Les contre-offensives lancées cet automne par l'armée ukrainienne à Kharkiv et Kherson ont été accompagnées par un flot d'images et de vidéos montrant les troupes mécanisées lancées à l'assaut des localités occupées. Si on regarde avec attention, on s'aperçoit que la plupart de ces véhicules sont marqués d'une croix blanche.
Peint grossièrement à la main, ce symbole rappelle immédiatement le «Z», le «V» et le «O» arborés par les véhicules russes depuis le début de l'invasion. Or, il se trouve que la croix blanche ukrainienne remplit exactement les mêmes fonctions, tant sur le plan pratique que symbolique.
L'apparition du «Z» et du «V» dès les premières phases du conflit avait intrigué les observateurs, notamment à cause du fait que ces deux lettres ne font pas partie de l'alphabet cyrillique. Une thèse univoque concernant leur signification n'existe pas, mais plusieurs pistes existent.
Ce marquage aurait tout d'abord une fonction pratique: différencier ses véhicules de ceux de l'adversaire et éviter ainsi les tirs amis. Cette tactique, déjà observée par le passé, prend tout son sens si l'on considère que les deux armées utilisent souvent les mêmes chars de conception russe et soviétique.
Cela vaut également pour les Ukrainiens. La plupart des chars que Kiev a reçus de ses alliés occidentaux ces derniers mois proviennent des stocks soviétiques des pays voisins. Comme le rapporte le blog spécialisé Oryx, la Pologne et la République tchèque ont envoyé plusieurs centaines de véhicules blindés, de vieux T-72 et de BMP-1 pour la plupart.
De plus, l'armée ukrainienne se sert aussi de véhicules russes capturés. Toujours selon Oryx, les soldats de Kiev ont mis la main sur pas moins de 518 chars et 236 blindés ennemis depuis le début du conflit. Les différencier des adversaires est essentiel.
Les lettres russes ont également une autre signification. Moscou avait en effet expliqué qu'elles sont des symboles de victoire. Le «Z» représente la phrase За победу («Pour la victoire») tandis que le «V» peut être lu comme Сила в правде («La force est dans la vérité») ou Задача будет выполнена («On va finir le travail»).
La croix blanche ukrainienne a exactement le même objectif. Elle a plusieurs significations symboliques, renvoyant également à la notion de victoire.
En Ukraine, ce symbole est historiquement considéré comme l'étendard des Cosaques, explique le quotidien italien Il Messaggero. Un drapeau datant de 1651 conservé au musée militaire de Stockholm en est un exemple. La croix blanche se retrouve également sur la bannière du Sitch zaporogue, un proto-Etat cosaque qui exista entre le XVI et le XVIII siècles, ainsi que sur plusieurs emblèmes officiels d'aujourd'hui.
La croix peut également faire écho à une autre tradition, poursuit le quotidien, une légende remontant à l'époque romaine. On raconte que, la veille d'une importante bataille, l'empereur païen Constantin ordonna à ses soldats de peindre l'image d'une croix équilatérale sur leurs boucliers. Le monarque avait reçu une vision du Christ, qui lui avait dit: «Sous ce signe, tu vaincras». Ce qu'il s'est finalement produit.
Cette croix blanche bénéficie donc d'un bon timing: l'arrivée des chars étrangers et la rapide avancée des Ukrainiens dans le sud et le nord-est.
Ce qui aurait poussé certains Ukrainiens à qualifier la contre-offensive des forces armées de «croisade des Ukrainiens contre les Russes». Des représentants des autorités ont même commencé à se servir de la croix blanche dans leur communication, à l'image du directeur de cabinet de Volodymyr Zelensky, Andriy Yermak, qui a récemment posté ce message sur Telegram:
(asi)