Costume foncé, catogan et lunettes de soleil, l'ancien pirate a retrouvé les honneurs du monde du cinéma. Depuis les procès qui l'ont opposé à son ex-épouse Amber Heard, sur fond d'accusations de violences conjugales, il était pourtant banni des plateaux de tournage américains.
Loin des images du procès et de son grand déballage, ainsi que des accusations de violences qui n'ont pas été jugées sur le fond (et qu'il nie), Depp a enchaîné selfies et autographes sur le tapis rouge, avant d'assister à la cérémonie d'ouverture pilotée par l'actrice Chiara Mastroianni, au côté de l'actrice et réalisatrice française Maïwenn.
C'est elle qui l'a choisi pour interpréter Louis XV dans son film Jeanne du Barry, le film qui a fait l'ouverture du Festival. Un privilège qui a suscité une levée de boucliers de féministes.
Interrogé sur le choix du film, le délégué général du Festival, Thierry Frémaux, a souligné s'intéresser à Depp «comme acteur», auquel rien n'interdisait de tourner, et dont la prestation est «extraordinaire». «Je n'ai qu'une seule conduite dans la vie, la liberté de penser, de parler, d'agir dans le cadre de la loi».
Frémaux assure n'avoir pas suivi la saga judiciaire qui a opposé Johnny Depp à son ex-épouse. L'acteur a finalement remporté le procès pour diffamation qui s'est tenu aux Etats-Unis, et l'actrice a subi un torrent d'attaques misogynes sur les réseaux sociaux.
Questionnée par l'AFP sur sa décision d'embaucher Johnny Depp, Maïwenn a expliqué avoir tourné «l'été dernier, (alors qu'il) sortait de son deuxième procès.»
Plusieurs organisations féministes ont fait part de leur écoeurement mardi, «Osez le Féminisme» appelant même au boycott du Festival. «Le sentiment d'impunité qui ressort (du choix de ce film en ouverture) nous glace», ont dénoncé plusieurs collectifs comme «50/50», le «Lab Femmes de cinéma» ou «1000 visages».
Plusieurs acteurs et actrices français, dont Julie Gayet, Ophélie Bau et Laure Calamy, ont aussi pris la parole, dans une tribune à Libération. Ils ont critiqué un festival qui déroule «le tapis rouge aux hommes et femmes qui agressent», en référence à Johnny Depp et à Maïwenn. Cette dernière a récemment agressé le fondateur du site d'information Mediapart, Edwy Plenel, dans un restaurant.
«Le Festival envoie le message que (...) la violence est acceptable dans les lieux de création», ajoutent-ils dans ce texte également signé par Swann Arlaud (à l'affiche d'Anatomie d'une chute de Justine Triet, en compétition).
Leur incompréhension est plus générale, six ans après le début du mouvement #MeToo, et alors qu'un lent rééquilibrage entre les sexes semble à l'oeuvre dans une industrie dominée depuis toujours par les hommes. Le Festival lui-même présente un jury paritaire et, cette année, un nombre record de sept réalisatrices sont en lice pour la Palme d'or, sur un total de 21 films en compétition. Parmi elles, Alice Rohrwacher, qui présente La Chimera, coproduction suisse.
Interrogée en conférence de presse sur la présence de Johnny Depp, l'actrice Brie Larson, membre du jury, a esquivé la question. Très engagée dans #MeToo, elle s'était fait remarquer en 2017 sur la scène des Oscars en refusant d'applaudir l'acteur Casey Affleck, accusé de harcèlement sexuel.
Ces questions, lancinantes dans le monde du cinéma, n'ont pas éclipsé l'ouverture du Festival, avec son traditionnel défilé de stars, moins fourni toutefois que l'an dernier, édition anniversaire.
Le Festival a rendu hommage à l'acteur Michael Douglas. Ce monument du cinéma a reçu une Palme d'or d'honneur des mains d'Uma Thurman, qui a loué une «star éternelle et un artiste lumineux».
Cette 76e édition a ensuite été déclarée officiellement ouverte par Catherine Deneuve, au côté de sa fille Chiara Mastroianni, après qu'elle a déclamé un poème en soutien aux Ukrainiens. (mbr/ats)
