataille autour du massacre de Boutcha a commencé dimanche 3 avril. La partie ukrainienne et l’Occident à sa suite, tenteraient d’imposer un storytelling sur ces atrocités au détriment de la partie russe. Un récit qui comporterait des failles et des incohérences...

La chronologie à la charnière de mars et avril attesterait d’une mise en scène orchestrée par les Ukrainiens. Le twitto Moon of Alabama, près de 27 000 abonnés, accuse le régiment Azov, une unité de combat ukrainienne dont certains membres partageraient ou auraient partagé des thèses néonazies, d’avoir commis ces tueries dans le but d’en faire porter le chapeau aux Russes. D'après cette «version», des membres d’Azov auraient pénétré dans Boutcha les 1er et 2 avril pour y accomplir un massacre, après que les troupes russes se furent retirées de l'endroit le 30 mars. Les images de l’armée ukrainienne montrant les corps sans vie de civils n’auraient été diffusées que le 3 avril, soit quatre jours après le départ de l'armée russe, ce qui aurait laissé aux Ukrainiens tout le temps qu'il faut pour organiser la scène macabre, suggère le même compte Twitter.

«Chronologie malhonnête»

«Faux!», réplique Basile Trouba qui produit des images diffusées sur Twitter le 1er avril déjà et non pas seulement à partir du 3. Elles montrent des véhicules des forces ukrainiennes circulant dans une rue de Boutcha parsemée de corps.

Mais rien n'arrête les complotistes. Tout «indice» leur est bon pour accréditer la thèse d’un «fake». Aussi Raphaël Grably, chef du «service tech» à BFMTV, répond-il du tac au tac à Silvano Trotta Officiel, 157 181 abonnés sur Instagram, quand celui-ci affirme qu’«un cadavre bouge le bras»:

Ce Silvano Trotta, antivax déclaré, appartient à la galaxie des antisystèmes. Il mène ces jours-ci la fronde contre Emmanuel Macron, en lien avec le rapport du Sénat français sur les dépenses de l’Elysée en faveur du consultant McKinsey. En décembre 2020, le quotidien Le Monde présentait Trotta en ces termes: un «chef d’entreprise» qui «affiche son conspirationnisme avec fierté».

L’avocat français Régis de Castelnau, résolument hostile à Emmanuel Macron, soutien aux gilets jaunes et se disant communiste, a lui aussi cru voir un cadavre bouger. Rudy Reichstadt, directeur du site Conspiracy Watch qui démonte les discours complotistes, a réagi aux insinuations de Castelnau:

Les «faux charniers de Timisoara»

Le précédent des «faux charniers» de Timisoara est abondamment cité à l’appui des sous-entendus de manipulations accolés à ces images terribles. En décembre 1989, au moment de la révolution roumaine, la presse internationale avait pris pour argent comptant la version qu'on lui servait pour expliquer la vision d’horreur qu’elle avait sous les yeux: des dizaines de corps entassés, en réalité récupérés dans des morgues, qui devaient servir la propagande de la partie des autorités en place luttant contre le régime communiste du dictateur Ceausescu, analyserait-on plus tard.

Depuis Timisoara, la presse fait plus attention. Face aux images de Boutcha, elle prend acte de ce qu’elle voit, les envoyés spéciaux recueillent des témoignages sur place. Les médias font leur travail.

Et si tout était «faux»

Les complotistes, eux, ont déjà tranché. Jouant du doute légitime, ils ne font pas que contester des faits qui demandent, certes, à être étayés, ils réécrivent entièrement l’Histoire, mêlant le vrai et le faux, le présent et le passé, osant insinuer que la catastrophe en cours à Marioupol pourrait être imputable aux Ukrainiens, comme dans le tweet ci-après. Son auteur compte près de 43 000 abonnés, parmi eux des partisans d’Eric Zemmour:

Zemmour, Le Pen et Mélenchon

S’affichant comme des soutiens de la Russie de Poutine avant la guerre en Ukraine, les Zemmour, Le Pen et Mélenchon, qui briguent la présidence de la République, n'ont pas de mots assez durs pour condamner les événements de Boutcha.

Derrière les complotistes, on trouve souvent la propagande russe. Boutcha ne fait bien sûr pas exception, comme s'emploie à le démontrer le twitto @AlbLeVert:

Les images glaçantes de Marioupol vue du ciel
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Luigi Mangione, le «charmant» meurtrier présumé qui fascine les Américains
Le 4 décembre, Brian Thompson, patron d'un géant des assurances, est abattu devant les portes du Hilton Midtown de Manhattan. Depuis, le tireur suscite une véritable fascination. De son profil, au mobile du crime, Luigi Mangione, arrêté mardi soir dans un McDonald's de Pennsylvanie, planque encore de nombreux mystères. Récit.

Manhattan. Sans doute l'un des quartiers les plus surveillés des Etats-Unis. Le MoMA est à 100 mètres. Times Square, à sept minutes à pied. Sous un costume bleu et d'un pas assuré, Brian Thompson passe devant le New York Hilton Midtown lorsqu'une première balle vient se loger non loin de sa colonne vertébrale. Le directeur exécutif de UnitedHealthcare Group, le plus puissant assureur du pays, devait participer à une sauterie réservée aux investisseurs. Mais il ne rejoindra jamais ses actionnaires, ce mercredi 4 décembre, peu après 6h45 du matin.

L’article