Crise dans le commerce de détail. Jelmoli, Manor, Vögele Shoes, Reformhaus: la liste des entreprises ayant dernièrement rétréci, voire disparu est longue. Ces surfaces qui se vident séduisent alors d'autres types de commerces qui s'empressent de les investir. Parmi eux, certains proposent des interventions médicales esthétiques, avec quelques particularités.
Bien loin de l'atmosphère stérile que l'on accolerait à toute clinique, les espaces dans lesquels sont réalisés ces opérations se présentent sous un look très «Instagrammable». Intérieur tendance, mobilier raffiné, personnel élégant: les interventions médicales se muent ici en une véritable expérience lifestyle. Sans parler du tutoiement entre professionnels et patients qui exalte la jeunesse, toujours plus friande des modifications physiques pulsées par les réseaux sociaux.
Pour cause, chaque année, des milliers de jeunes Suisses se ruent en Turquie pour bénéficier d'une greffe de cheveux qui leur offrira une chevelure abondante. La nouvelle clinique de transplantation capillaire Hair & Skin se présente d'ailleurs comme une alternative pouvant même être réalisée à domicile. Bien que ses prestations se révèlent plus onéreuses qu'en Turquie, celles-ci demeurent moins chères que chez les autres prestataires actuels de Suisse.
La chaîne suisse du PDG Philip Lehmann est en pleine expansion. Rien qu'en 2022, elle a ouvert 19 magasins. D'ici le milieu de l'année 2023, le réseau comptera, au total, 21 sites. La première ouverture au Tessin est prévue pour la fin du deuxième trimestre. Après cela, l'expansion en Suisse sera terminée, explique Philip Lehman. Le modèle commercial de l'entreprise vise désormais l'étranger:
Selon le PDG de l'entreprise, Hair & Skin a déjà été contacté par «plusieurs investisseurs internationaux très renommés», poursuit-il sans pour autant préciser l'ampleur du projet. «Nous aimerions d'abord ouvrir des points de vente éphémères avant de nous lancer à grande échelle sur le marché».
Une fois la nouvelle chevelure acquise, la dentition n'échappe pas non plus aux envies de modifications. L'objectif? Une blancheur éclatante. C'est la promesse notamment faite par la société suisse Alpine White. Les investisseurs de Hair & Skin sont, en partie, également présents derrière la marque des frères Alexander et Reto Wälchli. Les deux entreprises indépendantes Alpine White et Hair & Skin partagent même un local au sein d'une nouvelle filiale à Zurich.
Le service de traitement dentaire est principalement connu pour ses bandes de blanchiment. L'entreprise suisse promet un éclaircissement de l'émail tout en restant à la maison. Pour l'expansion à l'étranger de sa boutique en ligne, Alpine White a levé près de deux millions de francs en 2022. A la fin de l'année dernière, elle s'était également lancée dans la vente stationnaire avec un studio ayant élu domicile à Zurich. On y propose des soins dentaires, des check-ups et des blanchiments.
D'autres «surfaces de premier choix» sont en cours d'évaluation dans toutes les villes suisses, explique Andrea Knoepfli, porte-parole d'Alpine White. «Nous visons un réseau de succursales large et dense afin de garantir l'approvisionnement de proximité au cours des deux prochaines années.» Comme Hair & Skin, Alpine White envisage aussi de s'exporter à l'étranger.
Migros veut également remplir ses caisses en assurant des dents d'une blancheur éclatante. Raison pour laquelle, le groupe suisse a racheté, il y a un an, la chaîne Bestsmile, créée en 2018. Le centre spécialisé en orthodontie propose des appareils dentaires invisibles. Il compte aujourd'hui 36 cabinets et emploie 340 personnes.
Dans le milieu, on parle d'«injectables». Autrement dit, les produits qui peuvent être injectés dans l'organisme comme les produits de raffermissement du visage tels que le botox ou l'acide hyaluronique. C'est l'activité principale de la chaîne Beauty 2 Go de la jeune entrepreneuse suisse Alexandra Lüönd et de son frère Patrick. La première clinique a ouvert ses portes il y a six ans. Aujourd'hui, on en compte cinq en Suisse, avec 32 employés, dont un tiers de médecins. Quelque 30 000 patients ont déjà bénéficié de 100 000 traitements.
