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Santé mentale en Suisse: Messieurs, êtes-vous sûrs que tout va bien?

Santé mentale en Suisse: Messieurs, êtes-vous sûrs que tout va bien?
En 2021, les troubles psychiques étaient la première cause d'hospitalisation chez les 10-24 ans.Image: Shutterstock
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Messieurs, êtes-vous sûrs que tout va bien?

Selon les statistiques suisses de ces dernières années, l'état de santé mentale des jeunes femmes est «plus alarmant» que celui des jeunes hommes. Des chiffres qui méritent toutefois d'être mis en contexte. Explications.
07.03.2023, 21:0208.03.2023, 07:00
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Le temps n'est pas au beau fixe chez une partie de la jeunesse suisse. Les médias en parlent depuis des mois et les statistiques et autres rapports le confirment: la santé mentale des jeunes s'est détériorée, notamment durant la pandémie.

Selon l'Office fédéral de la statistique, en 2021, les troubles psychiques étaient la première cause d'hospitalisation chez les 10-24 ans, avec plus de 19 000 séjours hospitaliers enregistrés, soit une hausse de 18% par rapport à l'année précédente.

Pourtant, une différence s'observe entre les filles et les garçons et l'écart s'est creusé: pour 1000 habitants, on compte 18,2% d'hospitalisations chez les premières contre 11,4% chez les seconds en 2021. Elles seraient donc, selon les chiffres enregistrés et certaines informations relayées dans la presse, «les plus touchées» par le phénomène.

En 2023, sommes-nous réellement encore en train de croire que les (jeunes) hommes souffrent moins? Il serait peut-être temps de gratter un peu sous la surface.

Une plus grande visibilité

Mise au point diffusait dimanche 5 mars le témoignage de Mélissa, Chiara et Romane, trois adolescentes qui racontent comment leurs troubles psychiques se sont exacerbés (voire déclenchés) lors de la pandémie.

D'autres médias ont eux aussi exposé les chiffres faisant en effet état de cette problématique, plus visible, chez les jeunes femmes. watson par exemple a relayé les résultats d'une enquête publiée en septembre 2022 par la CSS selon laquelle «55% des intervenantes qualifient leur état psychique de mauvais».

Autres exemples: le 24 heures, citant les chiffres de l'Observatoire suisse de la santé, indiquait une augmentation du nombre de dépressions chez les filles et la RTS parlait – notamment – de la hausse des troubles de l'humeur ou névrotiques (survenant en présence d'un facteur de stress) chez celles-ci (+22% contre +13% chez hommes), ou encore de l'augmentation des hospitalisations pour «lésions auto-infligées ou tentatives de suicide».

Ces statistiques sont probablement justes, mais occultent une partie de la réalité.

Réseaux sociaux et jeux vidéo

A l'origine de cette hausse, comme le rappelle Mise au point, on retrouve notamment le fait que les jeunes femmes ont beaucoup plus utilisé les réseaux sociaux durant la pandémie. Conséquences: une comparaison et une dévalorisation de soi qui a engendré (ou augmenté) les troubles psychiques: anorexie, mutilations, troubles obsessionnels compulsifs, dépression, etc.

Vont-elles toutefois réellement moins bien que les garçons? Ce qui est sûr, en revanche, c'est que nombre d'entre elles ont été «éduquées» (notamment, par le contexte familial et social) à identifier, à comprendre et surtout, à exprimer leurs ressentis, leurs émotions, leur douleur. Ainsi, en extériorisant ce qui se passe à l'intérieur, elles s'exposent plus: une visibilité qui se reflèterait dans les statistiques.

A l'inverse, une partie de leurs homologues masculins ont appris tout le contraire, comme le souligne une employée de Pro Juventute:

«Les filles sont socialisées à pouvoir parler de leurs émotions, de leurs sentiments, de leurs ressentis, de leur souffrance. Les garçons en revanche apprennent à renfermer cette souffrance, à se taire»

D'ailleurs, durant la pandémie, la tendance montre que beaucoup d'entre eux se sont réfugiés dans les jeux vidéos pour échapper à la réalité, oublier, ne pas se confronter. Une manière de gérer ses émotions qui doit engendrer (je suppose) un fort sentiment de solitude et d'isolement et surtout, qui empêche de recevoir l'écoute et l'aide nécessaire.

Ainsi, toujours d'après Pro Juventute, ces différences entre les genres expliqueraient pourquoi les garçons se tournent vers l'hétéroagression (ils s'énervent, se battent, sont nerveux envers autrui) et les filles l'autoagression (envers elles-mêmes, en se mutilant par exemple).

La parole est à vous

La sous-représentation des garçons et la sur-représentation des filles dans les récentes statistiques qui traitent de la santé mentale chez les jeunes s'expliquent, se comprennent et doivent permettre de questionner un problème qui pourrait être plus profond.

En grattant sous la surface, on voit qu'aujourd'hui encore, le poids des stéréotypes liés au genre peut peser dans la balance, empêchant certains de crier haut et fort que «merde, ça ne va pas bien!».

Pour ma part, les médias, les chercheurs et autres experts ont leur rôle à jouer et doivent accorder plus d'attention et de visibilité à la thématique.

Mais ce n'est que mon avis. Je suis une femme et je pense que c'est aux principaux concernés de prendre la parole s'ils souhaitent briser le tabou autour de la santé mentale et de la représentation de la masculinité, et ouvrir ainsi le dialogue, entre eux et avec les autres.

J'en appelle donc à tous mes collègues masculins: la prochaine fois, c'est à vous d'écrire ce papier. Je vous offrirai une oreille attentive si besoin.

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