Jeudi, 24 heures révélait que la piscine de Mon-Repos, à Lausanne, a prévu de transformer complètement ses vestiaires et ses douches, pour qu'elles deviennent «non-genrées». Comprendre: mixtes? Pas vraiment.
Car le but est bien de les rendre «plus inclusives», respectivement effacer la barrière des genres pour y inclure les non-binaires, trans, etc.
Pour autant, le concept choisi par Mon-Repos est celui de la simplicité: 22 cabines de douches individuelles, qui remplaceront celles, collectives, masculines et féminines.
Quel impact ces modifications auront-elles sur la majorité des usagers? Pour Benoît Hachet, professeur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris et sociologue, spécialisé dans l'étude des piscines, «il s'agit d'un endroit où peuvent se cristalliser des malaises si on ne respecte pas un certain nombre de règles».
Si les sujets d'études du sociologue se sont principalement concentrés sur le comportement des usagers dans le bassin, il note que le vestiaire et les douches sont soumis aux mêmes règles sociales implicites:
Pour éviter tout problème, la piscine de Mon-Repos a choisi la solution individuelle: chaque personne disposera de sa propre cabine de douche. Que se serait-il passé si la piscine avait décidé d'introduire des douches collectives mixtes? Dans ce cas de figure, des tensions auraient pu être présentes:
A Mon-Repos, ce cas de figure pourrait arriver dans les vestiaires, utilisés en commun par tous, mais où il sera interdit de se dénuder. Il s'agira toutefois bel et bien d'une zone commune attenante à celle des douches où les gens s'habilleront et se déshabilleront.
Le sociologue compare la situation avec celle de la France, où la question ne se pose pas. En effet, en région parisienne, «deux tiers des piscines sont déjà mixtes, que ce soit les vestiaires ou les douches». Les gens s'y lavent généralement en gardant leur maillot de bain. Il note toutefois que, même lorsque les gens se lavent avec leurs maillots:
Benoît Hachet souligne également que le lien entretenu avec la nudité diffère de la sphère francophone et germanophone: en France, on n'exhibe pas sa nudité alors qu'en Allemagne et dans la sphère germanophone, plus à l'aise avec le naturisme, le fait de laisser son sexe ou ses attributs sexuels dénudés n'est pas un problème.
La Suisse romande et la piscine de Mon-Repos semblent donc se trouver entre ces deux sphères. La piscine a trouvé une solution hybride: ne pas laisser les hommes et les femmes se mélanger nus dans une douche collective, mais garder un espace commun qui permette aussi aux gens de se déshabiller pour aller se doucher individuellement et ensuite se baigner.
Diviser pour mieux inclure, voilà ce qui pourrait être le credo de ce concept. Est-ce là la marque d'une individualisation fractionnée de la société?
Dans les faits, toutefois, la douche collective appartiendra bientôt au passé à Mon-Repos. D'autres piscines du pays vont-elles suivre?