«Je propose à la Fédération russe d'échanger cet homme contre nos garçons en captivité en Russie», a récemment affirmé Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien faisait référence à Viktor Medvedtchouk, oligarque prorusse et proche de Poutine, capturé après plus d'un mois de cavale.
L'arrestation du plus grand «traître» d'Ukraine a tout d'un joli coup pour Kiev, qui dispose maintenant d'un «prisonnier de luxe» pour forcer la main du Kremlin et obtenir des contreparties. C'est du moins ce que le discours de Zelensky laisse supposer.
La réalité est plus complexe. «En l'état actuel des choses, les Ukrainiens gardent Medvedtchouk en captivité comme gage symbolique», analyse Marcel Berni, de l'Académie militaire à l'EPF de Zurich. «S'il est considéré comme un prisonnier de guerre, il aura les mêmes droits et obligations que tous les autres prisonniers russes détenus par l'Ukraine», poursuit-il. Autrement dit, l'oligarque n'a pas plus de valeur qu'un simple soldat, du moins juridiquement.
C'est sur le plan moral qui repose son importance, selon l'expert: «Des personnalités célèbres sont volontiers capturées en tant que prisonniers de guerre à des fins de propagande et de moralisation». Avant d'ajouter:
Ce qui soulève la question suivante: quelle est la situation des soldats capturés depuis le début du conflit? Moscou affirmait récemment avoir mis la main sur 1000 ennemis, Kiev revendiquait la capture de 600 Russes, mais très peu de chiffres existent à ce sujet.
Une chose est sûre: ce n'est pas une situation enviable. Les prisonniers ne devraient pas être considérés ou utilisés comme une arme de guerre, ce qui est contraire au droit international humanitaire. Mais dans les faits, c'est bien souvent ce qu'il arrive.
«Les prisonniers de guerre sont particulièrement vulnérables et ont donc toujours été la cible de crimes», explique Marcel Berni.
Des informations provenant du front semblent donner raison à l'expert. Une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux montre par exemple des soldats ukrainiens en train d'exécuter des prisonniers russes. Dans un autre cas, des Russes capturés ont dû prendre la parole lors d'une conférence de presse officielle. Les défenseurs des droits de l'homme condamnent cette pratique, accusée de mettre en danger les prisonniers et leurs familles au pays.
«Des abus et des meurtres sont rapportés des deux côtés, mais il est difficile de séparer la propagande de la réalité», réagit Marcel Berni. Au-delà de ces exemples extrêmes, on n'en sait pas trop à ce sujet, poursuit-il. «Il y a probablement des deux côtés une négligence et une instrumentalisation des prisonniers de guerre».
«Pour vérifier de telles accusations de manière indépendante, il faudrait qu'une organisation internationale comme le CICR puisse rendre visite aux prisonniers», continue Marcel Berni, qui ne se montre toutefois pas optimiste:
Et ce, même si la Russie et l'Ukraine ont signé la Troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, rappelle-t-il. «Selon les articles 109 à 117, les prisonniers qui ne peuvent plus contribuer à la conduite de la guerre en raison d'une maladie ou d'un handicap peuvent faire valoir leur droit au rapatriement dans leur pays d'origine».
Mais pour l'instant, seulement trois échanges de prisonniers ont été officiellement organisés. Ce qui s'expliquerait par la situation sur le terrain: les combats éclipseraient tout le reste. «Je pense que les échanges de prisonniers à grande échelle ne devraient avoir lieu qu'en cas de longues opérations de guerre», conclut Marcel Berni.