Dans la partie de poker menteur qui se joue entre la Maison Blanche et la Chambre des représentants autour du plafond d'endettement des Etats-Unis, le républicain Kevin McCarthy a marqué ses premiers points mercredi. Son projet prévoyant une baisse sans précédent des dépenses publiques en échange d'une hausse du plafond a été validé.
Son plan, qui prévoit une baisse de 4500 milliards de dollars des dépenses fédérales sur les dix prochaines années en échange d'une hausse de 1500 milliards du plafond de la dette publique, actuellement à 31 000 milliards de dollars, a été adopté par la majorité républicaine à la Chambre des représentants. Pour le leader du parti de droite, ce n'était pas gagné.
Il s'agissait également d'un test pour le «speaker» de la Chambre des représentants, afin de prouver sa capacité à rassembler quand nécessaire un parti tiraillé par des forces centrifuges.
En y parvenant, le chef de file fait monter la pression sur Joe Biden, qui s'est lancé mardi dans la campagne en vue de sa réélection en 2024:
«Le président a été très clair, ce texte n'a aucune chance de devenir une loi», a immédiatement réagi la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre:
Le projet de loi adopté prévoit également que le Congrès devra se prononcer à nouveau sur le plafond d'endettement du pays fin mars 2024, soit en pleine campagne présidentielle américaine, ce qui en ferait à n'en pas douter l'un des thèmes majeurs.
Celle-ci a en réalité déjà commencé mardi. Kevin McCarthy a réagi à l'annonce de la candidature de Biden en estimant que le président semblait «concentré sur son propre futur politique alors qu'il devrait l'être sur le futur des Etats-Unis».
Le vote obtenu mercredi lui a permis d'enfoncer le clou, en estimant qu'il «envoie un message clair au dirigeant démocrate: continuer d'ignorer le problème n'est pas une option. Le président doit s'asseoir à la table et négocier»:
Les démocrates estiment en effet que le plafond de la dette n'est pas un sujet négociable, rappelant qu'il ne concerne pas de nouvelles dépenses mais celles déjà votées par le passé, d'administrations issues des deux partis. Et pour les Etats-Unis, l'enjeu est de taille: jamais jusqu'ici le pays ne s'est retrouvé en défaut sur sa dette et cette dernière sert de valeur refuge pour le secteur financier mondial, du fait de la solidité de la garantie américaine.
Un défaut «provoquerait une catastrophe économique et financière», a de nouveau alerté mardi la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen. Contrairement à la majorité des économies avancées, la dette américaine est plafonnée et son niveau doit faire l'objet d'un vote du Congrès afin de suivre sa hausse régulière. Une situation qui s'est déjà produite à 78 reprises depuis le début des années 60, le plus souvent sans difficulté.
Trouver rapidement un consensus est dès lors une nécessité pour les Etats-Unis, d'autant que le défaut pourrait se produire plus rapidement que prévu initialement. Dans une note publiée lundi, Moody's Analytics anticipe ainsi un risque de défaut «possiblement début juin», un risque qui commence à être pris en compte par les investisseurs, comme en témoignent les coûts d'assurance pour se couvrir d'un défaut de paiement des Etats-Unis, au plus haut depuis 2011.
Le plan des républicains est-il dès lors la solution? Pas nécessairement, car selon Moody's, ce dernier aurait un impact réel sur l'économie: une baisse de 0,6 point de pourcentage de la croissance potentielle américaine pour 2024 ainsi que la destruction de 780 000 emplois, de quoi faire trembler les républicains modérés. «Le Congrès doit voter une hausse ou une suspension du plafond de la dette. Il doit le faire sans condition. Et il ne doit pas attendre la dernière minute», a encore martelé Yellen mardi. (ats/jch)