En mars, la marque a franchi le Röstigraben en ouvrant une succursale à Lausanne, à proximité immédiate du joaillier de luxe Cartier et dans le même immeuble que le vendeur de montres Bucherer. «Nous visons ensuite les villes de Genève et de Bâle», ajoute Alexandra Lüönd, 35 ans.
À Zurich, Beauty 2 Go se trouve dans la Bahnhofstrasse, à Saint-Gall dans la Marktgasse et à Lausanne dans la rue de Bourg – tous des emplacements de choix avec des prix au mètre carré supérieurs à la moyenne. Chaque magasin est rentable, souligne Lüönd. Jusqu'à présent, l'entreprise s'est autofinancée.
Un traitement au botox contre les rides du visage coûte 270 francs, une injection d'acide hyaluronique pour les lèvres 300 francs. Les deux procédures durent environ 30 minutes, mais Lüönd préfère parler d'une «belle expérience à offrir à la clientèle». «Après tout, cela représente beaucoup d'argent.» Le traitement au botox est généralement répété tous les trois à six mois, tandis que l'injection d'acide hyaluronique est à refaire après six à douze mois.
Et comment réagit-elle aux critiques qui reprochent au domaine de prôner l'obsession de la beauté et, par le biais des réseaux sociaux, de mettre les jeunes sous pression?
«Les deux peuvent rendre heureux», poursuit la fondatrice de Beauty 2 Go et de préciser que les clients sont informés à l'avance des possibles complications. Lüönd estime que la moyenne d'âge de la clientèle est d'environ 35 ans, l'âge minimum étant de 18 ans.
Selon l'entrepreneuse, les hommes sont de plus en plus nombreux à demander des injections. Généralement des chefs d'entreprise qui veulent paraître plus jeunes et éveillés. Chez cette clientèle, les injections au niveau du menton et de la mâchoire sont très demandées. Ce qui viserait, selon eux, à augmenter leur masculinité.
Récemment, les frères et sœurs Lüönd ont lancé un autre commerce à Winterthur, Brows & Brows, pour le traitement des sourcils par microblading. Il s'agit de tatouer de l'encre de couleur dans la peau à l'aide d'une mini aiguille. L'expansion dans d'autres villes est prévue.
La start-up suisse Care va encore plus loin dans la quête de l'esthétique. Elle permettrait d'accéder à la «beauté intérieure». Le premier store – c'est-à-dire un magasin et non une clinique – a récemment ouvert ses portes à Zurich. Les clients (et donc non les patients) peuvent y faire analyser leur sang et obtenir non seulement des conseils, mais aussi un aperçu de leurs valeurs via une application. Les éventuelles carences sont traitées sur place, à la demande, par des perfusions ou des injections ciblées. Parmi les fondateurs, on trouve notamment Ertan Wittwer, qui a déjà lancé Hair & Skin ainsi que la chaîne dentaire Bestsmile.
Les clients de Care peuvent choisir entre trois forfaits, indépendamment de la nécessité médicale. Le plus petit paquet comprend l'analyse de 28 valeurs sanguines, y compris une perfusion. Le plus grand forfait comprend 45 valeurs ainsi qu'une analyse corporelle, une électrocardiographie au repos et une mesure de la tension artérielle. Les fondateurs espèrent ainsi attirer une clientèle régulière: «L'offre de Care doit être utilisée comme un suivi régulier avec des analyses répétées.»
Le fait que les résultats soient analysés non seulement par un médecin généraliste, mais aussi par une «équipe interdisciplinaire de spécialistes de la santé», comme l'écrit l'entreprise, devrait jouer en la faveur de Care. Mais cela ne s'arrête pas là. Il est dorénavant question d'un concept de design futuriste et unique en son genre. A peine ouverte, la start-up envisage déjà une expansion: ses fondateurs voient un grand potentiel dans les grandes villes suisses, «mais aussi au-delà des frontières nationales».